En fin... la facturation

Rémunération de certains tests de laboratoire

Michel Desrosiers  |  2022-03-30

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ.

L’accès limité à différents services de laboratoire avant la pandémie, et plus particulièrement pendant, a mené plusieurs cabinets à s’intéresser à la possibilité d’offrir certains tests diagnostiques eux-mêmes. L’épreuve de fonction respiratoire en est un. Quelles sont les répercussions et la rémunération associées à ces tests ?

Par ailleurs, la RAMQ a récemment effectué des vérifications de la facturation de l’enseignement de la mesure de la glycémie avec un glucomètre. Faites-vous partie de ceux qui ont eu des surprises ?

Épreuve de fonction respiratoire

L’évaluation des problèmes respiratoires est semée d’embûches. En effet, certains patients ont une bonne connaissance de leur état, mais d’autres jaugent souvent mal l’évolution de la situation de jour en jour. De plus, il peut être bien utile d’établir objectivement l’évolution de l’état des patients d’une année à l’autre pour ajuster les traitements et sensibiliser les patients au sort qui leur est réservé.

Un outil qui peut aider les patients à évaluer leur état d’un jour à l’autre est le débitmètre de pointe, qui mesure le débit expiratoire de pointe. Cet appareil étant peu coûteux, un patient peut s’en procurer un sans problème. Toutefois, le débit obtenu est fonction de l’effort du patient, et l’appareil ne permet pas d’évaluer la qualité de cet effort. Le débitmètre permet donc de suivre à court terme l’état du patient, mais a ses limites comme outil diagnostique ou pour effectuer un suivi d’une année à l’autre. La variation de l’effort du patient pouvant avoir un effet plus important sur la mesure que la maladie sous-jacente, il faut un meilleur outil pour effectuer l’évaluation diagnostique et assurer un suivi à plus long terme.

Pour les médecins dont les patients utilisent un débitmètre de pointe, ce service fait partie des actes inclus dans l’Annexe I du Préambule général. C’est donc dire qu’aucune rémunération spécifique n’est prévue pour effectuer une telle mesure ou l’interpréter : la rémunération est incluse dans celle de l’examen ou de la visite. En outre, si l’évaluation est faite en cabinet, les règles de la Loi sur l’assurance maladie prévoient que le médecin ne peut exiger de frais ni pour l’utilisation de l’appareil ni pour l’embout de carton jetable employé lors des mesures pour éviter le contact entre les lèvres du patient et l’embouchure de l’appareil.

Le médecin qui voudra effectuer un suivi plus précis ou prendre des mesures permettant de poser un diagnostic devra s’équiper d’un appareil plus cher. Les prix ont diminué dernièrement, car une bonne partie de l’analyse peut être effectuée par un ordinateur portable ou un téléphone intelligent, ce qui réduit le coût des composantes électroniques. En plus d’afficher des valeurs de débit de pointe, ces appareils mesurent la capacité vitale forcée, le volume expiratoire maximal par seconde et le débit maximal médian. Ils produisent aussi une courbe débit-volume. Ces éléments sont d’ailleurs les exigences minimales pour pouvoir facturer l’exécution de ces tests et leur interprétation.

Notez qu’il y a deux rémunérations possibles (rôle 7 ou 8) selon respectivement que le médecin effectue le test et en interprète le résultat (rôle 7) ou qu’il se limite à en interpréter le résultat (rôle 8). En plus d’être versée seulement en cabinet, cette rémunération diffère selon que l’épreuve a lieu avant l’administration d’un bronchodilatateur ou après. Pour l’épreuve prébronchodilatateur (code 00384), le tarif est de 8,65 $ pour le rôle 7 et de 5,40 $ pour le rôle 8. Pour l’épreuve post-bronchodilatateur (code 00382), les tarifs respectifs sont de 9,30 $ et de 5,25 $. Le médecin qui effectue ou interprète les deux tests peut réclamer les deux codes. Enfin, si le médecin évalue un patient, fait lui-même les épreuves et prescrit ensuite le traitement après l’interprétation, le tout de façon continue, il pourrait plutôt envisager de réclamer l’intervention clinique s’il a eu besoin d’au moins 25 minutes.

En ce qui a trait à la rémunération du rôle 7 (test et interprétation), l’exigence de participer au test n’est pas balisée. Néanmoins, l’arbitre d’un différend a tranché : le médecin devait être présent et participer à l’exécution d’au moins une partie de l’examen pour être en droit de réclamer l’exécution et l’interprétation. Pour réclamer la rémunération du rôle 7, le médecin ne peut donc pas se limiter à prescrire le test et à rémunérer le personnel qui le fait à sa place. Selon l’arbitre dans la cause en question, l’existence de deux tarifs, dont un pour la simple interprétation, jumelée à la Loi sur l’assurance maladie énonçant que les services assurés doivent être effectués par le professionnel, écarte toute possibilité de ne pas participer au test. En pareil cas, le médecin qui interprète le test ne peut réclamer que le rôle 8 (interprétation seulement).

La rémunération de la mesure du débit expiratoire de pointe à l’aide d’un débitmètre est incluse dans l’examen ou la consultation. Aucune rémunération supplémentaire n’est prévue pour ce service.

On peut donc se demander si la faible rémunération du rôle 7 justifie que le médecin consacre du temps à effectuer le test en question. Même la rémunération du rôle 8 semble insuffisante pour rétribuer le personnel qui fait l’examen, sans compter le coût de l’appareil et des fournitures. Si les tests effectués en GMF le sont par du personnel fourni dans le cadre du programme des GMF (qui n’est donc pas rémunéré par le GMF), il pourrait alors être raisonnable de se limiter au rôle 8 pour l’interprétation simple.

En plus du coût d’acquisition de l’appareil même, il ne faut pas oublier l’achat de filtres jetables pour éviter la contamination de l’appareil à chaque usage. Ces filtres coûtent entre 1 $ et 2 $ chacun. Quand on compare tous ces coûts aux honoraires du rôle 8, on peut se demander pourquoi ces appareils suscitent autant d’intérêt.

Il est possible que l’établissement du territoire accepte de fournir les filtres afin de réduire la pression sur ses services de laboratoire. Toutefois, ce sont des solutions régionales ou locales. En effet, le ministère ne demande pas aux établissements d’assumer le coût de ces fournitures. Lorsque les filtres ne sont pas fournis par l’établissement local, le médecin (ou la clinique) ne peut pas en réclamer le coût aux patients.

Ceux qui décident tout de même de se lancer dans l’exécution de ces tests devraient être bien conscients de la rémunération limitée prévue lorsque les épreuves sont faites par du personnel, et non par le médecin, et du coût des fournitures jetables nécessaires qui ne peuvent pas être facturées aux patients.

Glucométrie

Au courant de l’été 2021, la RAMQ a demandé à plusieurs médecins de lui fournir leurs notes pour la facturation de la glucométrie (code 09313, tarif : 34,65 $), soit l’enseignement de la mesure de la glycémie capillaire au plus une fois par patient par année.

Que devriez-vous noter à votre dossier et que devriez-vous faire lorsque vous effectuez ce service ? D’abord, c’est vous qui devez faire l’enseignement au patient. Vous ne pouvez confier cette tâche à votre personnel et facturer ensuite le service. Les services assurés sont ceux qu’effectue lui-même le médecin. Lorsque le médecin est rémunéré pour la supervision de son personnel, le libellé le spécifie. Il est donc important que le médecin fasse l’enseignement lui-même et qu’il l’indique au dossier.

En ce qui a trait à la forme que doit prendre l’enseignement, l’Entente n’est pas très spécifique. Le médecin doit donc évaluer quelle information est essentielle pour s’assurer que les mesures prises par le patient seront fiables. Sans statuer sur l’ensemble des éléments essentiels, il est raisonnable de croire que le patient doit comprendre l’importance de la vérification des dates de péremption des bandelettes, du lavage des mains avant d’exécuter la technique, du regroupement du matériel dont il a besoin avant de procéder (lancette, ouate, bandelettes). De plus, il doit savoir où se piquer pour obtenir une goutte de sang et réduire la douleur subséquente, quelle grosseur de goutte est requise, quand mettre l’appareil en marche, où insérer la bandelette et combien de temps attendre avant de lire le résultat. Certains voudront possiblement demander au patient d’effectuer une lecture en leur présence, surtout si le patient ne l’a jamais fait ou que ses valeurs des dernières semaines sont problématiques. Dans d’autres cas, par exemple quand les patients utilisent un tel appareil depuis des années sans problèmes apparents, le médecin révisera plutôt des points importants. N’oubliez pas que les utilisateurs de capteurs cutanés peuvent avoir besoin d’un glucomètre pour valider des lectures qui ne correspondent pas à leur état clinique. La révision de la technique de glucométrie demeure donc pertinente.

Afin de réduire le plus possible les explications additionnelles à fournir à la RAMQ en cas de vérification, des notes indiquant ce que vous avez fait seront d’un grand secours. Quatre éléments sont essentiels pour évaluer votre droit aux honoraires : le fait que vous avez effectué le service vous-même, la nature de l’appareil utilisé si c’est pertinent, le type d’explications données et si vous avez supervisé le patient pendant l’exécution de la mesure au cours de la visite. Si vous avez un dossier médical électronique, vous pouvez vous faire un gabarit des éléments que vous passez systématiquement en revue avec les patients lors de cet enseignement. Si vous vous en tenez à une indication plus sommaire (enseignement et révision avec le patient des éléments essentiels de la technique de glucométrie), la RAMQ pourrait, en cas de contrôle, vous demander de lui expliquer quels éléments sont ainsi révisés.

Certains patients diabétiques peuvent avoir des problèmes de vision ou des difficultés à exécuter le test eux-mêmes. Il sera alors utile d’enseigner la technique au proche aidant. Toutefois, le patient devra participer, car le libellé ne prévoit pas la rémunération de l’enseignement au proche aidant seul.

Cet article vous a été utile pour éviter des problèmes pos­si­bles avec la RAMQ ? Tant mieux ! Le mois prochain, nous traiterons du mode des honoraires fixes. D’ici là, bonne facturation ! //