Éditorial

Le débordement des urgences

Louis Godin  |  2020-01-30

L’année 2020 a commencé, sur le plan de l’actualité, avec des airs de déjà vu : une médiatisation importante du « débordement » des urgences et une remise en question de l’accès aux soins de première ligne en raison dudit débordement. Pourtant, ceux qui œuvrent directement dans l’offre de soins à l’urgence dans nos établissements et en première ligne dans la collectivité connaissent très bien les maux qui affligent ces secteurs névralgiques. Si on se donnait enfin la peine de véritablement les écouter au lieu de tenter collectivement de trouver de faux coupables, peut-être n’en serions-nous pas encore là en 2020. Dans ce contexte, quelques constats s’imposent et méritent un rappel.

L’année 2020 a commencé, sur le plan de l’actualité, avec des airs de déjà vu : une médiatisation importante du « débordement » des urgences et une remise en question de l’accès aux soins de première ligne en raison dudit débordement. Pourtant, ceux qui œuvrent directement dans l’offre de soins à l’urgence dans nos établissements et en première ligne dans la collectivité connaissent très bien les maux qui affligent ces secteurs névralgiques. Si on se donnait enfin la peine de véritablement les écouter au lieu de tenter collectivement de trouver de faux coupables, peut-être n’en serions-nous pas encore là en 2020. Dans ce contexte, quelques constats s’imposent et méritent un rappel.

Forte demande de soins et pénurie

Il est juste normal et prévisible que la demande de soins explose en janvier, notamment en raison des patients souffrant de symptômes grippaux. Et c’est encore plus vrai lorsque la grippe est, semble-t-il, particulièrement virulente comme cette année. Et ne comptez pas sur moi pour blâmer les Québécois qui consultent quand leur jeune enfant ou leur parent vieillissant est fiévreux. Au contraire, c’est entre autres pour cette raison précise que de nombreuses cliniques médicales ont pris l’engagement d’augmenter leur offre de service cet hiver et que de plus en plus d’établissements redirigent des patients vers des supercliniques ou des cliniques d’hiver. N’empêche que la demande de soins est tellement forte qu’il est extrêmement difficile, particulièrement dans la grande région de Montréal, d’y répondre comme nous le souhaiterions. Pourquoi ? Parce que nous souffrons d’une grave pénurie d’infirmières et de médecins de famille au Québec et qu’il est malheureusement impossible de remédier à cette situation en une saison. En plus, quand on sait que 2400 des 2500 médecins qui prodiguent des soins médicaux dans les urgences de la province sont des omnipraticiens, force est de constater que l’élastique est grandement étiré en ce qui a trait à l’offre de soins. Après tout, si les médecins de famille québécois peuvent travailler de nombreuses heures et être polyvalents, ils n’ont pas encore le don d’ubiquité.

Congestion et débordement

S’il y a congestion et débordement dans les urgences, tous s’entendent pour dire que c’est principalement en raison d’un manque de lits pour hospitaliser les patients très malades. D’ailleurs, au chapitre du nombre de lits d’hospitalisation, c’est un fait bien établi, le Québec tire clairement de la patte par rapport à d’autres sociétés occidentales. Dans ce contexte, lorsqu’il y a croissance de la demande d’hospitalisation pour des gens ayant besoin de soins importants (en raison de la grippe, par exemple), cette demande ne peut évidemment être comblée, et ces gens restent stationnés sur des civières à l’urgence. Conséquence ? L’urgence déborde ! La réalité est aussi simple que cela et ne changera pas tant que nous n’aurons pas, comme société, une réelle volonté de changement par rapport à cet enjeu fondamental.

Solutions

Pour avoir les moyens de régler le débordement des urgences et les problèmes en amont qui y sont associés, il faut s’attaquer aux pénuries de personnel ou d’effectifs qui affligent le réseau de la santé (médecins de famille, infirmières, préposés). C’est un incontournable. C’est la seule avenue qui permettra à la fois d’améliorer l’accès aux soins de première ligne et notre capacité d’hospitaliser les patients malades dans nos établissements. Valoriser ces professions en les rendant plus attrayantes et en rendant leur exercice moins contraignant au quotidien demeure l’investissement par excellence que le Québec doit faire. Faisons preuve de vision et n’ayons pas peur de sortir des sentiers battus s’il le faut pour y arriver, car il y a justement urgence d’agir à cet égard. //

Le 22 janvier 2020

 

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Le président, Dr Louis Godin