Droit au but

Le bail commercial de votre clinique médicale

voyez-y !

Pierre Belzile  |  2021-07-29

Les médecins du GMF du Nord aimeraient beaucoup déménager leur clinique médicale dans un immeuble moderne dont la construction vient tout juste de se terminer dans le secteur de la ville où ils se trouvent. Destiné à accueillir des bureaux de professionnels de la santé, l’immeuble semble fait sur mesure pour eux. Mais voilà ! Leur bail actuel ne prend fin que dans trois ans. Pas de problème, pensent-ils. Moyennant une pénalité financière de quelques mois, on pourra probablement résilier le bail sans problème. Est-ce vraiment aussi simple ?

Me Pierre Belzile, avocat, est directeur du Service juridique de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Le choix d’un local commercial bien adapté à leurs besoins est une des plus importantes décisions d’affaires que prendront les médecins dans l’exploitation d’une clinique médicale. Au bout du compte, cette décision se matérialisera par la signature d’un contrat avec le propriétaire de l’immeuble. C’est le bail commercial. Comme pour tous les contrats, il faut bien en lire toutes les clauses et s’assurer de bien en négocier tout le contenu.

Être à son affaire

Contrairement au bail résidentiel, le bail commercial offre une grande liberté contractuelle. Malheureusement, plusieurs médecins qui louent des espaces dans des immeubles commerciaux pour y exploiter leur entreprise médicale acceptent souvent trop rapidement de signer les baux que leur soumettent les propriétaires d’immeubles. Ces baux auront été, la plupart du temps, rédigés par les avocats des propriétaires essentiellement en fonction des intérêts de ces derniers.

Pourtant, les nombreuses possibilités qu’offre le bail commercial sur le plan de la rédaction devraient inciter les médecins à mieux en négocier les conditions.

Durée, renouvellement

Lors de la signature d’un nouveau bail commercial, ou de son renouvellement, il est important de bien en établir la durée. En effet, elle doit être suffisamment longue pour permettre de planifier l’exploitation de la clinique médicale. Habituellement, elle varie entre trois et dix ans d’occupation. Au Québec, la durée des baux commerciaux s’étend donc normalement sur plusieurs années, et ces baux sont souvent assortis d’options de renouvellement.

Les clauses de renouvellement d’un bail prennent diverses formes. Par conséquent, un examen attentif du contrat est nécessaire. Par exemple, si la clause de renouvellement d’un bail ne prévoit qu’une simple renégociation du loyer au moment du renouvellement, les médecins de la clinique pourraient alors se trouver en position de faiblesse et devoir encaisser une hausse de loyer s’ils n’ont pas négocié au moins une clause d’indexation.

Résiliation, sous-location et cession

Le bail actuel de la clinique permet-il la résiliation ou la cessation avant l’échéance ? Les médecins auraient, encore ici, tout intérêt à vérifier cet aspect des choses. Un locataire ne peut en principe décider de façon unilatérale de mettre fin à un contrat avant son échéance, sans que cette possibilité ait été planifiée dans le contrat et soit encadrée par diverses mesures.

Comme la durée court normalement jusqu’à l’échéance, le propriétaire, tout comme le locataire, s’attend qu’elle soit respectée. C’est la raison pour laquelle il faut bien réfléchir à la possibilité d’inclure dans le bail des dispositions donnant ouverture à une résiliation, à une sous-location des locaux ou carrément à une cession du bail à un tiers.

Tous ces éléments se négocient. Il est donc important de bien se préparer afin de ne pas signer sans évaluer ce que le propriétaire nous présente platement. Dans le cas particulier de la sous-location et de la cession, si rien n’est inscrit dans le contrat, le Code civil du Québec s’applique par défaut. Ses dispositions prévoient qu’un propriétaire ne peut, sans motif sérieux, refuser la sous-location des lieux ou la cession du bail.

La fixation du loyer

Le loyer associé à un bail commercial peut prendre plusieurs formes. Souvent, il se divise en deux parties : le loyer de base et le loyer additionnel. Le premier consiste en un montant mensuel fixe. Le deuxième, quant à lui, se superpose au montant de base. Il peut comporter divers éléments : taxes, assurances, frais d’entretien et réparations, etc. C’est en fonction de ces ajouts au loyer de base que naîtront les expressions « bail net », « bail net net », « bail net net net ».

Si les médecins désirent obtenir un loyer mensuel dont le coût inclut tous les frais, sans qu’aucune autre somme ne soit ajoutée, on parlera alors de « bail brut ». Cette formule n’est toutefois pas la plus fréquente. Il revient donc aux médecins locataires dans un immeuble commercial de faire plusieurs calculs et vérifications préalables afin de bien évaluer et de bien comprendre le loyer qu’ils paieront pour leurs espaces de bureau afin d’établir et de négocier ce qui leur convient le mieux. Compte tenu de la durée possible d’un bail, ces décisions ont des répercussions financières importantes à long terme.

Autres considérations

Bien d’autres éléments peuvent entrer en ligne de compte lorsque le temps est venu de négocier le contenu d’un bail commercial. Qu’il s’agisse des assurances, des places de stationnement, des améliorations locatives, du nettoyage et du ménage quotidiens, des travaux urgents à effectuer, une foule de choses doivent être prises en compte. S’en faire une liste n’est donc pas une démarche inutile.

Il ne faut pas non plus oublier les règles émanant du Collège des médecins. À cet égard, nous vous suggérons la lecture des deux articles du Dr Michel Desrosiers portant sur l’encadrement du loyer, parus en juillet et en septembre 2019 dans la chronique « Questions… de bonne entente » du Médecin du Québec.

La publication d’un bail

Le Code civil du Québec permet la publication d’un bail commercial au registre foncier. Cette possibilité peut s’avérer très pratique pour les médecins locataires. En effet, si jamais l’immeuble où se trouve la clinique médicale devait être vendu, la publication du bail empêcherait l’acquéreur de les expulser des lieux. C’est un élément à ne pas négliger !

S’adjoindre des conseillers juridiques

La négociation d’un bail commercial constitue un important enjeu dans l’exploitation d’une clinique médicale. L’engagement s’étend sur de nombreuses années et se calcule en dizaines de milliers de dollars. C’est pourquoi nous ne saurions jamais assez recommander aux médecins de s’adjoindre, à titre préventif, des avocats spécialisés dans ces questions afin d’obtenir des conseils judicieux et une aide juridique essentielle. N’hésitez pas non plus à consulter le Service juridique de la FMOQ pour en savoir plus sur les généralités de cette matière parfois complexe.

Conclusion

Les médecins du GMF du Nord se rendent bien compte que leur souhait ne se réalisera peut-être pas aussi facilement qu’ils le croyaient au départ. Ils s’aperçoivent vite que la possibilité de résilier ou non leur bail sera déterminante pour la suite des choses. Le contrat légalement conclu est la loi des parties ! //