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Forme légère de la COVID

ces symptômes qui peuvent rester une fois l’infection guérie

Emmanuèle-Élyanthe Garnier-Nord  |  2020-10-28

On sait maintenant que certains symptômes de la COVID-19 peuvent persister, même lorsque la maladie a été bénigne. Mais lesquels se prolongent et pendant combien de temps ?

Dre Parkes

Même quand la maladie à coronavirus (COVID-19) est légère, bien des patients ne retrouvent pas rapidement leur forme après l’infection. Aux États-Unis, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont constaté que 35 % des personnes ayant souffert d’une forme bénigne de la maladie n’avaient toujours pas récupéré deux ou trois semaines après avoir passé un test de dépistage1. Même des jeunes sans affections chroniques étaient touchés : 19 % étaient dans ce cas.

Les chercheurs ont quantifié le problème grâce à une enquête effectuée auprès de 274 personnes qui ont reçu un résultat positif à un test de dépistage passé dans l’un des quatorze réseaux universitaires de soins de treize états. Les sujets, dont aucun n’avait été hospitalisé, ont été interviewés entre quatorze et vingt et un jours après leur visite. Ils devaient indiquer les symptômes qu’ils avaient au moment du test, si ces derniers s’étaient résorbés et si leur état de santé était revenu à la normale. Résultat : 95 sujets estimaient ne pas avoir retrouvé leur forme initiale.

Plusieurs facteurs semblent jouer (tableau1) : l’âge, le nombre de maladies chroniques et l’obésité. Ainsi, presque la moitié des patients de 50 ans et plus n’avaient pas recouvré leurs forces contrairement aux jeunes de 18 à 34 ans, dont seulement le quart restaient affectés de deux à trois semaines après le test. Chez les sujets qui présentaient trois maladies chroniques ou plus, 57 % n’étaient toujours pas en forme. L’obésité, quant à elle, augmentait de plus du double le risque de ne pas revenir à son état normal.

Parallèlement, plusieurs symptômes se prolongeaient chez les participants. Les plus fréquents ? La toux (chez 43 % de ceux qui en souffraient initialement), la fatigue (chez 35 %) et l’essoufflement (chez 29 %) (figure). Parmi les sujets qui avaient perdu le goût et l’odorat pendant l’infection, quelque 20 % ne les avaient toujours pas recouvrés au moment du sondage. Mais chez les personnes qui n’avaient plus de symptômes, quand s’étaient-ils résorbés ? De quatre à huit jours après le test.

Tableau - forme legere

Au Québec

À l’Hôpital général Juif, la Dre Leighanne Parkes, spécialiste des maladies infectieuses et microbiologiste, a vu quelques patients qui s’étaient présentés à l’urgence parce que leurs symptômes de la COVID se prolongeaient. « C’était des gens comme ceux de l’étude des CDC. Ils avaient eu une maladie légère ne nécessitant pas d’hospitalisation, mais gardaient une immense fatigue. Elle était intense au point qu’elle les empêchait de fonctionner dans leur quotidien. Ils avaient également des perturbations du sommeil, des sueurs nocturnes et un essoufflement au moindre effort », explique la médecin.

Ces patients étaient des travailleurs de la santé auparavant très actifs. Toujours en mouvement, pouvant monter et descendre les escaliers en courant. « Maintenant, juste le fait de sortir du lit pour aller à la cuisine non seulement les épuise, mais aussi les essouffle et déclenche des palpitations », précise la Dre Parkes.

Figure - forme legere

Les malades ont été pris en charge par une équipe multidisciplinaire qui leur a fait passer une batterie d’examens. Tests de la fonction pulmonaire, échocardiogramme, enregistrement Holter, évaluation en médecine interne, en neurologie, etc. « On essaie de voir s’il n’y a pas d’autres causes que la COVID-19 et de trouver comment réduire les effets de la fatigue chronique de ces patients. »

Au CHUM, les microbiologistes reçoivent eux aussi des appels de patients dont les symptômes persistent après une maladie à coronavirus. « Ils éprouvent de la fatigue, ont des maux de tête, parfois des symptômes neurologiques. Ils se sentent un peu comme s’ils avaient la tête vide », explique la Dre Cécile Tremblay, microbiologiste infectiologue. Ce phénomène post-infectieux n’est pas unique à la COVID, précise la spécialiste. « Dans d’autres infections virales, comme la rougeole, on peut observer, par exemple, des encéphalites post-infectieuses. Ce qui est particulier dans le cas de la COVID-19, c’est qu’il y a un ensemble plus important de symptômes qui persistent. »

Cécile Tremblay

La spécialiste a par ailleurs été déçue par l’étude des CDC. Le sondage a été effectué trop tôt. Seulement de deux à trois semaines après le test. « Ce qui inquiète surtout les médecins, ce sont les patients qui ont encore des symptômes après deux ou trois mois. Là, on ne sait plus si c’est lié ou non à la COVID. »

Les patients hospitalisés

On savait déjà, mais uniquement chez les personnes atteintes d’une forme grave de l’infection, que certains symptômes de la maladie à coronavirus se prolongeaient. Ainsi, en juin, une étude italienne effectuée sur 143 patients sortis de l’hôpital après avoir été traités pour la COVID-19 a montré que 87 % présentaient toujours au moins un symptôme deux mois après le début de la maladie2. Parmi les sujets, 53 % indiquaient qu’ils ressentaient encore de la fatigue ; 43 %, de l’essoufflement ; 27 %, des douleurs articulaires et 22 %, une douleur à la poitrine.

Au Royaume-Uni, des chercheurs ont recueilli des données similaires3. Ils ont interrogé, en moyenne 48 jours après leur congé de l’hôpital, cent sujets qui avaient eu une forme grave de la COVID. La fatigue constituait le symptôme résiduel le plus fréquent : elle touchait 72 % des personnes qui avaient séjourné aux soins intensifs et 60 % de ceux qui avaient été dans une unité de soins ordinaire. L’essoufflement, lui, était présent chez 66 % des sujets qui avaient reçu des soins intensifs et chez 43 % de ceux qui avaient eu des soins normaux. Un certain nombre de participants ressentaient également une détresse psychologique.

Un tableau commence donc à se dessiner. « Ce que nous voyons maintenant, c’est que dans tout le spectre de gravité de la maladie, on trouve un sous-groupe de patients qui conservent des symptômes pendant un certain nombre de jours après la guérison de la phase aiguë de l’infection », note la Dre Parkes.

Des études prospectives

Le phénomène du syndrome post-infectieux de la COVID est encore très nouveau. « C’est difficile de parler de symptômes qui se prolongent quand l’épidémie ne dure que depuis huit mois. Il faut laisser le temps aux chercheurs de faire des cohortes et de les suivre. On découvrira les mécanismes plus tard. On n’en est peut-être pas là », estime la Dre Tremblay.

La Dre Parkes juge, elle aussi, que des études rigoureuses sont nécessaires. « Celles dont on dispose actuellement sont rétrospectives et présentent donc des problèmes de biais de rappel. Il faut avoir des recherches qui suivent de manière standardisée des patients qui ont eu un diagnostic positif pour évaluer les symptômes à différents moments de la maladie. Nous pourrions ainsi obtenir une bonne idée des facteurs déclencheurs, des patients touchés, de la durée de leurs symptômes et des traitements qui peuvent les aider. » //

Bibliographie

1. Tenforde M, Kim S, Lindsell C et coll. Symptom duration and risk factors for delayed return to usual health among outpatients with COVID-19 in a multistate health care systems network – United States, March-June 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2020 ; 69 (30) : 993-8.

2. Carfì A, Bernabei R, Landi F et coll. Persistent symptoms in patients after acute COVID-19. JAMA 2020 ; 324 (6) : 603-5.

3. Halpin S, McIvor C, Whyatt G et coll. Postdischarge symptoms and rehabilitation needs in survivors of COVID-19 infection: A cross-sectional evaluation. J Med Virol Publié initialement en ligne le 30 juillet 2020.