Nouvelles syndicales et professionnelles

Départ de la Dre Julie Lalancette, directrice de la Planification et de la Régionalisation

une contribution importante : l’amélioration de la gestion des effectifs médicaux

Élyanthe Nord  |  2022-03-30

Après cinq ans à la direction de la Planification et de la Régionalisation à la FMOQ, la Dre Julie Lalancette n’a pas renouvelé son mandat. La directrice, qui cesse de travailler à temps plein, part, mais en laissant derrière elle plusieurs contributions.

Dre Julie Lalancette

« Une des grandes réalisations de la Dre Lalancette est son apport à la plateforme de gestion des effectifs médicaux », explique la Dre Anne-Louise Boucher, qui lui a succédé. Créé par le ministère de la Santé, ce nouvel outil Web permettra de connaître presque en temps réel l’état des effectifs médicaux dans toutes les régions du Québec. Les chefs de DRMG, tout comme les chefs de département et de service des établissements, devront y indiquer de manière continue le nombre d’omnipraticiens qui exercent sur leur territoire : dans les GMF, les hôpitaux, les CLSC et les autres milieux de soins. La mise en œuvre de cette plateforme Web vient tout juste de commencer.

Dre Anne-Louise Boucher

« C’est un outil important qui va vraiment nous aider à savoir quelle est la force de travail sur le terrain dans une région et quels sont les endroits où il manque de médecins de famille », ajoute la Dre Boucher. Jusqu’à présent, les méthodes de calcul reposaient sur la facturation et donc sur des données d’il y a dix-huit mois, ce qui créait un décalage avec la réalité.

 

Les applications pratiques sont très intéressantes, explique la Dre Lalancette, qui a travaillé avec des directeurs du ministère de la Santé à la concrétisation de la plateforme. « Par exemple, si les responsables d’un établissement affirment avoir une rupture de service dans leur urgence et réclament des médecins de l’extérieur, nous allons pouvoir regarder sur la plateforme quels sont les effectifs dont ils disposent. Et si, à l’aide d’un comparatif, on voit qu’ils ont tiré le maximum de leurs équipes, on pourra leur fournir de l’aide. »

Mais comment savoir si les effectifs sur le terrain sont réellement insuffisants ? « Nous avons déterminé des valeurs de base, précise la Dre Lalancette. Un équivalent temps plein à l’urgence correspond à 151 quarts de garde. Donc, si le chef d’une urgence nous dit qu’il a besoin de médecins, nous allons regarder sur la plateforme combien y travaillent à temps plein. La première étape sera de demander à ceux qui y exercent à temps partiel d’augmenter leur nombre d’heures. La deuxième étape consistera à aller chercher dans les autres installations, et même dans les autres établissements, des omnipraticiens pour venir prêter main-forte. Enfin, quand tout le monde aura fait son effort, on pourra demander l’aide de médecins de l’extérieur et prévoir des dispositions spéciales pour les rémunérer. » La plateforme va ainsi permettre d’établir objectivement le manque de médecins et le risque de bris de service en deuxième ligne. « Elle offre un portrait lié à une norme », résume la Dre Lalancette.

Définir un équivalent temps plein

Dr Marc-André Amyot

Comment ont été fixées les règles définissant les équivalents temps plein ? L’exercice a été effectué dans chacun des domaines de pratique. « La Dre Lalancette a fait un travail colossal, dans le cadre de la loi 130, pour déterminer les équivalents temps plein dans les différents secteurs d’activité, affirme le Dr Marc-André Amyot, président de la FMOQ. Il fallait savoir combien un équivalent temps plein doit prendre en charge de lits d’hospitalisation, combien de gardes à l’urgence, combien de patients en CHSLD. »

Pendant un an, la direction de la Dre Lalancette a ainsi collaboré avec le ministère de la Santé pour définir des normes. « La Dre Boucher et moi avons organisé des groupes de discussion avec des médecins de toutes les régions pour confirmer les impressions que l’on avait. On a donc déterminé pour tous les secteurs d’activité hospitalière quelle devait être la charge moyenne d’un médecin à temps plein et on s’est entendu avec le gouvernement là-dessus. Ainsi, dans chacun des secteurs d’activité, on a une norme comparative. On peut donc se reposer sur des données, pas seulement sur des déclarations. J’en suis contente, parce que le Québec était très en retard par rapport à d’autres provinces et d’autres pays. »

Ces données constituent par ailleurs une mine d’or. « J’ai dit à mon équipe : “Chaque fois qu’on revendiquera des choses ou que l’on dénoncera des situations, on sera appuyé par des données et des faits que l’on aura rassemblés”. On a maintenant une méthode de cueillette de ces éléments. On n’utilisera plus seulement des déclarations. On augmente ainsi notre crédibilité. J’en suis très fière », mentionne la médecin.

Une expertise unique

Au cours des dernières années, la direction de la Planification et de la Régionalisation a ainsi acquis une expertise unique dans la gestion des effectifs médicaux. « On a repris la place qui nous appartenait, affirme la Dre Lalancette. On a appuyé nos impressions par un travail de fond et une analyse rétroactive des données. » Ce grand exercice a permis à l’équipe d’avoir une compréhension fine des situations complexes. Elle a d’ailleurs trouvé des réponses à des questions que l’on se posait depuis longtemps.

Par exemple, pourquoi la région de Québec, considérée comme une zone privilégiée bénéficiant de nombreuses dérogations, réclamait-elle constamment des effectifs médicaux additionnels ? Que se passait-il ? En analysant la gestion des effectifs des dix dernières années, la Dre Lalancette et ses collaborateurs ont compris.

« On a fondé la force de travail de la Capitale-Nationale sur des omnipraticiens qui revenaient des régions après un certain nombre d’années, dit l’ex-directrice. Mais ces médecins sont souvent moins actifs ou travaillent dans moins de secteurs d’activités. Ainsi, Québec, qui recrutait ces cliniciens principalement dans les établissements, s’est retrouvé avec des difficultés énormes sur le plan de la prise en charge des patients. Le guichet d’accès pour la clientèle orpheline en a pâti. »

La direction de la Planification ne fait par ailleurs pas qu’utiliser des données pour avoir un portrait juste de la situation. « Quand on présente des chiffres, il faut être capable de les appuyer par des exemples concrets. On doit montrer qu’ils correspondent à ce qui se passe sur le terrain », mentionne la Dre Lalancette. Tout un travail est donc nécessaire. « On ramasse les impressions, on collige les cas de figure, on met en lumière les incohérences. C’est très important. On peut ainsi faire des corrélations. On a réussi de cette manière à comprendre les failles et les faiblesses du système pas seulement en temps réel, mais aussi sur des bases antérieures. »

Une équipe forte

Au fil des ans, la Dre Lalancette a construit autour d’elle une équipe polyvalente aux compétences variées qui travaille en collaboration pour aider les médecins de famille. « Je ne voulais plus de silos d’expertise. Quand quelqu’un est devenu l’unique expert d’un sujet et qu’il n’est pas là, personne n’est capable de répondre aux questions. Je souhaitais une gestion plus souple et plus horizontale. Cette façon de fonctionner a un effet direct sur la qualité des services que l’on rend. »

L’ex-directrice a ainsi été bien épaulée. « La Dre Lalancette pensait en dehors du cadre. Quand on avait besoin d’idées ou qu’il fallait sortir des sentiers battus, elle était excellente. L’équipe la suivait ensuite avec confiance », affirme la Dre Boucher.

Le Dr Amyot connaît la Dre Lalancette depuis longtemps. Quand il a commencé à pratiquer dans Lanaudière, en 2001, elle était alors vice-présidente de l’Association des médecins de Laurentides–Lanaudière qu’il dirigera lui-même quelques années plus tard. « Elle a une grande capacité de s’élever au-dessus de la mêlée et d’avoir une vue d’ensemble de la situation », a-t-il remarqué. Elle aide depuis longtemps par ailleurs ses collègues. « Elle a toujours été engagée sur le plan syndical et dans la défense des intérêts des médecins de famille. » //