Gestion pratique

Pour des services de première ligne mieux organisés

Serge Dulude  |  2014-06-27

Einstein disait qu’il ne fallait pas s’attendre à de grands changements si nous persistions à toujours effectuer les tâches de la même façon...

En médecine familiale, quelques chantiers méritent notre attention : interprofessionnalisme, mise en œuvre des dossiers médicaux électroniques (DME) et du DSQ et accès adapté.

Les premiers GMF ont ouvert leurs portes en 2003. Nous en sommes maintenant à plus de 250 sur une cible de 300. Malgré les difficultés de parcours, ce modèle demeure la référence au Québec pour ce qui est des services de première ligne en médecine familiale. De nos jours, travailler en équipe peut sembler bien naturel pour plusieurs professionnels de la santé, même si cela constituait une petite révolution au début des années 2000, à l’époque de la Commission sur les solutions émergentes, dite commission Clair. Bien que le soutien administratif et informatique au sein des points de service soit apprécié, ce que vous, médecins de famille, nous dites, c’est : « Enlevez-nous le soutien administratif s’il le faut, mais ne touchez pas à nos infirmières ! ». Nous voilà donc à l’ère de l’interprofessionnalisme.

Le Dr Serge Dulude, omnipraticien, est directeur de la Planification et de la Régionalisation à la FMOQ.

Évidemment, les GMF ont connu des problèmes de croissance. En outre, il a bien fallu qu’infirmières et médecins prennent le temps, par exemple, de déterminer qui fait quoi, car l’interprofessionnalisme ne signifie pas « faire effectuer son travail par un autre type de professionnel et vice-versa », mais plutôt « mettre à contribution conjointement les compétences de divers professionnels de la santé au profit des patients ». Ainsi, de nos jours, plus de 500 infirmières bachelières œuvrent en GMF, approche structurée, coordonnée et efficiente oblige.

Au cours des dernières années, de nouvelles professionnelles de la santé se sont jointes aux équipes de soins, notamment en première ligne. Ce sont les infirmières praticiennes spécialisées en soins de première ligne (IPS-SPL). Bachelières ayant acquis plusieurs années d’expérience clinique, elles ont suivi une formation supplémentaire de quelques années. Une fois certifiées, elles bénéficient d’une plus grande autonomie clinique et s’intègrent fort bien à une équipe de soins. Mine de rien, nous en sommes rendus à environ 197 IPS-SPL dans divers milieux et régions (tableau). Là encore, il a fallu apprivoiser le concept et décider, entre professionnels et dans le respect mutuel des compétences, de qui faisait quoi, d’où l’importance de bien rédiger l’entente de partenariat entre IPS-SPL et médecin partenaire. Cette entente constitue l’assise d’une excellente collaboration future entre professionnels de la santé afin d’offrir les meilleurs services possible aux patients et de permettre aux soignants d’évoluer en toute harmonie dans un environnement stimulant et sûr.

Tableau

Pour ce qui est des technologies de l’information, le DSQ est maintenant en voie de déploiement. Je vous invite à consulter le site Internet www.dossierdesante.gouv.qc.ca pour en savoir plus. Vous serez étonné de l’état de la situation quant à l’adhésion au DSQ. À l’échelle du Québec, 11 179 utilisateurs étaient branchés au DSQ au moment d’écrire ces lignes sur un potentiel de 35 756. Au total, 1214 pharmacies sur 1823 alimentaient le domaine « médicaments », l’objectif étant que toutes les pharmacies soient branchées en juin 2015 ; 54 laboratoires sur 127 étaient aussi branchés avec une cible de 100 % pour décembre 2015 et, enfin, 91 laboratoires d’imagerie médicale sur 154 participaient au DSQ pour une cible de 100 % en juin 2015. Plusieurs utilisateurs nous ont fait des commentaires positifs sur l’utilité du DSQ.

Pour ce qui est du Programme québécois d’adoption des dossiers médicaux électroniques, saviez-vous qu’en mai, nous en étions à plus de 2300 adhérents, dont 2000 médecins de famille, soit le tiers de l’objectif, ce qui est très bien quant à la progression ? Nous en sommes rendus à neuf DME homologués, et le branchement sur les plateformes régionales va bon train. À cet égard, rappelons combien il est primordial que vous receviez vos données de laboratoire sous forme granulaire atomisée afin de les extraire aisément pour maximiser les fonctionnalités avancées de votre logiciel. Pensez à l’outil formidable que constitue votre DME lorsque viendra le temps de faire participer votre patient diabétique à sa prise en charge. Vous pourrez lui montrer les courbes évolutives de ses taux d’hémoglobine glyquée, etc. Cependant, pour que ce soit possible, vos données doivent être « poussées » dans votre DME, à moins que vous ne désiriez vous amuser à les y entrer une à une dans chaque dossier. Vous n’auriez alors plus un DME, mais un dossier papier électronique.

Enfin, n’oubliez pas que votre contrat avec votre futur fournisseur de solution DME est d’une très grande importance et qu’il s’agit d’une véritable négociation dont vous devez être le maître d’œuvre et non pas l’inverse. En tant que médecin, vous savez fort bien quelles sont vos attentes cliniques quant à votre solution DME. Toutefois, nous ne pourrons jamais insister suffisamment sur l’importance de vous entourer d’experts financiers et juridiques afin de réussir cette négociation et d’établir les bonnes bases d’un véritable partenariat d’affaires pour de nombreuses années avec votre futur fournisseur. Nous vous invitons d’ailleurs à relire les articles du Médecin du Québec sur le dossier médical électronique et à visiter le http://dme.fmoq.org/. Plusieurs outils y sont à votre disposition.

Qu’en est-il maintenant de l’accès adapté ? C’est tout simplement une nouvelle approche de gestion des rendez-vous, de l’organisation du travail en équipe interprofessionnelle et une façon de profiter de chaque contact médecin-patient afin d’intégrer le suivi courant, les soins de courte durée, la prévention et le dépistage. Retenons qu’il n’y a pas de recette magique, mais que le principe est de répondre au besoin du patient en temps opportun. En dix-huit mois, 58 différents milieux, presque tous des GMF et quelques UMF, ont suivi les activités de formation de la FMOQ mises sur pied par la Planification et la Régionalisation ainsi que par la Formation professionnelle en collaboration avec le MSSS. Cela représente, par ricochet, probablement quelque 200 médecins de famille. C’est peu, mais tout de même significatif. Notre impression est que ces médecins sont presque tous passés à l’accès adapté et deviennent de véritables ambassadeurs dans leurs milieux. L’accès adapté fait ainsi tache d’huile au Québec. Nous pouvons dire que l’essayer, c’est l’adopter. Nous avons tenu le dernier atelier et la troisième cohorte le 23 mai. Voici quelques propos notés au fil des discussions : « il est clair que nous voyons plus de gros cas actifs », « il faut relever le défi de définir les tâches entre professionnels, mais cela constitue un atout », « il y a de l’éducation à prodiguer aux patients pour en faire de véritables partenaires du changement », « j’ai réussi à vider ma liste d’attente et j’ai même accepté de nouveaux patients », « cela fonctionne bien dans notre UMF », « il est primordial d’établir nos plans de continuité des services », « il faut former notre personnel de bureau et l’accompagner », « cela fonctionne bien dans notre CLSC, on a même réussi à passer en accès adapté pour nos soins à domicile ».

Il y a toujours place pour l’amélioration dans notre système de santé, mais il se passe des choses fort intéressantes en première ligne. Et nous ne sommes pas dans l’accessoire.

Avez-vous le goût du renouveau ? //