En fin... la facturation

Facturation de l’accouchement

Michel Desrosiers  |  2019-02-04

Au printemps 2018, la RAMQ a contesté la facturation d’examens ou de visites par certains médecins auprès de patientes hospitalisées qui ont accouché la même journée. Cet automne, elle a informé les médecins de sa lecture des règles à cet égard. La position de la RAMQ simplifie et complique à la fois la facturation durant le travail. Traitons-en !

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Début du travail

Quand le travail commence-t-il ? C’est une question fondamentale. En effet, avant ce moment, le médecin doit réclamer des visites, des examens ou des actes. Et à compter du début du travail, il doit se tourner vers la rémunération globale pour l’accouchement, quitte à faire appel au mécanisme de partage de cette rémunération, le cas échéant.

De longue date, l’entente prévoit une rémunération forfaitaire pour l’accouchement. Les services qui font partie de l’accouchement sont les visites ou les examens durant le travail, la stimulation du travail, bon nombre de services intrapartum, la révision utérine après l’expulsion du placenta (ou son extraction) de même que la réparation des lacérations du col ou des déchirures du premier ou du deuxième degré. Parmi les services intrapartum, on trouve la rupture des membranes, bien qu’on puisse parfois effectuer ce service avant le début du travail.

Autre fait à noter, le déclenchement artificiel (induction médico­chirurgicale) du travail (par distinction avec la stimulation du travail) ne fait pas partie de l’accouchement, mais bien des services prénataux.

Le début du travail actif est assez facile à constater. Du moins, il existe des critères objectifs, selon que la patiente est primipare ou multipare. Cependant, la RAMQ s’en tient au texte littéral du libellé de l’Entente et fait commencer le travail au début de la phase de latence. Elle a récemment clarifié sa position à cet égard (Infolettre 239, 4 oc­to­bre 2018). Pour la RAMQ, la phase de latence commence lorsqu’une patiente présente des contractions (sans égard à leur fréquence ou à leur régularité) qui produisent un effacement ou une dilatation du col.

Avant ce moment, le médecin réclame donc des visites en fonction du cadre dans lequel la patiente est évaluée. À la salle d’accouchement, il facturera des visites de prise en charge ou de suivi si la patiente est hospitalisée et des examens complets ou des consultations majeures ou ordinaires si la patiente est évaluée en externe. À l’urgence, au service de consultation externe, en cabinet ou en services ambulatoires en CLSC, il s’agira aussi d’examens ou de visites, selon le contexte.

L’accouchement est une « intervention chirurgicale » au sens de l’Entente. Normalement, un médecin ne peut pas réclamer de visites ou d’examens pour un même patient le jour de l’intervention. Du moins, c’est ce que prévoit le deuxième alinéa du paragraphe 2 du Préambule particulier de chirurgie étant donné qu’il y a des exceptions pour les situations d’urgence et les interven­tions dont le tarif est inférieur à 59 $, on peut argumenter que l’accouchement est une situation d’ur­gence. Toutefois, le paragraphe 8 du Préambule particulier d’obstétrique prévoit une exception spécifique à la règle générale et permet la rémunération des examens ou des visites effectuées avant que ne commence le tra­vail, même si c’est le même jour que l’ac­cou­chement de la patiente.

Du fait de la position de la RAMQ, il est important d’inscrire au dossier l’état du col et la présence ou l’absence de contractions et de facturer des visites ou examens ou encore d’utiliser le code de l’accouchement, selon votre constat.

Une fois le travail en cours, et ce, jusqu’à l’ex­pul­sion du placenta, le médecin doit s’en tenir à la facturation de l’accouchement, selon le code applicable. À la salle d’accouchement, le praticien solo qui prodigue l’ensemble des soins de ses patientes verra sa rémunération légèrement réduite, s’il réclamait auparavant des visites durant la phase de latence. Pour les médecins d’un groupe qui assurent la garde pour les accouchements à tour de rôle, d’un jour à l’autre, l’application du mécanisme de partage pourrait augmenter leur rémunération globale. En effet, l’inclusion de la phase de latence pourrait augmenter le nombre d’accouchements qui font l’objet de partage du fait de la durée du travail. Rappelons que l’entente n’énonce pas de limite sur le nombre de médecins successifs qui peuvent réclamer le partage de la rémunération de l’accouchement en raison de la durée du travail. Certains médecins semblent croire, à tort, que ce partage est limité à deux médecins seulement, ce qui n’est pas le cas. Toutefois, la durée de la garde des médecins doit être choisie en fonction d’impératifs cliniques (et non seulement pour maximiser la rémunération). Le cas échéant, plusieurs médecins successifs peuvent se partager la rémunération de l’accouchement.

Ce qu’il faut retenir, c’est le critère appliqué par la RAMQ. Il est donc important, lorsque vous comptez réclamer le tarif des examens ou des visites pour une patiente qui pourrait accoucher le même jour, d’inscrire au dossier l’état du col et la présence ou l’absence de contractions. Il en va de même lorsque vous concluez que la phase de latence du travail est commencée. De telles notes simplifieront les vérifications de votre facturation par la RAMQ et éviteront des récupérations qui en découlent.

L’évaluation d’une patiente en vue du déclenchement artificiel du travail est rémunérée de façon supplémentaire du fait qu’il s’agit d’un acte isolé (intervention dont le tarif est de moins de 59 $).

Évaluation hors de la salle d’accouchement

C’est hors de la salle d’accouchement que la position de la RAMQ en laissera certains perplexes. Lors d’un suivi prénatal en première ligne, un médecin en cabinet, en CLSC ou en GMF-U pourrait constater qu’une patiente a des contractions et que son col est effacé. Il transférera alors la patiente d’urgence à la salle d’accouchement. Le même problème pourra se poser à l’urgence, lorsque l’évaluation d’une patiente révèle que le travail est passablement plus avancé qu’on le croyait, menant aussi à un transfert à la salle d’accouchement.

De telles situations devraient survenir assez rarement. Dans le cas de l’obstétricien qui pratique en solo, on peut supposer qu’il accompagnera sa patiente à la salle d’accouchement ou que sa note servira de document d’admission de la patiente. Il n’y a donc pas de véritable problème. Lorsque le médecin qui assure le suivi de la patiente fait partie d’une équipe, il devrait réclamer le partage de la rémunération de l’accouchement, du moins dans la mesure où c’est le fonctionnement convenu au sein du groupe. Le partage est effectivement possible lorsque le changement de médecin est requis en raison de la durée du travail ou de l’organisation locale de la garde en obstétrique. Comme les examens ou visites de suivi durant le travail font partie du suivi du travail, le transfert à un autre médecin est dicté par l’état de la patiente et l’organisation de la garde. Ici non plus, il n’y a pas de véritable problème.

La facturation de l’évaluation par le médecin de l’urgence ou du service de consultation sans rendez-vous d’une patiente en travail est toujours problématique. Cette visite ne faisant pas réellement partie du suivi prénatal ou du suivi du travail, il est probablement plus prudent de réclamer le tarif de la visite ou de l’examen applicable.

déclenchement artificiel du travail

L’autre service qui peut amener des questions est le déclenchement artificiel du travail. Le libellé prévoit qu’il comprend une première demi-heure de surveillance, le cas échéant. Lorsqu’une perfusion d’ocytocine est le moyen retenu, une telle surveillance pourra être requise. Cependant, si vous administrez un inhibiteur des PGE2 ou du misoprostol, une telle surveillance ne sera probablement pas nécessaire. Toujours est-il que, indépendamment du moyen utilisé, vous devrez réévaluer la patiente pour juger de sa réponse. Dans la mesure où votre nouvelle évaluation est faite plus de trente minutes après le début du déclenchement, vous êtes en droit de réclamer le tarif de la visite ou de l’examen applicable, selon que la patiente est hospitalisée ou traitée en externe, tant que la patiente n’est pas encore en travail.

Et l’évaluation initiale ? Comme il s’agit d’un service de la section « Obstétrique », dont le tarif est de moins de 59 $, il s’agit d’un acte isolé. La facturation d’une visite ou d’un examen le même jour est donc permise si l’évaluation est requise sur le plan médical (complication reconnue).

Espérons que ces informations vous permettront d’éviter les problèmes si jamais la facturation de vos services obstétricaux fait l’objet d’une révision. Le mois prochain, nous traiterons de la facturation des heures médico-administratives en GMF. D’ici là, bonne facturation ! //