Questions... de bonne entente

Changements proposés au RREGOP et répercussions sur les honoraires fixes – II

Michel Desrosiers  |  2015-08-26

Dans le numéro de juillet, nous avons traité des modifications proposées par le gouvernement aux règles de calcul de la rente du RREGOP et avons illustré le mécanisme de calcul de la rente. Reste à discuter des options qui s’offrent au médecin et à proposer des outils permettant de comparer l’un et l’autre.

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Comment savoir s’il est plus avantageux de retirer sa rente avant le 1er janvier 2017 ?

Comment évaluer si la participation au RREGOP demeure intéressante ? Il faut procéder en deux temps. D’abord, il faut calculer le coût additionnel associé au fait d’obtenir sa rente plus tard, soit les cotisations que devrait faire le médecin, les cotisations du gouvernement et la valeur des paiements de rente par anticipation que le médecin ne reçoit pas en attendant plus tard. Ensuite, il faut calculer ce que coûterait, à la date de la retraite plus tardive, une rente immédiate versant des prestations équivalant à la différence entre la rente par anticipation et la rente attendue plus tard (appelée dorénavant rente compensatoire).

Du fait que les médecins peuvent continuer à exercer et à être rémunérés lorsqu’ils retirent leur rente, il est probablement plus avantageux de demeurer à honoraires fixes malgré les modifications, si le coût estimé d’une rente compensatoire est plus élevé que ce qu’ils gagnent en continuant à contribuer. Dans le cas contraire, le médecin ferait mieux de retirer sa rente et de changer de mode.

Toutefois, cette méthode souffre de quelques limitations techniques et humaines. En ce qui a trait à ces dernières, le médecin qui retire sa rente devra s’assurer d’économiser les sommes que lui et le gouvernement auraient versées au RREGOP et de mettre ces montants dans un REER. De plus, il doit aussi économiser les revenus de sa rente, et non le dépenser immédiatement. Ces deux précautions sont requises pour que ce soit effectivement plus avantageux de se prévaloir de la rente anticipée. Il devrait être facile d’économiser ainsi dans la mesure où le médecin continue à exercer ses activités professionnelles à tarif horaire. Il n’aura alors pas « besoin » du revenu de sa rente immédiate.

En ce qui a trait aux limitations techniques, le calcul est approximatif, du fait que le coût de la rente peut varier entre le moment de faire le calcul et de procéder à son achat en raison des variations dans les taux d’intérêt prévalents (encadré). Il faut donc que l’écart entre le coût de la rente immédiate (rente compensatoire) et les contributions requises pour produire l’augmentation éventuelle de la rente tardive soit important pour que le raisonnement tienne. Cette mise en garde s’impose surtout lorsque la période d’anticipation est importante, soit de cinq à dix ans, et non d’un ou deux ans.



Le médecin rémunéré à honoraires fixes qui songe à exercer encore selon ce mode après 2016 pourra devoir le faire pendant cinq ans avant de se remettre des répercussions des modifications proposées aux règles de calcul de rente.

Le point de référence retenu dans les différents scénarios (une rente viagère achetée auprès d’une compagnie d’assurance) impose aussi d’autres écarts. Les tarifs publiés sont pour des rentes non indexées. Pour connaître la tarification avec indexation, il faut s’adresser à un courtier d’assurance. L’indexation est alors fonction d’un taux fixe prédéterminé, et non la réalité vécue, comme c’est le cas dans le RREGOP. De plus, au décès, selon votre situation personnelle, une portion de vos contributions au RREGOP peut revenir à votre succession ou votre conjoint survivant, qui recevra une rente viagère réduite par rapport à la rente que vous receviez. Il est possible d’acheter des rentes sur deux vies. Votre conjoint survivant continuerait ainsi de recevoir la rente que vous receviez avant votre décès. Néanmoins, cela affecte le prix de la rente, et les deux produits ne sont pas identiques.

Bref, retenez que la méthode de comparaison est approximative et présume que vous aurez la discipline voulue. Un écart important entre la valeur de la rente du RREGOP et une rente privée compensatoire est donc requis avant de tirer des conclusions dans un sens ou dans l’autre.

Exemples concrets

Faisons l’exercice pour deux médecins, soit un de 54 ans et un autre de 59 ans à la fin de 2015. Notez que le coût des rentes utilisé dans notre exemple est celui qui était publié et en vigueur le 2 avril 2015. Ces taux fluctuent quotidiennement en fonction des taux d’intérêt du marché et des besoins des différents émetteurs. Les exemples illustrent la méthode, mais les résultats seront différents selon la date de l’analyse et votre situation personnelle.



Le médecin rémunéré à honoraires fixes comptant cesser ses activités professionnelles avant le début de 2020 a généralement avantage à retirer sa rente à la fin 2016, quitte à continuer à exercer sous un autre mode.

Revoyons maintenant la situation du médecin du scénario 1 d’il y a deux mois (âgé de 54 ans fin 2015) rémunéré pour 35 heures par semaine. Si ce médecin demeure à honoraires fixes et retire sa rente à 60 ans (en janvier 2022), il s’est privé du revenu de sa rente pendant cinq ans, a versé des contributions au RREGOP et a renoncé à bénéficier de la contribution du gouvernement en espèces lorsqu’il est passé à tarif horaire. Il faut comparer cette « perte » au gain qu’il aurait fait autrement, soit la majoration obtenue à sa rente s’il avait attendu à 60 ans pour la retirer. Le calcul est le suivant :

Dans cet exemple, on voit que ce médecin aurait avantage à demeurer à honoraires fixes s’il envisage de continuer à pratiquer à honoraires fixes pendant au moins cinq au­tres années. Les mêmes calculs pour le médecin rémunéré pour 40 heures par semaine livrent des résultats comparables, voire un peu plus fortement en faveur du maintien du mode des honoraires fixes. L’importance de cet avantage diminue si la période de travail à honoraires fixes est prolongée de quelques années, mais demeure favorable aux honoraires fixes.

Si le médecin de notre exemple comptait moins d’années de service, le résultat après cinq ans pourrait être moins favorable à la conservation du mode des honoraires fixes. Par ailleurs, un nombre d’années de service élevé permet d’en réduire les répercussions plus rapidement.

Revoyons maintenant la situation du médecin du scénario 2 (âgé de 59 ans fin 2015) rémunéré pour 35 heures par semaine. Si ce médecin demeure à honoraires fixes et retire sa rente à 63 ans (en janvier 2020), on doit faire le calcul suivant :

On obtient ici un résultat contraire à celui de l’exemple précédent. Pour le médecin qui envisage de continuer à exercer moins de trois ans après la fin de 2016, il semble plus avantageux de retirer sa rente par anticipation vers la fin de 2016, si on suppose que les modifications annoncées deviennent réalité. Les mêmes calculs pour le médecin rémunéré pour 40 heures par semaine vont dans le même sens, bien que légèrement moins en faveur du retrait de la rente par anticipation. Un médecin du même âge avec moins d’années de service serait dans une situation comparable.

Ces évaluations sont assez parlantes. N’oubliez pas que l’analyse financière n’est pas le seul élément dont vous devez tenir compte. Peut-être que les assurances, la rente au conjoint survivant et la simplicité de gestion d’un régime de retraite public sembleront plus avantageux pour certains. Pour d’autres, la « sécurité » associée au fait de retirer la rente dès maintenant et ainsi éviter de futures modifications que le gouvernement pourrait apporter au régime pourra prendre le dessus. S’il s’agit d’une femme ou si la tarification de couple est retenue pour évaluer l’effet de la rente réversible au conjoint survivant, le fait de retirer la rente tout de suite ou de demeurer à honoraires fixes restent deux options comparables, bien qu’un peu moins favorables dans un sens ou dans l’autre.

De façon générale, si un médecin a accumulé plusieurs années de cotisations au RREGOP, et qu’il envisage d’exercer à honoraires fixes à raison d’au moins 35 ou 40 heures par semaine pendant au moins quatre ou cinq ans après le 1er janvier 2017, il peut très bien en conclure que le fait de demeurer à honoraires fixes n’est pas moins avantageux que celui de passer au tarif horaire.



Une analyse personnalisée est requise pour faire le bon choix.

Les médecins plus âgés (qui exerceront moins de trois ans) ou ceux qui approchent du maximum de cotisation au RREGOP auraient probablement avantage à changer de mode avant le 1er janvier 2017 si les modifications deviennent réalité, question de maximiser leur rémunération globale.

Sans égard aux modifications, le médecin qui a plus de 65 ans devra, à moins d’une situation très particulière, remettre en question le choix de demeurer à honoraires fixes. Ceux qui atteignent 71 ans doivent retirer leur rente et devront alors changer de mode. Enfin, ceux qui ont accumulé 38 ans de cotisations, sans égard à leur âge, devraient songer sérieusement à retirer leur rente et à changer de mode.

N’oubliez pas qu’une analyse personnalisée est requise pour faire le bon choix. Le service de planification financière de Conseil et investissements Fonds FMOQ peut vous aider à faire l’évaluation requise. Il se peut que plusieurs personnes se posent les mêmes questions que vous. N’attendez donc pas à la dernière minute pour prendre rendez-vous.

Il existe une autre option pour les médecins de moins de 55 ans, soit la rente différée. Nous en traiterons en novembre. Pour ceux qui songent à retirer leur rente et à changer de mode, nous traiterons aussi des modalités applicables. À la prochaine ! //