Nouvelles syndicales et professionnelles

Accès priorisé aux services spécialisés

quelques mois plus tard...

Emmanuèle Garnier  |  2017-01-31

Depuis la fin d’octobre, les formulaires du système d’accès priorisé aux services spécialisés (APSS) doivent ouvrir plus facilement les portes de neuf spécialités grâce aux centres de répartition des demandes de services (CRDS). Qu’en est-il ?

Dr Jacques Ricard

« Actuellement, on peut dire que l’APSS fonctionne bien », indique le Dr Jacques Ricard, coresponsable du comité pro­vin­cial des formulaires et médecin-conseil au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Tout n’est cependant pas encore parfait. « Ce n’est pas encore partout aussi fluide qu’on le voudrait. Il faut entre autres ajuster la demande à l’offre et vice versa. Je pense vraiment qu’on est sur la bonne voie. »

Ainsi, les patients auraient maintenant plus rapidement un rendez-vous avec un spécialiste. Les CRDS se sont surtout concentrés sur les cas de priorité A, B et C, c’est-à-dire ceux qui doivent être trai­tés respectivement en trois, dix ou 28 jours et moins. « Quand on regarde les résultats concernant ces cas, on peut dire qu’on est actuellement très satisfait de l’accessibilité », affirme le médecin.

Dans certaines régions, des adaptations sont cependant nécessaires. Le CRDS de Laval, des Laurentides et de Lanaudière, par exemple, a été submergé. Les demandes de consultation pour leurs résidants, qui étaient auparavant traitées à Montréal, ont déferlé. Le nombre de nouvelles consultations dans les neuf spécialités, qui auparavant était de quelque 60 000 par année, pourrait éventuellement dépasser les 100 000. « Le but du CRDS est vraiment de donner des services à proximité du lieu de résidence. On se rend compte qu’il va falloir ajuster l’offre à la demande », reconnaît le Dr Ricard.

Dans certaines spécialités, la mise en route du nouveau système semble moins facile. « Un des domaines où c’est peut-être difficile, c’est en orthopédie. On tra­vaille fort là-dessus. Le formulaire est fait pour répondre à 80 % des raisons de consultation. Or, c’est sûr qu’on ne répond pas ainsi à toutes les demandes. Souvent, en orthopédie, on a des de­mandes de consultation autres. Et c’est certain qu’il y a des problèmes de santé qui sont plus difficiles, comme la lombalgie pour laquelle la demande de consultation est assez forte. Et cela, on le voit dans tout notre réseau », affirme le Dr Ricard.

Parfois, devant certains problèmes or­tho­pédiques, les médecins hésitent sur la voie à suivre. Faut-il envoyer un patient qui s’est cassé un bras à l’urgence ou faire une demande au CRDS en inscrivant une priorité A ? « En orthopédie, des corridors existaient avant, par exemple pour une fracture urgente. Il y avait déjà des services de consultation externe dans plusieurs régions. Le CRDS ne rem­place pas les corridors déjà établis. Les médecins doivent continuer à les utiliser », répond le Dr Ricard.

Les listes d’attente

Qu’arrive-t-il aux patients qui étaient déjà sur une liste d’attente ? Passent-ils avant ou après ceux dont la demande vient d’être envoyée au CRDS ?

« Les établissements ont eu comme consi­gne d’essayer d’ouvrir des plages horaires supplémentaires pour diminuer les listes d’attente, indique le Dr Ricard. On voulait respecter les gens qui sont sur les listes d’attente et ne pas donner priorité à un patient qui a une nouvelle demande de consultation alors qu’un autre attend depuis plusieurs semaines. Les établissements ont donc été conviés à augmenter l’accès à leurs ressources et à accroître les plages horaires des médecins spécialistes. »

Le MSSS a parallèlement demandé aux établissements de soins de réévaluer leurs listes d’attente. Parfois, les patients ou leur médecin ont fait une demande de consultation dans plusieurs milieux. Les doublons doivent être éliminés. « Tous les établissements ont été conviés à faire une épuration. Le ministère a octroyé des ressources supplémentaires pour cela. » À Montréal, le nombre de patients sur la liste d’attente est ainsi passé de 100 000 à 49 000.

L’exercice a été effectué dans toute la province. « À l’automne, la liste d’attente qui était initialement de près de 300 000 avait déjà fondu de moitié. Aujourd’hui, elle est à peu près de 80 000 dans l’ensemble du Québec », explique M. Martin Forgues, conseiller pour les projets d’accès à la Direction de soutien à l’organisation clinique du MSSS.

Parallèlement à cette « épuration administrative », les établissements doivent également procéder à une « épuration clinique ». « C’est-à-dire qu’on vérifie auprès du patient si la consultation demandée a encore une pertinence clinique. Quand elle remonte à plus d’un an, on peut se poser des questions », indique le Dr Ricard.

Un plan B

Les établissements ont jusqu’au 1er mars pour éliminer leur liste d’attente. « On leur a tous demandé de faire en sorte que les patients qui attendaient un rendez-vous avant le 31 octobre l’obtiennent d’ici le 1er mars 2017. Le patient de priorité E aura donc son rendez-vous après ces derniers », mentionne M. Forgues.

Les efforts des établissements semblent porter leurs fruits dans plusieurs régions. « En Estrie, la liste d’attente a été éliminée en cardiologie et en neurologie. Quand on est allé en Outaouais, la liste d’attente en psychiatrie et en santé mentale était sur le point d’être vidée. On voit donc que dans certains milieux cela s’est très bien déroulé », note le Dr Ricard.

Si malgré tous les efforts déployés, des patients restent encore sur la liste d’attente, un autre plan va être mis en œuvre. « On va discuter de la possibilité que les médecins puissent au­toriser qu’on fasse une deuxième offre aux patients. Ces personnes seraient alors redirigées vers le CRDS pour qu’on puisse leur proposer un rendez-vous près de leur domicile, mais dans un autre milieu que celui où la première demande a été faite », explique M. Forgues.

Les deux prochaines vagues

Encadré

La deuxième série de formulaires, qui touche dix autres spécialités, dont la psychiatrie, la pneumologie et la dermatologie, arrivera le 1er avril. La troisième série, elle, devrait être prête au début de mai.

« Les neuf premiers formulaires concernaient 50 % des demandes de consultation en spécialité. La deuxième vague s’en vient, mais le gros coup a donc déjà été donné, assure la Dre Hélène Roy, directrice adjointe aux Affaires professionnelles à la FMOQ. La troisième vague sera encore moins importante. Le médecin risque de demander moins fréquemment des consultations dans les dernières spécialités à venir, comme la neurochirurgie. »

L’accès priorisé aux services spécialisés est encore en pleine évolution. Une équipe d’experts mandatés par le MSSS va l’évaluer et analyser son effet sur le patient, le médecin de famille et le spécialiste. Les omnipraticiens seront d’ailleurs invités prochainement à répondre à un sondage et à fournir ainsi une première rétroaction. //