Nouvelles syndicales et professionnelles

Projet de loi no 20

Assemblées spéciales des médecins de famille

Emmanuèle Garnier  |  2014-12-22

Plus de 3000 médecins se sont réunis à Montréal et à Québec les 17 et 18 décembre dernier pour protester contre le projet de loi no 20 qui va modifier leurs conditions de pratique.

Assemblée spéciale contre le projet de loi no 20

« Cela fait longtemps que je suis à la FMOQ et dans l’univers du syndicalisme. Jamais je n’ai senti autant de colère et d’indignation de la part des médecins de famille du Québec que depuis les dernières semaines », a déclaré d’entrée de jeu le Dr Louis Godin, président de la Fédération, à l’assemblée de Montréal.

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Dr Louis Godin

Devant lui s’étendait une foule de 2075 médecins avides d’avoir des informations et de connaître le plan d’action de la FMOQ. Des omnipraticiens expérimentés, de jeunes cliniciens, des résidents. Un groupe avait revêtu un t-shirt noir sur lequel on pouvait lire « Projet de loi 20 au détriment de la qualité des soins. » Un autre avait fait inscrire sur le sien « Votre médecin contre le projet de loi 20 » d’un côté et « Vous êtes ma priorité » de l’autre. Plusieurs participants arboraient des macarons de protestation et s’étaient épinglé une étiquette indiquant « Paresseux ». En outre, 153 omnipraticiens des régions éloignées s’étaient joints à l’auditoire grâce à la webdiffusion. À Québec, le soir suivant, 775 médecins de famille assistaient à une assemblée similaire.

Le projet de loi no 20

« Ce soir, ce n’est que le début. La bataille va être très longue et très difficile », a prévenu le Dr Godin. Le projet de loi no 20 sera ardu à combattre.

La future loi prévoit que d’ici le 31 décembre 2015 les omnipraticiens devront suivre un nombre minimal de patients inscrits et pratiquer un certain nombre d’heures dans un établissement de soins. « Le projet de loi ne dit que cela. Ce sont les règlements à venir qui vont édicter les choses », a indiqué le président. C’est là que tout se jouera. Un document que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a remis à la Fédération quelque temps avant le dépôt du projet de loi donne une idée des modalités possibles (encadrés 1 et 2). Les règlements pourraient ainsi imposer aux omnipraticiens de suivre jusqu’à 1500 patients, de pratiquer jusqu’à 36 heures dans un établissement de soins ou de choisir une solution mixte.

Encadré 1

 

Encadré 2

Les activités médicales particulières disparaîtraient par ailleurs à la fin de 2015. Elles seraient toutefois remplacées par des « activités médicales familiales ». « On crée un nouveau régime d’activités qui va durer encore plus longtemps. » Les médecins y seraient assujettis non pas pendant 20 ans, mais durant 25 ans. Et entre 25 et 34 ans de pratique, ils n’auraient plus d’activités obligatoires à l’hôpital, mais devraient suivre 1500 patients. « Vous allez retrouver votre liberté après 35 ans de pratique », a annoncé le président à ses membres.

Comment fonctionnerait le nouveau système ? Le ministre ferait parvenir aux agences de la santé et des services sociaux de chaque territoire une liste d’activités (pratique à l’urgence, dans les unités de soins, en obstétrique, etc.) et le nombre d’heures autorisé pour chacune. Tous les médecins devraient y choisir leurs activités et détermineraient le nombre d’heures qu’ils effectueraient.

Pénalités et mépris

Toute la mécanique proposée par le projet de loi semble caricaturale. « C’est une approche très mathématique, très unilatérale qui ne laisse aucune place aux démarches particulières ni aux explications », a dénoncé le Dr Godin.

En cas de différend, il n’y aurait d’ailleurs plus de processus de révision par un comité paritaire MSSS–FMOQ. Ce serait l’agence et la Régie de l’assurance maladie du Québec qui seraient chargées de revoir les décisions les concernant. « Tout notre droit de représentation et de défense va être complètement bafoué par cette dynamique-là. »

Pour les médecins qui ne rempliraient pas leurs obligations en première ou en deuxième ligne, des pénalités seraient prévues (encadré 3). Elles pourraient s’additionner et réduire la rémunération d’un maximum de 30 %. « Toujours cette approche de pénalités, d’obligations et de coercition. Et cela, pour nous, c’est inacceptable ! », a tonné le président.

Encadré 3

Mais il y a plus pour la FMOQ. « Comme si cette loi-là n’était pas suffisamment méprisante pour les médecins de famille, elle comprend un élément qui, pour nous, est très insultant. » Le département régional de médecine générale ne pourrait plus être dirigé par un médecin qui a un emploi ou une fonction au sein de la FMOQ ni même qui en reçoit une rémunération ou un avantage quelconque.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec, pour sa part, n’est pas frappée d’une telle mesure. Le projet de loi no 20 est d’ailleurs beaucoup moins contraignant pour ses membres. Ils devront :

donner un nombre minimal de consultations à des patients non hospitalisés ;

prendre en charge et suivre des patients hospitalisés en tant que médecin traitant ;

assurer à l’urgence, dans un délai déterminé, le suivi des demandes de consultation qu’ils reçoivent entre 7 h et 17 h ;

offrir les services aux usagers inscrits à leur nom depuis plus de six mois sur une liste d’accès.

Pour finir, la loi accorde au ministre de la Santé des pouvoirs exceptionnels. Il pourrait, avec l’accord du Conseil du trésor, apporter unilatéralement des modifications à la rémunération des médecins pour améliorer l’accès à la première ligne si les changements voulus ne peuvent être convenus avec la FMOQ dans un délai acceptable. « À quoi bon négocier si, à la fin, le ministre peut changer l’entente », a protesté le président.

Moyens d’action

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Que va faire la Fédération ? Elle compte mettre en œuvre tous les moyens appropriés pour atteindre l’objectif du projet de loi no 20, soit d’améliorer l’accès aux services de médecine familiale, mais elle le fera d’une autre manière. « C’est l’engagement que l’on prend à l’égard des Québécois et de nos patients », a affirmé le Dr Godin.

La FMOQ a pleinement conscience du problème d’accès à la première ligne. « Le diagnostic sur lequel repose le projet de loi est le bon. Le seul problème, c’est le traitement. Il risque de tuer la médecine familiale. On va trouver d’autres solutions. »

La Fédération a déjà proposé un plan d’action pour améliorer l’accès à un médecin de famille. Mais elle va aller plus loin. « On va travailler à des façons d’améliorer l’activité en cabinet et à la rendre plus intéressante. Tout se fera en mettant de côté la coercition. Ce sera basé sur une approche incitative. Nous devrons cependant parvenir à des résultats. Il va falloir améliorer la situation. » Pour mieux atteindre cet objectif, le Dr Godin a d’ailleurs sollicité les suggestions des médecins. Ils peuvent lui écrire à president@fmoq.org.

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En ce qui concerne le combat contre le projet de loi, rien ne sera laissé au hasard. Sur le plan juridique : tous les aspects seront examinés, que ce soit la légalité du projet de loi, la possibilité qu’il contrevienne aux chartes des droits et libertés, au droit d’association, au droit à la négociation. Sur le plan politique : des démarches seront entreprises auprès des élus. Dans le domaine des communications : des campagnes de publicité seront lancées auprès du grand public et des interventions faites dans les médias sociaux. Au besoin, des alliances seront scellées avec d’autres organismes de médecins. Les patients ne seront pas non plus laissés de côté. « Vous allez recevoir régulièrement du matériel à leur distribuer pour leur expliquer ce qui se passe », a annoncé le Dr Godin à ses membres.

Le président se prépare à une dure bataille. « Ce sera probablement la plus grande de la médecine familiale du Québec depuis de très nombreuses années. On ne peut pas la perdre, parce qu’en plus de vos conditions de pratique qui vont devenir invivables, c’est l’avenir de la médecine familiale qui est en jeu. C’est votre combat. C’est vous qui serez les joueurs les plus importants », a soutenu le Dr Godin qui a été chaudement applaudi.

Médecins contre le projet de loi no 20

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