En fin... la facturation

Évaluations mentales pour ouverture d’un régime de protection et pour ordonnance de traitement –II

Michel Desrosiers  |  2015-12-22

Le mois dernier, nous avons décrit le cadre légal des régimes de protection et des ordonnances de traitement. Ce mois-ci, nous traiterons de la rémunération des médecins dans ce cadre. Nous traiterons aussi de celle d’un médecin qui doit témoigner devant un tribunal après la production de son rapport.

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Nous avons vu que les demandes peuvent provenir de différentes sources et viser des buts différents. De plus, il faut distinguer entre l’évaluation, la production du rapport et le témoignage en cour.

Rapport d’évaluation médicale

En ce qui a trait au rapport d’évaluation médicale que nous avons déjà évoqué, un tarif de 25 $ (code 09825) a été négo­cié avec le ministre de la Santé en 1992 et n’a pas été actualisé depuis, malgré des demandes répétées de la Fédération et l’évolution du formulaire depuis. Une rémunération comparable est aussi prévue lorsque le rapport est rempli après une réévaluation médicale du besoin d’un régime de protection (code 09826, 25 $).

Évaluation permettant de remplir le rapport comme service distinct

Pour remplir le rapport, le médecin doit effectuer une évaluation, pas pour prodiguer des soins curatifs ou préventifs, mais pour respecter le cadre légal. À moins d’indication contraire, l’examen n’est donc pas un service assuré.

Il est question d’évaluations liées à la Curatelle à deux endroits dans l’entente : paragraphe 22 f) du Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie (intégré au Préambule général du Manuel de facturation) et lettre d’entente no 223.

L’article 22 contient la liste des services non assurés ou qui ne doivent pas être considérés comme assurés. Le paragraphe 22 f) prévoit que n’est pas assuré :

« tout examen, toute expertise, tout témoignage, tout certificat ou autres formalités lorsque requis aux fins de la justice, ou par une personne autre que celle qui a reçu un service assuré, sauf dans les cas suivants :

[...]

iii. l’examen exigé en vertu de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (chapitre P-38.001) ;

iv. l’examen exigé en vertu de la Loi sur le curateur public (chapitre C-81) ;

[...]

vii. l’examen exigé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (chapitre P-34.1) ».

L’entente fait toujours référence à la loi qui a précédé la Loi sur le curateur public, soit la Loi sur la curatelle publique, qui prévoyait, à l’article 8, la possibilité pour la Curatelle d’ordonner, à certaines conditions, l’examen psychiatrique d’une personne qui refuse de s’y soumettre.

La Loi sur le curateur public, quant à elle, énonce simplement que le Curateur doit remettre un rapport périodique d’évaluation de l’inaptitude de la personne qui fait l’objet d’un régime de protection et, à l’article 203, fixe un délai de trois ans au premier examen périodique.

La lettre d’entente no 223, quant à elle, fait état d’une dizaine d’évaluations psychiatriques dans différents contextes. Les contextes qui touchent à notre sujet sont :

h l’évaluation psychiatrique effectuée en vue d’une ordonnance de traitement ou d’hébergement, par un tribunal, qui porte sur l’aptitude à consentir et sur le fait que l’état de santé du patient demande des soins (code : 98003, tarif : 835,75 $) . Il existe aussi un code (98004) et un tarif (139,30 $) pour la réévaluation d’un tel patient selon les exigences du tribunal.

h l’évaluation psychiatrique demandée par la Curatelle publique dans le but de déterminer l’inaptitude d’une personne à prendre soin d’elle-même ou à administrer ses biens. Son code est le 98009, et le tarif associé est de 462,50 $.

La conclusion qu’il faut tirer est que :

h l’évaluation psychiatrique demandée par le Curateur public est un service assuré et payé selon les modalités de la lettre d’entente 223 ;

h l’évaluation psychiatrique effectuée dans le cadre d’une demande d’ordonnance de traitement ou d’hébergement est un service rémunéré par la RAMQ selon les modalités de la lettre d’entente 223. Il en va de même de la réévaluation psychiatrique d’un patient qui fait l’objet d’une ordonnance de traitement ou d’hébergement ;

h l’examen périodique, demandé par le Curateur public, d’une personne couverte par un régime de protection semble être un service assuré, mais aucun tarif spécifique n’est prévu ;

h l’évaluation d’une personne consentante dans le but de produire le rapport d’évaluation médicale permettant d’entreprendre le processus d’ouverture d’un régime de protection ne constitue pas un service assuré.

Notez bien que l’évaluation requise pour remettre le rapport dûment rempli au Curateur public dans le but d’ouvrir un régime de protection n’est pas « demandée » par le Curateur public au sens de la lettre d’entente no 223. Selon la loi, la seule évaluation « demandée » par le Curateur public est celle qui est effectuée sans le consentement du patient. La grande majorité des évaluations faites à la demande de la famille ou des proches le sont avec le consentement du patient. Cette conclusion à un effet important sur la façon dont les services sont rémunérés.

Appliquons maintenant ces conclusions à différentes situations.

Demandes d’ouverture d’un régime de protection provenant de la famille

Les demandes d’ouverture d’un régime de protection peu­vent être adressées au médecin de famille, au médecin responsable des soins à domicile ou à un médecin qui exerce en établissement dans un secteur spécifique (ex. : gériatrie ou gérontopsychiatrie). Elles proviendront d’un conjoint ou de membres de la famille. Le patient accepte généralement de se soumettre à une telle évaluation sans qu’il ne soit nécessaire d’obtenir une ordonnance.

Le dossier contiendra parfois des informations permettant au médecin de remplir une bonne partie du formulaire du Curateur public sans faire d’examen. Le médecin pourrait alors être tenté de facturer seulement la rédaction du formulaire à la RAMQ à l’aide du code 09825, dont le tarif est de 25 $. Toutefois, le patient qui consent à l’évaluation mentale dans un tel contexte doit être conscient de la portée de l’évaluation. Il est donc plus prudent d’effectuer une évaluation spécifique et d’informer le patient au départ du but de l’évaluation et des fins auxquelles elle peut servir.

Le médecin qui effectue une évaluation dans le but spécifique de répondre aux questions du formulaire réclamera, à la RAMQ, le coût de son examen au demandeur (le conjoint ou la famille) et la rédaction du formulaire.

Le fait que le médecin soit rémunéré dans le cadre de l’entente pour remplir le rapport d’évaluation ne rend pas l’évaluation accessoire à un service assuré. Comme cette dernière n’est pas assurée au sens de la Loi sur l’assurance maladie ou de son règlement d’application, le cinquième alinéa de l’article 22.0.0.1 de la Loi sur l’assurance maladie s’applique.

« Pour l’application du présent article ou de toute autre disposition de la présente loi, un service non assuré ou un service non considéré comme assuré est réputé demeurer un service non assuré ou un service non considéré comme assuré même s’il est requis avant la dispensation ou après un service assuré, lors de sa dispensation ou à la suite de celle-ci. Il en est de même à l’égard des services, fournitures et frais accessoires visés au premier alinéa. »

Bien qu’une telle conclusion puisse peiner les personnes qui font une démarche pour venir en aide à un de leurs proches, l’évaluation médicale dans ce contexte est à leur charge. Il revient à l’état de prévoir un résultat différent. Si l’évaluation exigée pour remplir le formulaire du Curateur public devenait un service assuré, la Fédération serait heureuse de négocier un tarif adapté.

Enfin, lorsque le processus n’est pas litigieux, le médecin ne sera généralement pas appelé à témoigner en Cour sur son évaluation ou son rapport. Toutefois, de telles de­man­des peuvent être contestées. Par conséquent, si le médecin convient d’un tarif pour l’évaluation, il doit aussi convenir avec la personne qui lui en fait la demande d’une rémunération pour son éventuelle présence à la Cour et pour le temps réservé en cas d’annulation ou de remise de comparution avec un préavis insuffisant pour lui permettre de réorganiser son horaire et ainsi d’être rémunéré pour d’autres activités professionnelles. Le délai de ce préavis variera selon le type de pratique du médecin et de son mode de rémunération.

Le mois prochain, nous traiterons d’autres demandes pouvant provenir de la famille, mais surtout d’un établissement. D’ici là, bonne facturation ! //