Gestion pratique

Mesurer et gérer pour mieux pratiquer en accès adapté

Isabelle Paré  |  2014-09-25

Pour faire suite à l’article intitulé : « Élaguer le délai d’attente au médecin : un passage nécessaire vers l’accès adapté », du numéro de septembre du Médecin du Québec, nous proposons de conclure la présentation des concepts essentiels à l’accès adapté afin que les médecins puissent appliquer ce modèle en première ligne.

En accès adapté, l’horaire ressemble peu à celui de la première ligne « traditionnelle ». L’agenda de la semaine, au lieu d’être rempli de rendez-vous, contient des plages horaires libres, qui sont éphémères et qui se rempliront progressivement et inévitablement par les demandes de consultation des patients. Toutefois, pour atteindre l’équilibre entre l’offre de services et la demande, un calcul s’impose.

Le médecin doit donc connaître certains paramètres de sa pratique, tels que le nombre de jours travaillés, de consultations en moyenne par jour, de patients vulnérables, etc. Afin de refleter fidèlement une pratique où les femmes enceintes, les enfants de 0 à 5 ans et les patients vulnérables font plus de visites, le médecin doit pondérer ces types de clientèle. Ainsi, un facteur de pondération de 4 est appliqué aux femmes enceintes, de 3 aux patients vulnérables et de 2 aux enfants de 0 à 5 ans. Illustrons cela à l’aide des données du tableau I.

Tableau I

Une fois les calculs faits, un constat s’impose : la demande de services est supérieure à l’offre. Par conséquent, des choix devront être faits : délaisser la deuxième ligne pour avoir davantage de temps en première ? Exercer exclusivement en première ligne ? Voir plus de personnes par jour ? Faire moins de consultations sans rendez-vous ? Développer une pratique interprofessionnelle ? Opter pour un autre modèle ? Le médecin décidera des ajustements à apporter afin d’avoir une pratique plus satisfaisante, agréable et efficace (figure).

Faigure 1

Une fois qu’il connaît bien la demande et qu’il propose une offre de service équilibrée, le médecin doit sélectionner judicieusement ses journées de clinique. S’il travaille six demi-journées par semaine, il devra les étaler judicieusement tout au long de la semaine et éviter de les concentrer en début de semaine afin de permettre au patient qui appelle le mercredi d’être vu le jour même, le lendemain ou le vendredi si son état nécessite une prise en charge rapide.

La gestion de l’agenda

La gestion de l’horaire par accordéon est une approche mise au point par le Dr André Munger, omnipraticien, qui a adopté l’accès adapté en 2007. Contrairement à la pratique classique où l’horaire des médecins est connu tous les trois mois environ, l’accès adapté fonctionne plutôt selon un agenda ouvert de deux semaines. Chaque vendredi, les plages horaires du médecin sont ouvertes pour la semaine qui commencera dix jours plus tard (tableau II).

Tableau II

Une gestion de l’agenda toutes les deux semaines comporte de nombreux avantages, le plus important étant que les rendez-vous ne sont ni annulés ni reportés puisque le médecin propose ses disponibilités peu de temps à l’avance. Ainsi, congrès, vacances et autres activités médicales sont connus et l’horaire est fait en conséquence.

L’une des clés essentielles de l’accès adapté est la communication entre le médecin et son adjointe. L’offre de service pour une semaine donnée est insuffisante en raison d’une demande à la hausse ? L’adjointe doit être à l’affût de l’évolution de la demande et suggérer au clinicien d’ouvrir d’autres plages horaires si le besoin se fait sentir. La souplesse et la capacité d’adaptation constituent des qualités sine qua non pour la réussite de l’accès adapté.

Rôle de l’adjointe

L’adjointe ne fait pas de triage. Elle peut toutefois demander le motif de la consultation afin de donner au patient un rendez-vous le jour même, dans la semaine en cours ou la semaine suivante. Par exemple, un rendez-vous pour un test de Papanicolaou pourra avoir lieu dans les jours qui viennent alors qu’un patient adulte qui tousse depuis une semaine, qui est fiévreux et qui a des expectorations colorées devra être vu rapidement. Faites confiance aux patients : la plupart du temps, ils évaluent justement leurs besoins.

Afin d’offrir une accessibilité optimale au médecin, l’adjointe doit répartir les consultations au fil des dix jours ouverts. On parle ici de « lissage » de la demande. Ainsi, le premier patient qui appelle n’obtiendra pas forcément un rendez-vous dans la journée, mais plutôt dans deux jours s’il juge que son état peut attendre. C’est en « lissant » la demande qu’on s’assure de la disponibilité du médecin. Évidemment, et c’est la beauté de l’accès adapté, si le clinicien est libre en fin d’après-midi et qu’un patient téléphone vers 13 h, l’adjointe pourra lui proposer de passer un peu plus tard même s’il n’y a pas urgence.

Le modèle à mettre en place

Idéalement, toute la pratique devrait être en accès adapté. L’avantage est que le médecin évite de retomber dans les pièges d’une pratique où les rendez-vous pris à l’avance redeviendront majoritaires et paralyseront à nouveau l’horaire. Murray1 avance toutefois que ce type de rendez-vous est acceptable dans une proportion maximale de 35 %. Certains médecins qui font du suivi de femmes enceintes, d’enfants ou qui ont une pratique importante en santé mentale préféreront offrir des rendez-vous sur une plus longue période. Nombre de médecins prétendent effectivement que certains patients ne téléphoneront pas d’eux-mêmes pour prendre rendez-vous. Pour ne pas les échapper, les médecins aiment mieux convenir d’un rendez-vous. Une telle approche est donc possible pourvu qu’un suivi serré soit assuré et que des indicateurs soient établis afin de veiller au respect de la limite du 35 %.

Stratégie quant au délai d’attente, plan de communication, calcul de l’offre et de la demande, gestion de l’agenda, vous êtes maintenant fin prêt pour prendre le virage de l’accès adapté. Comme pour les médecins qui ont adopté ce modèle, l’horizon de votre pratique sera plus clair et vous ne voudrez revenir en arrière pour rien au monde ! Enfin, si vous souhaitez participer à la formation offerte par la FMOQ et le MSSS, communiquez avec votre chef de DRMG et nous irons vous rencontrer dans votre région. //

Bibliographie

  • 1. Murray M, Bodenheimer T, Rittenhouse D et coll. Improving timely access to primary care: case studies of the advanced access model. JAMA 2003 ; 289 (8) : 1042-6.