Éditorial

Le fil de fer

Louis Godin  |  2021-01-28

Après avoir probablement vécu la phase la plus difficile de la seconde vague de la pandémie qui nous afflige depuis maintenant plus de dix mois, force est de constater que nous marchons sur un fil de fer quant à notre capacité collective d’offrir les soins nécessaires à la population. Si les problèmes d’approvisionnement d’équipements médicaux et de protection individuelle restent une hantise associée à la première vague, la pénurie de personnel et le délestage d’activités médicales et chirurgicales pourtant importantes sont eux bien réels. La vulnérabilité extrême du réseau étant parfois une notion bien abstraite pour certains de nos concitoyens, il demeure notre devoir non seulement de leur prodiguer encore et toujours les meilleurs soins possibles, mais aussi de les prévenir et de les informer.

Comme médecins, nous avons le privilège de faire une différence souvent énorme dans la vie de bien des personnes, de changer des comportements et, ce faisant, d’avoir directement ou indirectement un effet certain sur l’évolution des choses dans la société. En ces temps incertains, je vous invite humblement à utiliser ce privilège pour non seulement soigner, mais aussi informer, rassurer et influencer nos concitoyens qui sont nombreux à se poser des questions légitimes sur notre lutte contre la COVID-19 et ses conséquences.

Dans ce contexte, une de nos missions parallèles pour les semaines à venir sera de leur rappeler, lorsque nous en avons l’occasion, les efforts gigantesques demandés aux travailleurs de la santé depuis le début de la pandémie, le grand nombre de ces travailleurs qui ont dû s’absenter pour des raisons de santé, les conséquences d’un délestage inévitable mais dramatique, les sacrifices exigés des patients victimes de ce délestage ainsi que des bienfaits connus et éprouvés de la vaccination. Dans la mesure de nos moyens, saisissons la balle au bond et véhiculons ces messages essentiels.

Enfin, je souhaite personnellement transmettre un autre message tout aussi important, qui s’adresse plus particulièrement aux médecins omnipraticiens : malgré la surcharge de travail et vos res­ponsabilités professionnelles très lourdes, n’oubliez pas de prendre soin de vous. Nous vivons une période trouble où la société exige énormément de ses médecins. Néanmoins, s’oublier et ignorer ses souffrances quand des signaux nous les rappellent ne constitue pas une option. Des ressources existent pour vous accompagner si vous avez besoin d’aide, comme le Programme d’aide aux médecins du Québec. Alors si vous en ressentez le besoin, n’hésitez pas à en parler, à consulter ou à prendre une pause. Les médecins sont des humains comme les autres et ils ont le droit de vivre des moments difficiles.

De tout temps, notre profession a valorisé la performance. Toutefois, plus que jamais en 2021, nous devons valoriser davantage l’empathie et l’écoute pour les patients comme pour nous-mêmes et nos collègues. Tâchons simplement de nous en souvenir collectivement en ces jours difficiles où nous marchons tous un peu sur un fil de fer.

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Le président, Dr Louis Godin