Éditorial

Reprenons l’initiative de l’organisation des soins

Marc-André Amyot  |  2022-05-31

Au cours des dernières années, les médecins de famille ont été plus souvent qu’à leur tour choqués et déçus des intentions du gouvernement. Vision à court terme, technocratisation de la pratique, menaces d’imposition de « quotas », dénigrement et j’en passe. En plus de dévaloriser notre profession, ces éléments contre-productifs ont aussi fragilisé encore plus la première ligne.

Aujourd’hui, nous en mesurons toutes les conséquences, près d’un million de Québécois étant à la recherche d’un médecin de famille. À ce moment-ci, il nous semble donc primordial de reprendre l’initiative de l’organisation des soins de première ligne et de participer à la mise en place de solutions innovantes et durables. Pourquoi ? Pour offrir aux médecins de famille les meilleurs paramètres de pratique possibles, pour contribuer à l’amélioration de l’accès à la première ligne et pour permettre aux médecins de famille d’exercer dans un environnement sain et exempt de menaces.

Amélioration des paramètres de pratique

Si l’accès à la première ligne ne s’améliore pas et que le gouvernement continue à en faire porter le fardeau aux seuls médecins de famille, quelle sera la suite ? Cette fâcheuse tendance se doit donc d’être renversée, et nous nous y sommes résolument attelés au cours des derniers mois, notamment dans le cadre du contre-productif projet de loi no 11. À l’aide d’alliés du réseau, nous avons réussi : 1) à faire en sorte que l’offre de soins de première ligne repose sur un ensemble de professionnels de la santé, et non uniquement sur les médecins de famille ; 2) à mettre de l’avant le guichet d’accès à la première ligne (GAP). Maintenant, nous devons déployer cette vision concrètement. En ce sens, si les médecins de famille ne font pas partie de la solution, il est peu probable que le gouvernement persiste dans cette direction. Il n’y parviendra pas sans notre leadership.

Amélioration de l’accès à la première ligne

Nous avons tous, avec les autres professionnels du réseau, une responsabilité sociale collective à assumer, qu’il faut bien entendu conjuguer à notre capacité de soigner. Pour y parvenir efficacement, nous devons transformer certaines de nos manières de faire. Voici trois pistes prometteuses que nous proposons d’explorer : 1) revoir notre organisation du travail et privilégier l’interprofessionalisme ; 2) favoriser l’inscription à un groupe de médecine de famille (et non l’inscription individuelle) liée à un guichet d’accès ; 3) bonifier l’offre de consultation sans rendez-vous, notamment en GMF-A et GMF-R. Cette période de turbulence que nous connaissons pourrait être une occasion à saisir pour transformer les choses de manière structurante. Parallèlement, il faudra continuer à exercer une pression constante sur les décideurs publics pour qu’ils respectent leurs engagements à nous aider à rendre le suivi plus fluide, moins lourd et plus valorisant.

Amélioration du climat de pratique

Ces enjeux ne doivent jamais nous faire oublier que la désormais triste loi no 20, reposant sur des mesures coercitives et pénalisantes, a été adoptée par l’Assemblée nationale. Certaines de ses dispositions pourraient donc être appliquées à tout moment par un gouvernement dénué de vision et mal intentionné. Ne pas faire partie de la solution, c’est avoir constamment une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes. Au contraire, reprendre l’initiative, c’est tenter de construire un espace de collaboration sans contrainte ni pénalité, sur la base d’une participation volontaire.

Je suis persuadé que la revalorisation de notre profession passera notamment par les trois axes suivants : une pratique de la médecine familiale au Québec s’inscrivant dans des paramètres plus favorables, notre capacité à contribuer aux efforts collectifs pour améliorer l’accès à la première ligne et l’occasion d’évoluer dans un milieu de travail sain et positif.

Saisissons l’occasion !

 

Le 17 mai 2022

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Le président,
Dr Marc-André Amyot