Entrevues

Entrevue avec le Dr Claude Rivard, président de l’AMORSL

Des cibles d’inscription individuelles pour les médecins de la Montérégie

Emmanuèle Garnier  |  2017-01-31

En Montérégie, le DRMG va donner à chaque médecin de première ligne une cible personnelle de patients à inscrire. Le Dr Claude Rivard, président de l’Association des médecins omnipraticiens de Richelieu–Saint-Laurent, va apporter à ses membres le soutien nécessaire pour y parvenir.

M.Q. — Quel pourcentage de la population de la Montérégie a un médecin de famille ?

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C.R. – Il y a un an et demi, nous avions un des plus bas taux d’inscription de la province : 63 %. Il est maintenant de 71  %. On reste toutefois sous la moyenne provinciale qui est de 74  %. L’objectif est évidemment d’arriver à 85  % dans un an.

M.Q. — Que comptez-vous faire ?

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C.R. – Nous allons collaborer avec le département régional de médecine générale (DRMG) de la Montérégie. Celui-ci a approché les présidents des trois associations de la Montérégie pour mettre sur pied une stratégie commune afin de vider le Guichet d’accès au médecin de famille (GAMF). Cela devrait nous aider à atteindre notre cible d’inscription de janvier 2018. La formule que propose le DRMG a déjà fait ses preuves en Mauricie. Il s’agit de demander aux médecins de faire un effort d’inscription en fonction de la taille de leur clientèle. Ceux qui ont 300 inscriptions devront ainsi prendre en charge plus de nouveaux patients que ceux qui en suivent déjà 1500. Tous les médecins devront cependant faire un effort.

M.Q. — Comment le DRMG va-t-il procéder ?

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C.R. – Il s’agit d’une intervention personnalisée. Le DRMG va indiquer au médecin, par lettre, son taux d’inscription et lui donner une cible d’inscription de patients à atteindre. Par exemple, si le clinicien a 320 patients, il sera invité à en inscrire quatre autres provenant du GAMF toutes les semaines pendant 42 semaines pour ajouter 168 personnes à sa clientèle. Le DRMG a divisé les omnipraticiens en sept groupes : les nouveaux facturants, les médecins qui ont entre 1 et 300 patients, entre 301 et 750 patients, entre 751 et 1250 patients, entre 1251 et 1750 patients, entre 1751 et 2200 patients et plus de 2200 patients. Il faut aussi ajouter la catégorie des médecins qui n’ont inscrit aucun patient.

M.Q. — Qu’arrivera-t-il à ces médecins qui n’ont pris aucun patient en charge ?

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C.R. – Il s’agit, pour la presque totalité, d’omnipraticiens qui pratiquent à l’urgence à temps plein ou unique­ment à l’hôpital. Quelques-uns sont retraités ou vont bientôt cesser leurs activités ou encore effectuent un travail administratif à la CSST ou dans un centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS). Il faut comprendre que ces médecins ne font plus de travail en première ligne depuis de nombreuses années ou n’en ont jamais fait. C’est ce qui explique qu’ils n’ont inscrit aucun patient.
Les médecins qui pratiquent exclusivement en CHSLD constituent également une autre catégorie d’omnipraticiens qui n’inscrivent pas de patients. Ils ne peuvent pas le faire, parce que leurs patients sont considérés comme étant des personnes en établissement. Ces cliniciens sont donc désavantagés. La FMOQ discute actuellement avec le ministère de la Santé et des Services sociaux pour régler ce problème.

M.Q. — Y aura-t-il un suivi des cibles d’inscription assignées aux médecins de votre association ?

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C.R. – C’est le DRMG de la Montérégie qui va s’en charger. Les coordonnateurs médicaux des différents guichets des CISSS vont lui remettre les données d’inscription de tous les médecins de leur territoire respectif. Ils pourront ainsi aviser directement le DRMG si un médecin n’inscrit aucun patient.

M.Q. — Quel rôle votre association jouera-t-elle dans cette initiative du DRMG ?

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C.R. – Notre rôle sera de soutenir et d’aider nos membres. Nous sommes conscients que cette initiative pourrait être mal reçue par certains omnipraticiens. Nous croyons cependant qu’elle est louable, car elle vise à abolir la loi 20* et à offrir un meilleur accès à des soins de première ligne à une population qui a besoin de nos services.
Si certains de nos membres contestent la cible d’inscription proposée par le DRMG, nous pourrons leur offrir l’aide nécessaire pour évaluer leur situation particulière. Si certains omnipraticiens veulent inscrire des patients du GAMF, mais ne savent pas comment, nous pourrons également nous rendre dans leur clinique pour leur offrir une aide technique.

M.Q. — Avez-vous envisagé d’autres mesures pour aider vos membres ?

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C.R. – Oui, mais certaines sont moins apparentes. Nous avons déjà conseillé au DRMG de ne pas envoyer de lettres à tous les omnipraticiens. Il est illusoire de penser qu’un médecin qui exerce à temps plein à l’urgence ou à l’hôpital ou encore qui a plus de 40 ans de pratique commence à inscrire des patients pour faire de la prise en charge.
Sur un autre plan, notre association pourrait aussi organiser une présentation formelle sur la manière d’inscrire des patients du GAMF si nos membres en ressentent le besoin. La rencontre pourrait être sur le même modèle que celles que nous avions faites sur la nouvelle nomenclature et auxquelles plus de 300 omnipraticiens avaient participé. Si les médecins veulent une formation seulement pour les membres de leur clinique, nous pourrons le faire aussi.

M.Q. — Comptez-vous inciter directement, vous aussi, les médecins à inscrire plus de patients ?

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C.R. – Oui, nous allons nous rendre dans plusieurs cliniques au cours des prochaines semaines. Nous devons voir certains groupes de médecins. Nous avons pris connaissance du nombre d’inscriptions par médecin et par clinique depuis le mois d’avril 2016 et il y a des cabinets dont le nombre de cliniciens a augmenté, mais dont le nombre d’inscriptions a diminué. Cela ne va pas. Il faut que nous rencontrions ces omnipraticiens.

M.Q. — C’est vous personnellement qui allez voir les médecins de famille ?

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C.R. – Oui. Je pourrais être accompagné dans chaque sous-région du médecin qui a été élu comme délégué régional. Il y en un à Sorel, un à Saint-Jean et plusieurs à Longueuil. Nous allons par ailleurs aviser à l’avance les médecins des cliniques que nous visiterons qu’à la fin de la rencontre, nous allons faire l’exercice d’inscrire dix patients au nom de l’un d’entre eux. Il faudra donc qu’un des cliniciens présents ait son code pour pouvoir accéder au site du GAMF.

M.Q. — Quel sera votre message au cours de ces rencontres ?

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C.R. – Nous allons demander aux médecins de faire un effort. Le taux d’assiduité de 80  % est atteint dans la province et ne constitue plus un obstacle pour l’abrogation de la loi 20. Il ne reste donc que le taux d’inscription à atteindre. Nous allons rappeler aux médecins au cours de nos visites que si 85  % de la population n’a pas de médecin de famille le 31 décembre 2017, la loi 20 risque de s’appliquer totalement. Non seulement la Fédération perdra alors sa capacité de négocier, mais beaucoup d’omnipraticiens subiront une baisse de rémunération dès 2018. La loi 20 ne comporte pas de chiffres sur cette diminution. Il faut donc oublier les 30  % dont il a déjà été question, parce que cela pourrait être davantage. Cela va dépendre de l’effort que chaque médecin aura fait pour inscrire des patients au cours de l’année et de la taille de sa clientèle.
;Nous croyons que la loi 20 et ses règlements vont s’appliquer de façon individuelle, et non pas à tous les médecins. Ceux qui n’ont pas beaucoup d’inscriptions et ne font pas d’efforts pour contribuer à vider le GAMF seront les premiers touchés. Et comme il s’agit d’une loi, on ne pourra rien négocier. C’est le ministre qui décidera des règlements de la loi et des pourcentages qui y seront inscrits.
L’initiative du DRMG de la Montérégie et nos rencontres avec les cliniques font partie de l’effort collectif pour éliminer la loi 20. Ce sera ensuite aux médecins de décider ce qu’ils feront.