Gestion pratique

Assurer la relève et planifier sa retraite

ce que vous devez savoir des jeunes médecins

Xavier Huppé et Marianne Casavant  |  2014-10-23

Comme bien des médecins de famille en fin de carrière, vous tentez de prendre votre retraite. Hélas ! La relève se fait attendre ! Cet article a pour but de vous donner quelques suggestions pour séduire les jeunes médecins et ainsi les attirer dans votre cabinet, tout en favorisant la transition.

Qu’il aspire à devenir propriétaire ou locataire, le jeune mé­decin a des attentes spécifiques en ce qui a trait au cabinet médical où il s’installera. Il portera un regard critique tant sur l’environnement physique et organisationnel des lieux que sur l’approche et l’attitude que vous adopterez. Oubliez immédiatement l’idée selon laquelle une simple visite des locaux suffira pour charmer votre recrue potentielle. Pensez plutôt à une série de questions qu’il pourrait vous poser et gardez en tête que le jeune médecin a horreur du flou. Il souhaite obtenir des réponses claires et précises, mais concises. Il veut rapidement savoir à quoi s’attendre. Dans cet esprit, mettez toutes les chances de votre côté et soyez prêt à répondre à toutes les questions.

Le Dr Xavier Huppé, médecin de famille, est membre du comité des jeunes médecins de la FMOQ. Mme Marianne Casavant est conseillère en politique de santé à la direction de la Planification et de la Régionalisation de la FMOQ,

Le statut du jeune médecin au sein du cabinet

Malgré sa tendance naturelle à ne pas trop vouloir se projeter dans le temps, le jeune médecin qui choisit de s’installer en cabinet devra très rapidement faire face à un premier dilemme : celui d’être propriétaire ou locataire. Dans un cas comme dans l’autre, gagnez sa confiance et allez au-devant de ses interrogations.

Si vous cherchez un futur propriétaire et que votre candidat aspire à le devenir, n’hésitez pas à mettre à sa disposition vos états de compte. Ventilez le budget de fonctionnement de manière à lui donner l’heure juste. Précisez les coûts d’entretien, les taxes municipales et les investissements à venir. En vérifiant au préalable qu’ils sont bien à jour, montrez-lui les contrats en vigueur et indiquez le moment où ils viendront à échéance. Présentez aussi le fonds de roulement et le fonds d’immobilisation de la clinique, le cas échéant. Plus le médecin sera informé, plus il sera confiant et plus vos chances de le recruter seront élevées. S’il souhaite s’engager, faites-lui une place ! Déléguez, confiez-lui des responsabilités dans la gestion. C’est le meilleur moyen pour qu’il développe un sentiment d’appartenance à la clinique.

Pour le médecin locataire, les frais de cabinet constituent l’un des principaux éléments à considérer. Ces frais sont, en effet, un obstacle important au recrutement en cabinet. Pour que le jeune médecin puisses apprécier l’offre que vous lui faites, donnez-lui suffisamment de détails. Précisez ce que comprennent ces frais : secrétariat, facturation, informatique, photocopies, instruments renouvelables et autres coûts liés à l’immobilisation.

L’environnement physique des lieux

Le jeune médecin est à la recherche d’un environnement à la fois esthétique et à la fine pointe de la technologie. Votre clinique doit-elle être rafraîchie ? Est-elle adaptée aux nouveaux modes de pratique ? Posez-vous la question. Au besoin, envisagez d’en rehausser le look. Ce sera un investissement rentable aux fins du recrutement !

Avec l’arrivée du Programme québécois d’adoption des dossiers médicaux électroniques (PQADME), l’accès au DME s’est accru. Si vous n’avez pas encore fait le saut vers le dossier électronique, il est grand temps de procéder. Pour les jeunes médecins, un DME est un outil essentiel à la pratique. Les DME comportent une section sur les antécédents médicaux et une autre sur les médicaments. Un tel outil contribue à améliorer la prise en charge du patient et simplifie la transition d’un médecin à l’autre. Rien de mieux qu’un dossier lisible et à jour pour prendre le relais et donner le goût d’exercer en cabinet.

L’organisation clinique

Le jeune médecin attend que vous lui fournissiez des détails sur le fonctionnement quotidien de la clinique.

h Quel est l’horaire ?
h De quelle manière sont distribuées les plages horaires ?
h Est-ce que les services de consultation sans rendez-vous sont offerts à tous les patients ou seulement à ceux qui sont inscrits ?
h Y a-t-il un ratio entre les consultations avec rendez-vous et celles sans rendez-vous ?
h Y a-t-il un nombre limité de patients ?
h Comment fonctionne la prise de rendez-vous ? Téléphone, Internet, etc. ?
h Les bureaux sont-ils partagés ou partageables ?
h La clinique a-t-elle une expertise particulière dans certains problèmes médicaux ?
h Est-ce que les médecins pratiquent en accès adapté ?
h Où fait-on les prélèvements ?
h Quelle est la clinique de radiologie la plus près ?
h Quel est le réseau de contacts ? Quels sont les ergothérapeutes, les physiothérapeutes, les travailleurs sociaux, les spécialistes avec qui les médecins de la clinique entretiennent une relation professionnelle ?

L’organisation professionnelle

Dans sa pratique et dans la manière de traiter ses patients, le jeune médecin a tendance à se distinguer de ses prédécesseurs. Pour lui, la notion de « suivi de clientèle » tend à remplacer celle de « prise en charge ». De fait, c’est le rôle même du médecin qui semble vouloir se définir autrement. Dans ce créneau qui s’explique en partie par l’essor du travail interprofessionnel et par le développement de l’enseignement aux patients, le médecin devient une sorte d’accompagnateur pour sa clientèle.

Les jeunes ont été formés pour travailler dans une dynamique d’équipe. Le soutien des autres travailleurs de la santé devient ainsi un incontournable. Cette caractéristique se reflète également dans leur style pratique. Ne soyez donc pas étonné si votre jeune collègue encourage ses patients à se prendre en main, tout en leur donnant des responsabilités. De plus en plus, les patients sont incités à participer activement à leur plan de soins. Pour bien saisir les différences entre vous et les jeunes médecins, posez-vous aussi des questions. Discutez avec le nouveau candidat et demandez-lui quel genre de pratique il souhaite.

h Partage-t-il son temps de travail entre l’hôpital et le cabinet ?
h Quelle est sa capacité réelle en ce qui concerne le suivi de patients ?
h Combien de patients par plage horaire peut-il voir ?

Soyez conscient du poids de votre opinion. Par ailleurs, soyez indulgent quant à sa capacité de suivi en début de pratique. C’est évident qu’il ne pourra pas atteindre votre cadence dès la première année. Encouragez-le et soulignez les bons côtés du suivi des patients. Vous éviterez ainsi de le faire fuir de la pratique en cabinet.

En plus des professionnels de la santé, votre clinique peut sans doute compter sur du personnel administratif. Assurez-vous que les contrats des employés sont bien à jour et comportent toutes les clauses que vous avez préalablement négociées : vacances, horaire, augmentation de salaire, for­mation, fin de service, etc. Informez vos employés de vos intentions pour les prochaines années et de votre planification de retraite. Sensibilisez-les au changement de culture qu’entraînera l’intégration d’un nouveau médecin au sein de l’organisation. Allez-y graduellement et maintenez une attitude positive envers ces changements dans la clinique. Votre perception sera très utile pour que le nouveau médecin soit épaulé adéquatement par le personnel.

Effectuez une transition vers la retraite de façon constante et contrôlée. Imaginez que vous avez 1100 patients inscrits à votre nom. C’est évident que vous ne seriez pas à l’aise à l’idée de les abandonner du jour au lendemain. De même, aucun nouveau médecin ne serait séduit par le projet de reprendre, d’un seul coup, l’ensemble d’une clientèle. Rappelez-vous que non seulement votre jeune recrue ne connaît pas vos patients, mais en plus il n’a pas votre expérience. Votre aide dans le processus de transfert est sans aucun doute plus précieuse que vous ne le croyez. Prévoyez également communiquer avec le médecin coordonnateur du guichet d’accès de votre territoire afin de vous informer des possibilités et des modalités de transfert de clientèle. Il existe d’ailleurs des dispositions particulières pour les médecins ayant quatre ans de pratique ou moins.

Un plan de transition peut constituer une avenue intéressante, dans la mesure évidemment où il est respecté. Si vous voulez partir à la retraite dans dix ans, ne dites surtout pas que vous allez la prendre dans trois ans ! Soyez clair quant au rythme de transition auquel vous songez et, tant qu’à planifier, officialisez le tout par l’entremise d’une entente contractuelle à ce sujet. Cette stratégie vous incitera à aviser graduellement vos patients que vous cessez de pratiquer. Une telle entente encadrera vos activités et vous permettra de dégager du temps pour mettre à jour vos dossiers.

Conclusion

Le passage de la pratique à la retraite peut sembler impossible. Et pourtant ! Avec une bonne planification, vous y arriverez. Peut-être avez-vous déjà constaté que votre profil de pratique est différent de celui des jeunes médecins ? Pour recruter, donner le goût de la prise en charge et transférer graduellement votre clientèle. Considérez les attentes de la relève. Soyez organisé et répondez clairement aux préoccupations des recrues potentielles. Rassurez-les, mettez la clinique et les dossiers en ordre. Vous pourrez alors partir l’esprit tranquille et profitez d’une retraite bien méritée. Votre grand défi, c’est d’abord d’attirer les jeunes en cabinet. Une fois qu’ils y seront, avec votre soutien, ils y resteront. //