Nouvelles syndicales et professionnelles

CRDS

Recevoir un refus de consultation pour non-pertinence

Emmanuèle Garnier  |  2019-05-29

La dernière phase du projet d’accès priorisé aux services spécialisés est maintenant lancée. Dix nouvelles spécialités se sont ajoutées. Mais comment fonctionne le système ? Que sont ces refus de consultation pour non-pertinence ?

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Il peut arriver qu’un médecin de famille ait une désagréable surprise après avoir fait une demande auprès du Centre de répartition des demandes de services (CRDS) : celle de recevoir un refus de consultation pour… non-pertinence.

La Dre Julie Lalancette, directrice de la Planification et de la Régionalisation à la FMOQ, s’insurge contre ce procédé. « Je suis absolument contre l’avis de non-pertinence. C’est inacceptable sur le plan déontologique. Un spécialiste répondant du CRDS ne peut refuser une demande de consultation que dans un seul cas : si le médecin de famille, à la suite d’une discussion avec ce dernier, décide de retirer sa demande. En dehors de cela, il n’est pas question que l’on dise à un médecin de famille que son patient ne sera pas vu », affirme-t-elle.

La Dre Lalancette a d’ailleurs vu avec stu­péfaction apparaître l’avis de non-pertinence dans la future version du guide de gestion de l’accès priorisé aux services spécialisés (APSS). Elle en a immédiatement demandé le retrait. « J’ai dit aux responsables du ministère de la Santé que c’était une fin de non-recevoir de la part de la Fédération. »

On ignore le nombre de cas où des avis de non-pertinence ont été envoyés. « C’est un problème qui revient constamment », affirme la Dre Lalancette. Elle-même est déjà intervenue dans un cas. « Qu’est-ce que la pertinence d’une consultation ? Quelquefois, même l’inquiétude d’un patient que le médecin de famille a peine à rassurer est une raison pertinente. »

Selon les principes de base du CRDS, aucune demande conforme aux normes ne peut être refusée. « La non-conformité peut toucher trois aspects. Il y a d’abord la non-conformité administrative : mauvais nom du patient, mauvaise adresse, mauvais numéro d’assurance maladie. Il y a ensuite la non-conformité clinique : manque d’informations dans la demande de consultation, absence de diagnostic, etc. Et, pour finir, la demande ne sera approuvée que pour une première consultation. Autrement, toutes les demandes doivent être acceptées. »

« Les avis de non-pertinence sont inacceptables sur le plan déontologique. On ne refuse pas une demande de consultation. »

– Dre Julie Lalancette

La troisième phase

Depuis le 26 mars, l’APSS a intégré à son système la dernière série de spécialités. Des consultations dans dix nouveaux domaines, comme la dermatologie, l’endocrinologie, la gyné­co­logie, la pneumologie, sont maintenant offertes (encadré).

Déjà, l’APSS semble jeter un nouvel éclairage sur certaines de ces spécialités. En psychiatrie, par exemple, quelques heurts sont apparus dans le système traditionnel de rendez-vous. Habituellement, un patient doit consulter un psychiatre dans son territoire. « Généralement, cette directive est respectée, mais un médecin de famille peut décider d’adresser un patient à un psychiatre d’un autre territoire. On savait que cela se faisait auparavant, mais là on a des statistiques. Malgré la sectorisation en psychiatrie, les principes fondamentaux de l’APSS liés à la possibilité de faire des consultations nominales doivent continuer à s’appliquer », précise la Dre Lalancette.

Mais il y a aussi d’heureuses surprises. La dermatologie, que l’on a toujours crue à court d’effectifs, se montre performante. « Jusqu’à présent, les dermatologues ont répondu à 100 % des demandes. Mais il va falloir attendre encore pour voir si leurs résultats vont se maintenir. On n’a que deux mois de recul. »

On a un portrait plus juste de la situation pour les spécialités déployées au cours des deux premières phases. On sait ainsi qu’en gastro-entérologie et en orthopédie, domaines qui faisaient partie de la première vague, les problèmes d’accès aux spécialistes sont encore importants.

Dans la deuxième vague, la physiatrie reste un problème. « Cela fait 25 ans que l’on dit qu’il n’y a pas assez de physiatres, indique la Dre Lalancette. Il y a peu de postes chaque année. Là, on a des chiffres. Le manque de physiatres vient nous rappeler qu’il faut intervenir dans la trajectoire de soins pour intégrer l’ensemble des intervenants dans le domaine des problèmes musculo-squelettiques. C’est un projet titanesque. »

Amélioration du système

L’APSS est un projet qu’a mis sur pied le ministère de la Santé et les spécialistes et auquel collabore la FMOQ. « On est en train de s’assurer que l’on s’entend sur la façon optimale dont l’APSS doit fonctionner. Nous évaluons et revoyons sa gouvernance », mentionne la directrice de la Planification.

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Les partenaires du projet vérifient également si, sur le terrain, chaque CRDS fonctionne bien. S’il respecte les directives du guide de gestion de l’APSS. D’une région à l’autre, l’efficacité des centres varie. Des responsables de l’APSS en ont déjà visité dans certaines régions pour corriger des problèmes et iront en voir d’autres sous peu.

Au sein des CRDS, certains changements devraient également être apportés, pense la Dre Lalancette. La structure et le fonctionnement du comité de vigie, par exemple, devraient être optimisés. Ce comité clinique est constitué d’un médecin de famille – le coordonnateur du guichet d’accès à la clientèle orpheline – et d’un médecin spécialiste, qui fait la coordination entre les 27 spécialistes répondants du CRDS. Théoriquement, le médecin de famille ne devrait être en contact qu’avec le spécialiste coordonnateur et ne pas avoir affaire à tous les médecins répondants. Mais ce n’est pas toujours le cas.

« Il y a un clair déséquilibre entre la gouvernance de la médecine spécialisée et celle de la médecine de famille. Dans les grandes régions, ce comité devrait compter plus de médecins de famille. Le rôle du représentant des médecins de famille doit également être clair : il ne doit traiter qu’avec le médecin coordonnateur, et non avec les 27 spécialistes répondants. »

Le système de l’APSS fonctionne-t-il bien ? « Modérément, répond la Dre Lalancette. Cependant, l’accès aux consultants s’améliore de manière constante dans la majorité des spécialités. Le bon côté de ce projet, c’est qu’il nous donne des informations objectives sur l’accès à la médecine spécialisée. Mais d’un autre côté, il faut se battre tout le temps comme médecin de famille pour faire respecter notre autonomie professionnelle et nos droits. » //