En fin... la facturation

Retour sur la facturation des soins en obstétrique

Michel Desrosiers  |  2014-03-31

Depuis les modifications apportées à la facturation des soins en obstétrique en décembre dernier, les médecins posent encore fréquemment des questions sur le mécanisme de partage des honoraires de l’accouchement. La difficulté principale semble venir de la différence de traitement selon que le médecin se fait remplacer par un confrère de l’équipe ou par un consultant. Revisitons ce sujet.

Le médecin qui a évalué une patiente en travail peut se faire remplacer par un autre (omnipraticien ou spécialiste) pour diverses raisons. De façon générale, il s’agit d’un choix du clinicien ou du milieu dans lequel il exerce ou bien d’une réalité qui lui est imposée par la situation de sa patiente ou par les limites de ses compétences. La facturation des services est différente dans chaque cas.

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Facturation lorsque le remplacement est un choix du médecin

Lorsque le remplacement est le choix du médecin, il s’agira généralement d’une question d’organisation. De plus en plus, le modèle du clinicien qui exerce en solo et effectue lui-même l’accouchement de la quasi-totalité de ses patientes est remplacé par celui d’une pratique de groupe. Dans ce deuxième modèle, chaque membre du groupe assure la garde à tour de rôle, selon une fréquence convenue. La durée de cette garde est adaptée à l’intensité moyenne de la pratique. Elle pourra être de vingt-quatre heures dans certains milieux et d’une semaine dans d’autres.

Les médecins fixent ainsi une limite au temps qu’ils devront passer à l’hôpital pour des accouchements. Ils peuvent alors plus facilement organiser leur participation à d’autres activités professionnelles et personnelles.

Il existe un certain jeu par rapport à ces limites. Par exemple, le médecin qui a suivi une patiente en travail pendant une période prolongée peut choisir d’effectuer l’accouchement, même s’il doit rester une heure de plus que la durée prévue de sa garde. D’autres prioriseront plutôt l’horaire, épuisés par une garde particulièrement exigeante. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un choix du médecin. Même s’il exerce en équipe, le médecin a ainsi la possibilité, s’il le désire, d’effectuer l’accouchement de sa clientèle sans se faire remplacer par un autre, tout comme le médecin qui pratique seul.

Le médecin qui se fait remplacer durant le travail en raison de l’organisation locale de la garde ou de la durée du travail peut réclamer une rémunération forfaitaire, mais seulement dans la mesure où les médecins conviennent de partager la rémunération de l’accouchement.

Le mécanisme de partage des honoraires de l’accouchement est justement prévu pour ce genre de situations. Les deux médecins, soit celui qui se fait remplacer et celui qui remplace, sont tous deux rétribués à taux réduit, dans la mesure où ils s’entendent pour partager les honoraires. Lorsqu’ils ne conviennent pas du partage, l’Entente prévoit la rémunération d’un seul d’entre eux pour l’ensemble des services rendus entre le début du travail et l’expulsion du placenta.

Nous avons vu, en novembre dernier, que le médecin qui se fait remplacer réclame alors le code 06989 ou 06990, selon l’heure à laquelle il se fait remplacer. Ce tarif correspond à peu près aux deux tiers de celui de l’accouchement et est fixe pour éviter le calcul en fonction de l’heure de la naissance, information que le médecin ne connaît pas lorsqu’il quitte la salle d’accouchement. Bien que le tarif se facture à 100 % et ne nécessite pas l’utilisation du modificateur 383, la facturation peut seulement se faire dans le cadre du partage des honoraires entre deux médecins accoucheurs.

Le médecin qui utilise le code de l’accouchement dans ce contexte (code 06903, 06984 ou 06985, selon l’heure de la naissance) réclame un tarif réduit, soit les deux tiers du plein tarif, pour tenir compte du partage avec le médecin qu’il a remplacé. Il doit alors respecter les modalités fixées par la RAMQ, notamment le fait d’inscrire le modificateur 383 au moment de la facturation (tableau).

Tableau

Sur toute l’année, le partage est plus avantageux pour l’ensemble des médecins du groupe d’obstétrique, qui obtiennent une rémunération globale plus importante malgré une réduction ponctuelle pour certains accouchements.

Facturation lorsque le remplacement est imposé par la situation clinique

Il arrive aussi parfois que le clinicien doive faire appel à un consultant, car il ne peut assurer l’accouchement. Cela survient, par exemple, quand le médecin traitant n’a pas les compétences pour faire la césarienne d’urgence requise durant le travail. Il s’agit d’une situation radicalement différente de celle où le médecin se fait remplacer par choix. Les règles de facturation reflètent donc cette réalité.

Le médecin qui est remplacé par le consultant reçoit alors la totalité de la rémunération prévue pour l’accouchement (code 06986, 06987 ou 06988, selon l’heure). À moins d’avoir lui-même remplacé un médecin précédent en raison de l’organisation de la garde ou de la durée du travail, il n’a pas à réduire sa rémunération ni à la partager avec le consultant. Le consultant, qu’il soit omnipraticien avec des « privilèges majeurs » en obstétrique, en gynécologie ou en chirurgie, reçoit le plein tarif du service qu’il a rendu (accouchement ou césarienne) (tableau).

Mis à part les exemples évoqués, comment reconnaître les situations où il s’agit d’une consultation ? De façon sommaire, vous devez demander les services du consultant en raison de la gravité et de la complexité de l’état de la patiente. Par ailleurs, une consultation exigée par règlement ne permet pas nécessairement au médecin « consulté » de réclamer le tarif de la consultation. Du fait que le service doit être requis sur le plan médical, le règlement adopté pour des raisons administratives ou pour éviter une réduction du volume d’activité des consultants ne répond pas aux exigences de l’Entente.

Le médecin qui se fait remplacer par un consultant peut réclamer un code distinct, mais il doit faire appel à ce consultant en raison de la gravité et de la complexité de l’état de la patiente et non de la durée du travail ou de l’organisation locale de la garde.

Le médecin qui se fait remplacer parce que le travail est prolongé ou que sa garde est terminée ne peut réclamer un code semblable à l’ancien code 06933. Si les médecins ont convenu de partager la rémunération de l’accouchement, le premier réclame le code 06989 ou 06990 selon l’heure du remplacement. Si les médecins ont choisi de ne pas partager la rémunération, le premier n’est pas rémunéré. Si les médecins ne partagent jamais la rémunération, le premier se reprend quand même le restant de l’année, car il prend probablement aussi souvent en charge des patientes en travail dont il assure l’accouchement qu’il n’en confie au médecin suivant.

Ces commentaires devraient répondre à bon nombre d’interrogations. Le mois prochain, nous traiterons de modifications à la rémunération en région désignée. D’ici là, bonne facturation ! //