Gestion pratique

Quelques données sur la pratique médicale

Isabelle Paré  |  2015-03-02

La démographie médicale est un sujet chaud ! Qui sont les médecins, combien le Québec en compte-t-il, où travaillent-ils ? Ces questions sont d’actualité en tout temps, mais peut-être surtout en ce début d’année 2015. Pour faire suite au profil de pratique 2006-20071 et à celui de 2010-20112, nous vous présentons quelques données récentes, qui proviennent de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et concernent la facturation des omnipraticiens exerçant dans le régime public du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013. La rémunération à l’acte, à tarif horaire, à honoraires fixes et à forfait est prise en compte.

Mme Isabelle Paré est conseillère en politique de santé et chercheuse à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Elle est titulaire d’un doctorat (Ph. D.) en science politique.

Depuis une dizaine d’années, le nombre de médecins de famille s’accroît dans la province. Après une diminution liée à la réduction des inscriptions dans les facultés de médecine dans les années 1990 et aux départs volontaires à la retraite, il était donc normal de constater une hausse.

À ces facteurs conjoncturels s’ajoute le travail soutenu que la FMOQ a entrepris en 2008 pour valoriser la médecine familiale. Des résultats tangibles s’observent aujourd’hui, plus d’étudiants optant pour cette spécialité.

Le nombre d’omnipraticiens est ainsi passé de 7495 mé­decins en 2003-2004 à 8691 en 2013, soit 16 % de plus (figure 1).

Figure 1

L’âge moyen des médecins est de 50 ans, comme dans le reste du Canada, sauf à Terre-Neuve-Labrador et en Alberta où les médecins sont plus jeunes de deux ans3. L’arrivée de jeunes médecins en plus grand nombre contribue à expliquer la stabilisation de l’âge moyen, mais ceux-ci devront investir plus massivement la profession pour rajeunir le corps médical. Du fait de leur entrée plus tardive dans la profession, les femmes sont plus jeunes que leurs confrères, pour un âge respectif de 45 ans et de 55 ans.

Le nombre plus important de jeunes médecins au cours des dernières années n’a pas pour autant transfiguré la démographie médicale, malgré une augmentation de 2 % des médecins de 35 ans et moins (figure 2).

Figure 2

Les femmes sont désormais plus nombreuses que les hommes en omnipratique. En effet, elles représentaient 52 % des médecins en 2013, contre 46 % en 2006-2007 et 49 % en 2010-2011. Le visage de la médecine poursuit sa féminisation puisque 70 % de l’effectif des jeunes médecins sont des femmes (tableau I).

On ne souligne jamais assez la polyvalence des médecins de famille québécois qui sont présents tant à l’hôpital qu’en cabinet. Les omnipraticiens exercent en cabinet, à l’urgence, dans les unités d’hospitalisation, aux soins palliatifs, dans les CHSLD, à domicile, etc. Cette polyvalence sied à beaucoup de médecins qui travaillent dans les deux lignes de soin. D’autres font le choix de travailler exclusivement à l’hôpital ou en première ligne. Ainsi, cinquante-neuf pour cent des médecins optent pour une pratique exclusive. Voilà pourquoi nous avons créé l’indice de pratique exclusive en 1re ou en 2e ligne. Une pratique exclusive en 1re ou en 2e ligne s’observe lorsqu’un médecin tire au moins 90 % de ses revenus de l’une de ces lignes.

Tableau I

Les proportions de médecins ayant une pratique exclusive sont restées essentiellement les mêmes depuis 2006-2007, la pratique exclusive en 1re ligne ayant diminué de 2 % et celle en deuxième ligne ayant connu un léger gain de 2 %.

L’augmentation de la pratique exclusive en 2e ligne est attribuable aux médecins comptant de 11 à 19 ans de pratique. De 20 % en 2006-2007, ils étaient 23 % en 2010-2011 et 25 % en 2013. S’observe parallèlement pour ces mêmes médecins une diminution de 7 % de 2006-2007 à 2013 de la pratique exclusive en 1re ligne (tableau II).

Tableau II

Les jeunes médecins sont les plus nombreux à choisir une pratique exclusive en 2e ligne. Bien qu’ils représentent 28 % de tous les médecins, ils regroupent 42 % de tous les médecins exerçant exclusivement en 2e ligne. Ils sont donc surreprésentés dans ce type de pratique. De deux choses l’une : soit il est difficile de concilier les activités de la 1re et de la 2e ligne en début de pratique, notamment parce que les activités médicales particulières sont essentiellement des activités hospitalières, soit les jeunes médecins sont « naturellement » plus attirés par les activités en établissement en raison de la formation qu’ils ont reçue.

Du fait de l’augmentation du nombre de médecins comptant de 11 à 19 ans d’expérience et ayant une pratique exclusive en 2e ligne, un suivi longitudinal s’impose. Nous serons alors à même de dire si, en vieillissant, les médecins de 11 à 19 ans maintiennent leur pratique exclusive, transposant ainsi un profil de pratique d’un groupe d’âge à un autre.

Les femmes ont un revenu plus faible que leurs confrères masculins, écart qui se maintient tout au long de leur carrière et qui est de 20 % pour les médecins exerçant depuis 10 ans et moins, de 22 % pour ceux comptant de 11 à 19 ans de pratique et de 21 % chez les plus expérimentées (tableau III).

Tableau III

Les congés de maternité, la conciliation travail-famille et les responsabilités familiales assumées davantage par la femme contribuent fortement à expliquer les différences de revenus. Cette réalité est celle de l’ensemble des femmes de la société. Force est de constater que les femmes médecins n’y échappent pas.

En 2013, 6432 médecins faisaient du suivi et de la prise en charge, ce qui représentait 73 % des médecins (ta­bleau IV). C’est sans surprise que le nombre de patients augmente avec les années d’expérience du médecin. Cela dit, 65 % des jeunes médecins présents en 1re ligne font de la prise en charge et du suivi de patients, tout en les combinant à une pratique en 2e ligne.

Tableau IV

Conclusion

Féminisation de la profession, dominance de la pratique exclusive, arrivée plus nombreuse de nouveaux mé­decins, le visage de la médecine change. L’atout des données temporelles est justement de permettre de re­pérer les tendances et les transformations. Les données individuelles sont intéressantes, mais un indice équivalent temps complet a le mérite d’illustrer l’intensité de la pratique. Nous travaillons actuellement à la définition d’un nouvel indice qui tiendra compte du changement dans la rémunération des médecins. Nous publierons alors de nouvelles données. C’est donc à suivre ! //

Bibliographie

  • 1. Paré I. Le profil de pratique des médecins omnipraticiens québécois 2010-2011. Montréal : FMOQ ; 2012.
  • 2. Paré I. Le profil de pratique des médecins omnipraticiens québécois 2006-2007. Montréal : FMOQ ; 2008.
  • 3. L’Institut canadien d’information sur la santé. Les médecins au Canada. Ottawa : l’Institut ; 2013.