Entrevues

Entrevue avec la Dre Geneviève Côté, présidente de l’AMOL

Une nouvelle présidente et ses solutions

2019-03-04

Élue présidente de l’AMOL en octobre dernier, la Dre Geneviève Côté compte poursuivre les batailles menées par son prédécesseur, le Dr Michel Breton. Elle va également s’intéresser aux préoccupations de sa génération.

M.Q. — Quelles sont les préoccupations de la jeune génération auxquelles vous voulez répondre en tant que présidente ?

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G.C.– Je compte mettre beaucoup d’énergie sur le dossier des congés de maternité, un sujet très chaud actuellement. Il y a de plus en plus de femmes au sein de la profession. Et parce que nous enfantons, nous sommes régulièrement montrées du doigt pour expliquer les problèmes d’effectifs dans le monde de la santé. Pourtant, la maternité est un stade normal de la vie, au même titre que la retraite, la maladie ou la mortalité. On ne devrait pas constamment être pris au dépourvu par les congés de maternité. Le phénomène de la féminisation de la médecine est connu depuis suffisamment d’années pour que les gestionnaires aient pu penser à des solutions intelligentes et respectueuses des droits de chacun. Je trouve injuste et triste que la seule solution envisagée soit de pénaliser les femmes médecins en réduisant la durée de leur congé de maternité à six mois alors que la norme sociale est maintenant de douze mois.

M.Q. — Quelle solution proposez-vous ?

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G.C.– Le service de dépannage. À l’AMOL, nous souhaitons que ce service ne soit plus réservé qu’aux établissements. Les cliniques médicales aussi devraient pouvoir y recourir. Il faudrait repenser le système pour qu’un médecin en congé de maladie ou de maternité qui travaille en cabinet puisse en bénéficier pour ne pas laisser ses patients en plan. Ce n’est pas normal que ces derniers aient à se tourner vers le service de consultation sans rendez-vous pour obtenir un suivi médical.

M.Q. — Que souhaiteriez-vous également améliorer pendant votre mandat ?

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G.C.– Je crois qu’il y a beaucoup de travail à faire sur le plan de la mobilisation syndicale. Plusieurs médecins ont la perception que ceux qui prennent des responsabilités syndicales s’occupent d’un tas de dossiers à la fois. Les nouveaux membres peuvent donc craindre d’être submergés de dossiers s’ils osent participer aux activités de l’AMOL. C’est la raison pour laquelle je souhaite instaurer la recette « minute par minute ».

M.Q. — De quoi s’agit-il ?

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G.C.– Participer aux assemblées, c’est bien. L’engagement syndical peut toutefois prendre d’autres formes. Il suffirait que l’ensemble des 350 membres de l’AMOL prennent au moins une minute de leur temps pour nous faire connaître leurs préoccupations, leurs attentes. Pour faciliter ce court engagement, j’ai lancé dans l’infolettre, une nouvelle rubrique qui s’intitule : « La présidente prend votre pouls ». Elle permet à l’AMOL de sonder ses membres sur divers sujets. Je veux faire en sorte que nos membres ne perçoivent plus nos communications comme des pourriels, mais bien comme des outils pour les tenir au courant de nos dossiers et de ceux de la FMOQ.

M.Q. — Le partage des tâches entre médecins à Laval vous préoccupe. Qu’est-ce qui vous dérange ?

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G.C.– Depuis plus de six ans, les médecins de famille de l’AMOL, par l’intermédiaire du département régional de médecine générale de Laval (DRMG), demandent à leurs confrères spécialistes un meilleur partage des tâches. Ici, le nombre de spécialistes a augmenté plus rapidement que celui des médecins de famille. Le territoire compte désormais autant de médecins spécialistes que d’omnipraticiens. Cette situation devrait naturellement se traduire par un nouveau partage des tâches hospitalières, d’autant plus que les services offerts à la population dans la collectivité sont en quasi-totalité assumés par les médecins de famille.

M.Q. — Quelle est la situation dans les hôpitaux ?

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G.C.– Malgré le nombre élevé de médecins spécialistes à Laval, ce sont les médecins de famille qui ont toujours à leur charge le plus grand nombre de lits à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé. Des démarches ont été amorcées par le DRMG avant même la crise liée à la loi 20*. Ces discussions demeurent toutefois très ardues. On retourne souvent à la case départ. Ce qui est également choquant dans cette situation, c’est la rigidité des spécialistes. Les médecins de famille, plus conciliants, se retrouvent souvent pénalisés. Et comme si ce n’était pas déjà suffisant, s’ajoute à ce déséquilibre un problème de communication.

M.Q. — Quel est ce problème ?

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G.C.– Tout au long de son mandat de président, mon prédécesseur, le Dr Michel Breton, s’est battu pour qu’il y ait une meilleure communication entre l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé (le seul du territoire) et l’ensemble des quelque vingt cliniques et quatre CLSC de la région de Laval. Encore aujourd’hui, en 2019, c’est toujours un combat pour obtenir des informations sur nos patients auprès des médecins spécialistes qui travaillent au centre hospitalier.

M.Q. — Que voulez-vous dire ?

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G.C.– Pour certaines spécialités, notamment la chirurgie générale et la gastro-entérologie, nous recevons régulièrement les notes. Malheureusement, pour les autres spécialités, nous n’obtenons aucune communication nous informant des résultats de nos patients. Il arrive que les notes nous soient acheminées des mois plus tard et qu’elles soient carrément illisibles. C’est comme s’il subsistait une solide culture selon laquelle il n’est pas nécessaire d’inclure le médecin de famille dans les soins entrepris au centre hospitalier. Nous, omnipraticiens, ressentons un manque de volonté flagrant de la part de bien des spécialistes de communiquer avec nous et de nous considérer comme un membre à part entière de l’équipe soignante.

M.Q. — Que pensez-vous de l’interprofessionnalisme ?

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G.C.– Je suis convaincue que l’interprofessionnalisme est la clé pour offrir à la population un meilleur accès aux soins de santé. Mais, pour y parvenir, il faut que l’on cesse de travailler dans des cadres rigides. Certes, il y a une définition des tâches pour chacun des membres de la clinique, mais l’interprofessionnalisme demande un peu de flexibilité de la part de tous pour fonctionner.

M.Q. — Avez-vous un exemple ?

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G.C.– Prenons le cas d’une infirmière dans un GMF dont l’une des principales tâches est de faire le suivi des diabétiques. Est-ce normal qu’elle refuse, alors que le temps le lui permet, de retirer un bouchon de cire de l’oreille d’un patient prétextant que ce n’est pas dans sa description de tâches ? Est-ce normal également que, dans les GMF, seuls les médecins aient à offrir des services en soirée et le weekend ? Ces incohérences créent des malaises au sein des équipes médicales. C’est comme si on oubliait que c’est le patient qui est au centre de nos services. En première ligne, l’objectif est de répondre au besoin du patient qui est devant nous dans le respect de nos compétences. Tant et aussi longtemps que l’interprofessionnalisme ne se fera pas en équipe en se souciant du patient, le système de santé continuera à comporter des éléments de friction.

*Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.