Nouvelles syndicales et professionnelles

Commission parlementaire sur le projet de loi no 11

les solutions de la FMOQ

Élyanthe Nord  |  2022-02-28

« Le projet de loi n° 11 ne contient aucune mesure structurante qui permettra un meilleur accès aux soins de première ligne. Ce n’est pas un projet de loi sur l’accès. C’est un projet de loi sur le contrôle étatique de la profession médicale qui ne fera que dévaloriser la pratique de la médecine familiale encore davantage », a soutenu le Dr Marc André Amyot, président de la Fédération des médecins omnipraticiens (FMOQ), le 1er février dernier devant la Commission de la santé et des services sociaux. Le groupe de travail se penchait sur la future Loi visant à augmenter l’offre de services de première ligne par les médecins omnipraticiens et à améliorer la gestion de cette offre.

Dr Marc-André Amyot

Aux yeux de la FMOQ, le projet de loi n° 11 n’est qu’une nouvelle version de la loi 20 de l’ex-ministre de la Santé, M. Gaétan Barrette. La nouvelle mesure législative autorisera, par exemple, la Régie de l’assurance maladie du Québec à transmettre au ministre de la Santé toutes les informations qu’il estime nécessaires dans l’exercice de ses fonctions. Elle permettra également d’élargir le type de renseignements que pourra divulguer la régie aux établissements de soins et aux départements régionaux de médecine générale, indique le mémoire de la Fédération.

Ainsi, « le projet de loi n° 11 modifie d’une manière importante le régime législatif en vigueur puisqu’il permettrait l’accès aux renseignements nominatifs concernant le profil de pratique des médecins, vraisemblablement afin de sévir contre ceux qui n’atteignent pas les objectifs de prise en charge du gouvernement. Les modifications qu’il introduit pavent la voie à une restriction sans précédent de l’autonomie professionnelle des médecins. Cet élargissement législatif tous azimuts au profit du ministre est pour nous inacceptable », souligne le document de la FMOQ.

Le projet de loi n° 11 prévoit en outre de nouvelles obligations pour les médecins de famille, comme celle de transmettre au ministre toutes leurs plages horaires de disponibilité. Les récalcitrants pourraient s’exposer à des sanctions financières.

Solutions de la Fédération

La Fédération reconnaît qu’il existe un important problème d’accès à un médecin en première ligne. Mais le projet de loi n’offre pas de solution, selon elle. Par contre, elle-même a suggéré plusieurs pistes. « Depuis l’été dernier, à la demande du ministre, nous avons proposé des mesures innovantes jamais mises sur la table afin d’améliorer l’accès à un médecin de famille. On parle d’inscription de groupe, d’inscription à une équipe de soins, de guichet d’accès populationnel », a expliqué le Dr Amyot aux membres de la Commission.

Le président a déjà présenté ces solutions à ses membres. « On a fait la tournée des associations régionales, cet automne, où, justement, on leur parlait de prise en charge de groupe, d’équipes de soins, de guichet d’accès pertinence, de collaboration interprofessionnelle, de révision du mode d’organisation. Les médecins ont répondu présents avec un esprit positif. Je leur mentionnais : “On ne peut pas continuer à faire les mêmes choses de la même façon et espérer un résultat différent”. Ils adhéraient à ça », a indiqué le Dr Amyot.

La situation actuelle est difficile. Il manque mille omnipraticiens et les effectifs en place ne peuvent à eux seuls répondre à tous les besoins de la population. « Ces besoins-là doivent être répartis sur d’autres professionnels, et non être orientés uniquement vers le médecin de famille. On parle des infirmières cliniciennes, des IPS, des travailleurs sociaux, des psychologues, des physiothérapeutes, des pharmaciens, des dentistes, des inhalothérapeutes, etc. On partage les besoins de la population entre les membres d’une équipe de soins et on ne réserve au médecin de famille que ce qui nécessite son expertise », a expliqué le Dr Amyot.

Le président estime ainsi que si les omnipraticiens font partie de la solution, ils ne peuvent être l’unique solution. À ses yeux, il est odieux de laisser entendre qu’ils sont la cause de tous les problèmes du système de santé.

Dénigrement

À l’automne, la situation s’est particulièrement dégradée entre le gouvernement et les omnipraticiens. « Le 19 octobre, le premier ministre, dans son discours inaugural, a remercié tous les travailleurs de la santé. Tous les travailleurs de la santé, sauf un groupe : les médecins de famille. Non seulement il ne les remerciait pas, mais il menaçait d’intervenir auprès de ceux qu’il jugeait insuffisamment productifs. Et boum ! Arrive le projet de loi 11, version actualisée de la triste loi 20. On ravive les obligations et les pénalités », a résumé le Dr Amyot, qui a assuré que les médecins de famille ne serviraient pas de boucs émissaires pour les problèmes et les ratés du réseau de la santé.

Les omnipraticiens ne comprennent par ailleurs pas le mépris du gouvernement à leur égard, a affirmé le président. « Malgré ce dénigrement-là, qu’est-ce qu’ils ont fait pendant la cinquième vague ? Ils ont fait la même chose que pendant toutes les autres vagues. Ils ont répondu présents au front, dans les unités COVID, à l’urgence, dans les cliniques COVID, dans les GMF et dans les cliniques médicales. Ils ont offert des rendez-vous populationnels à la clientèle qui n’avait pas de médecin de famille. Ils ont ouvert des plages pour transférer de l’urgence des patients P4 et P5 ayant des problèmes mineurs qui peuvent être traités dans des cliniques médicales pour laisser la place aux patients plus malades, aux patients COVID dans les salles d’urgence », a souligné le Dr Amyot.

Travailler ensemble

Le sentiment d’injustice, le manque de reconnaissance, les menaces risquent de se répercuter sur l’avenir de la médecine familiale. « Depuis 2013, c’est 400 postes de résidence en médecine familiale qui n’ont pas été pourvus. C’est 400 médecins, pour les trente prochaines années, qui ne seront pas là. Seulement l’an dernier, c’est 75 postes non pourvus. Et vous pensez que ça va être mieux cette année ? Je suis profondément inquiet », a affirmé le Dr Amyot. De plus, il estime que le projet de loi no 11 est discriminatoire. Il « s’attaque particulièrement aux femmes. Soixante-dix pour cent des médecins de famille de moins de 60 ans sont des femmes. Je ne peux concevoir que cela ne vous inquiète pas au plus haut point. Il est urgent d’agir avant qu’il ne soit trop tard ».

Malgré les tensions, les différends et les conflits, la Fédération veut participer à l’amélioration du réseau de la santé. « On tend la main au gouvernement afin de collaborer pour mettre en place des solutions concrètes pour les Québécois et respectueuses de la réalité des médecins de famille, dans un climat sain, exempt de menaces, exempt de coercition, exempt de pénalité, empreint de bonne foi, de bonne volonté et de collaboration au bénéfice de la population », a affirmé le président de la FMOQ. Il exhorte en outre le gouvernement à travailler avec les omnipraticiens pour valoriser la médecine familiale et la rendre plus attirante pour les étudiants. « Les Québécois méritent une telle concertation. » //