Droit au but

Les DRMG

des partenaires à part entière

Pierre Belzile  |  2019-04-01

Le comité de direction du Département régional de médecine générale de la Plaine-du-Sud est réuni en séance régulière. Le président-directeur général du CISSS annonce aux autres membres du comité, dont au chef du DRMG, une mise à jour de la liste des activités médicales particulières qui seront disponibles dans la région.

Me Pierre Belzile, avocat, est directeur du Service juridique de la FMOQ.

Le chef et les autres médecins du comité de direction sont in­terloqués. Pour eux, cette mise à jour de la liste des AMP constitue une surprise. Elle leur est présentée alors qu’ils n’ont même pas eu l’occasion de transmettre leurs propres recommandations sur la nature des activités qui devraient être autorisées au sein de leur territoire. Est-ce normal ? Et doivent-ils accepter une telle situation sans rien dire ? Avant de répondre à la question, il convient d’abord de comprendre le rôle et la structure d’un DRMG.

Le rôle et la structure des DRMG

Les départements régionaux de médecine générale sont issus de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, la LSSSS. En vertu de cette loi, les DRMG sont fondés sur une structure élective. Ce sont aussi les médecins du territoire exerçant dans le régime public qui sont, grâce au droit de vote dont ils disposent, à la base de la composition du comité de direction du département. Ils élisent trois médecins qui nomment à leur tour les autres membres du comité de direction, soit de deux à neuf médecins.

Les principales responsabilités confiées à un DRMG

h Faire des recommandations sur le plan régional des effectifs médicaux, le PREM, la médecine familiale. En vertu de la loi 10 (ayant aboli les agences), ces recommandations sur les PREM doivent être transmises directement au ministre. Ce dernier les approuve ou non. Le DRMG assure la mise en place de la décision du ministre à l’égard de ce plan.

h Faire des recommandations concernant la liste des AMP. Le DRMG assure la mise en place de la décision du CISSS/CIUSSS relativement à cette liste.

h Proposer et définir le plan régional d’organisation de services de sa région, communément appelé le PROS, par RLS, pour la médecine générale ; faire approuver le PROS par le CISSS/CIUSSS. Le PROS du DRMG doit comprendre un réseau d’accessibilité aux soins médicaux généraux.

Le pouvoir de recommandation du DRMG

Le pouvoir de recommandation n’est pas un pouvoir sans importance. En principe, lorsqu’une autorité administrative décide de ne pas suivre une recommandation qui lui est transmise en vertu d’un cheminement législatif, elle devrait normalement motiver sa décision.

En matière d’AMP, de PREM et de PROS, la loi confie donc aux DRMG la responsabilité d’établir leurs priorités et de faire des recommandations, selon le cas, aux CISSS, aux CIUSSS et au ministre. Ces dernières autorités ne peuvent donc rendre une décision sans avoir, au préalable, considéré les recomman­dations du DRMG. Si le ministre ou les établissements refu­sent de suivre les recommandations du DRMG, ils devraient donc, en principe, justifier leurs décisions.

Le DRMG : la cogestion médicale

D’un point de vue légal, les DRMG ne peuvent être désincarnés de leur rôle et simplement recevoir des directives en provenance du ministère ou des PDG des CISSS et des CIUSSS dans la réalisation de leur mission. La loi ne prévoit pas un tel fonctionnement. Ce serait nier le pouvoir de recommandation prévu par la loi.

On semble parfois oublier que les médecins qui pilotent les comités de direction des DRMG ne sont pas des employés du ministère, et encore moins des salariés des CISSS et des CIUSSS. Ce sont des cliniciens qui exercent dans le cadre du régime public. Ils représentent tous les médecins de la région, qui les ont choisis à la suite d’un processus d’élections ou de nomination.

Certains diront que les DRMG, en vertu de la LSSSS, doivent agir sous l’autorité de leur PDG respectif. C’est vrai. Cela signifie que les PDG des CISSS/CIUSSS doivent s’assurer que les DRMG remplissent bien les fonctions qui leurs sont dévolues par la loi. Le PDG n’est pas là pour donner des directives aux DRMG.

Donner aux DRMG un simple rôle d’exécutant aurait pour effet de nier l’intention de ceux qui s’en étaient fait les promoteurs au moment de leur instauration en 1998. Cette intention était nettement de mettre de l’avant la cogestion médicale. La participation dynamique des médecins dans la gestion et dans l’organisation des services a clairement des effets avantageux sur l’accès et sur la qualité des soins.

Qu’arrive-t-il si un DRMG refuse d’assurer la mise en place de la décision du ministre ou celle du CISSS ou du CIUSSS en ce qui concerne les PREM et les AMP ? La LSSSS est silencieuse à ce sujet. Il ne peut être question de destitution du comité de direction du DRMG. La loi ne parle d’aucune manière d’une telle possibilité. Au mieux, la LSSSS permet-elle au PDG de l’établissement d’exercer les fonctions du DRMG pour l’élaboration du PROS dans le cas où ce dernier négligerait de le faire. Cependant, aucune disposition ne vient encadrer le cas où un DRMG déciderait de ne pas appliquer une décision du ministre ou une décision du CISSS ou du CIUSSS quant aux AMP et aux PREM.

De véritables partenaires

En fait, les CISSS, les CIUSSS et le ministre, en cas de divergences de vues avec les DRMG, peuvent difficilement les écar­ter ou ne pas s’entendre avec eux. Les CISSS et les CIUSSS ont d’ailleurs l’obligation légale en vertu de la LSSSS de créer des conditions favorables à l’accès, à la continuité et à la mise en réseau des services médicaux généraux, de concert avec les DRMG (ce sont les mots de la loi). Cela suppose donc une saine collaboration avec des partenaires majeurs au sein du réseau : les DRMG.

D’un point de vue juridique, les membres des comités de di­rec­tion des DRMG ne font pas partie du personnel des éta­blis­sements ni de celui du ministère. Ni le ministre, ni les éta­blis­sements ne décident des conditions d’engagement des mem­bres d’un comité de direction. Ils doivent plutôt chercher à les épauler et à leur apporter les moyens d’accomplir leur mission. Ni le MSSS ni les PDG n’ont à leur dicter leur vision de l’organisation des services. Comme mentionné précédemment, le PDG d’un établissement doit cependant s’assurer que le DRMG remplisse les fonctions qui lui sont confiées par la loi, en mettant à sa disposition les ressources pour y parvenir. Le fait que la loi 130 donne maintenant au ministre la capacité de réviser tout projet de règlement de régie interne du DRMG concernant son fonctionnement et la création de comités ou d’unités sous-territoriales ne change rien à ces principes.

Les DRMG sont des partenaires, des collaborateurs du réseau de la santé. Le DRMG désigne d’ailleurs lui-même un médecin du territoire pour siéger au conseil d’administration du CISSS et du CIUSSS.

Il est certainement pertinent pour le ministre d’informer les DRMG de ses orientations en ce qui a trait aux AMP et aux PREM par exemple. Dans leurs communications, les DRMG peuvent également échanger avec qui ils veulent. Aucune directive ne peut venir leur dire avec qui ils doivent communiquer ou non. Personne n’a à restreindre les DRMG dans le choix de leurs interlocuteurs.

Les tâches du DRMG en vertu des ententes négociées

Par ailleurs, les parties négociantes que sont la FMOQ et le ministère de la Santé confient aussi d’importantes responsabilités aux DRMG. Une foule de textes conventionnels mettent les départements régionaux à contribution dans la mise en œuvre des ententes négociées. Ne serait-ce que dans la réalisation des buts que poursuivent les ententes relatives au suivi des clientèles, aux AMP et aux PREM, le rôle de partenaires que jouent les DRMG dans l’atteinte des objectifs est consacré.

Dans le cadre des travaux du comité MSSS–FMOQ sur les conditions de pratique, mis sur pied à la suite de l’adoption de la loi 130 à l’automne 2017 (voir l’article à ce sujet dans le numéro d’août 2018 du Médecin du Québec), le statut de partenaire que doivent conserver les DRMG dans le cadre de leurs fonctions prévues dans la loi est à l’ordre du jour.

Pour l’avenir, il sera également opportun de mieux circonscrire les marges de manœuvre dont disposent les DRMG dans l’application des ententes négociées, tout en réaffirmant le rôle des comités paritaires dans la révision des décisions que les DRMG peuvent parfois rendre.

En résumé

h Les DRMG sont des structures électives.

h Leurs responsabilités sont issues de la loi et des ententes que négocient la FMOQ et le ministère de la Santé.

h Les membres des comités de direction des DRMG ne sont pas les employés du ministère, ni des CISSS/CIUSSS, ni de la FMOQ. Ils ont le libre choix de leurs interlocuteurs.

h Les DRMG doivent être considérés comme des partenaires du réseau, l’illustration même de ce que doit être la cogestion médicale au sein du réseau.

h Les DRMG disposent d’un important pouvoir de recommandation. Ils ne sont pas de simples exécutants.

h Le comité MSSS–FMOQ sur les conditions de pratique devrait affirmer le rôle de partenaire des DRMG.

Conclusion

Comme on peut maintenant bien s’en rendre compte, le chef du DRMG de la Plaine-du-Sud et les autres médecins du comité de direction avaient raison d’être embarrassés par l’annonce inattendue du PDG du CISSS quant à la mise à jour de la liste des AMP disponibles dans la région. La responsabilité de la mise à jour de la liste est la leur. Il revient en effet au DRMG d’établir cette liste et d’en recommander la mise en œuvre au PDG du CISSS. Si ce dernier est d’avis que la recommandation n’est pas recevable, les parties peuvent en discuter, mais le PDG du CIUSSS doit en expliquer les raisons au DRMG. //