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Santé mentale

l’activité physique ? Un peu est parfois très bien

Élyanthe Nord  |  2022-07-27

Pratiquer une activité physique, même une dizaine de minutes par jour, diminuerait le risque de dépression. « Les professionnels de la santé devraient donc encourager toute augmentation de l’activité physique pour améliorer la santé mentale », estiment les chercheurs.

Pre Isabelle Doré

L’activité physique, même en petites doses, peut réduire le risque de dépression. Il ne serait ainsi pas nécessaire, pour voir certains bienfaits sur la santé mentale, d’effectuer les 150 minutes par semaine recommandées1.

La relation entre activité physique et dépression n’est en réalité pas directement proportionnelle. La plus grande partie de l’effet de l’exercice apparaît quand on passe d’aucune activité à une faible quantité. Ensuite, à mesure que l’on bouge davantage, les effets sur la santé mentale s’accroissent moins vite.

C’est le Pr Matthew Pearce, de l’Université de Cambridge, et ses collaborateurs qui ont découvert la forme curvilinéaire de cette association dose-réponse marquée par une forte croissance dans la zone des faibles quantités d’activité physique. Les chercheurs sont parvenus à ces résultats, publiés dans le JAMA Psychiatry, en effectuant une méta-analyse rassemblant quinze études de cohortes prospectives comprenant plus de 190 000 sujets2.

« Un volume cumulatif d’activités équivalant à 2,5 heures par semaine de marche rapide a été associé à une diminution de 25 % du risque de dépression et, à la moitié de cette dose, le risque était réduit de 18 % par rapport à l’absence d’activité. Seulement de petits avantages additionnels ont été observés à des volumes plus élevés », indiquent dans leur article le Pr Pearce et ses collaborateurs.

Ainsi, les sujets qui n’effectuaient que 75 minutes d’activité physique hebdomadairement obtenaient quand même une grande part des bienfaits sur la santé mentale. « C’est la première fois que l’on montre que même de faibles quantités d’activité physique permettent d’obtenir une réduction statistiquement significative du risque d’apparition du trouble dépressif », affirme la Pre Isabelle Doré, qui enseigne à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de l’Université de Montréal.

Sur le plan clinique, ces résultats pourraient être très utiles. Car 75 minutes d’activité physique modérée par semaine correspondent à seulement 11 minutes par jour. « Ces données sont novatrices et très intéressantes parce que, pour les personnes inactives, les 150 minutes d’activité physique modérée ou vigoureuse recommandées peuvent sembler très décourageantes. Pour elles, faire de 10 à 15 minutes d’activité physique par jour est beaucoup plus accessible », affirme la Pre Doré, épidémiologiste spécialisée en kinésiologie.

La Pre Doré n’est pas totalement étonnée des conclusions de la méta-analyse. « Ces dernières années, ce qui a beaucoup émergé dans la littérature, c’est que même de petites séances d’activité physique de 10 minutes, et parfois même moins, entraînent des bienfaits sur la santé. Elles doivent cependant être répétées régulièrement. On sait donc qu’on n’a pas besoin de faire une demi-heure ou une heure d’activité physique continue pour obtenir des effets sur plusieurs indicateurs de santé. »

Mais comment convaincre des patients sédentaires de devenir plus actifs ? « On peut leur suggérer des trucs aussi simples que de marcher quand ils sont au téléphone. Les personnes âgées qui, par exemple, appellent leurs enfants ou un ami tous les jours peuvent le faire en marchant dans la maison ou dans le jardin, et éventuellement, en faisant le tour du pâté de maisons. Chaque fois qu’il y a une pause publicitaire à la télévision, elles peuvent également se lever et marcher. Ces gens peuvent ainsi intégrer plusieurs petites séances d’activité physique dans la journée. »

Autres aspects de la santé mentale

Les effets de l’activité physique sur la santé mentale sont bien établis, explique la Pre Doré. « L’activité physique réduit grandement les symptômes dépressifs, mais aussi le stress, la détresse psychologique et les symptômes anxieux. » Est-ce que ces autres aspects de la santé psychologique sont eux aussi sensibles à de petites quantités d’activité physique ? On l’ignore encore.

Néanmoins, on sait que plus on augmente le volume d’activité physique, même sans atteindre les recommandations officielles, plus on réduit le risque non seulement de dépression, mais aussi d’apparition de symptômes dépressifs anxieux ou liés au stress. « Et ça, c’est excessivement intéressant », estime la chercheuse. L’activité physique a une action bienfaisante sur la santé mentale, notamment grâce au renforcement de l’estime de soi et de la maîtrise de soi.

Bienfaits sociaux

Les effets positifs de l’activité physique reposent non seulement sur des mécanismes psychologiques et biologiques, mais souvent aussi sociaux. Les bienfaits sur la santé mentale seraient ainsi plus intenses chez les gens qui s’entraînent en groupe ou avec une autre personne.

« Plusieurs études ont montré que l’activité physique pratiquée au sein d’une équipe sportive est associée à des bienfaits supérieurs à ceux de l’activité physique effectuée sur une base individuelle », explique la Pre Doré qui s’intéresse particulièrement à ce sujet. L’activité physique agirait positivement sur la santé mentale et la réduction des symptômes anxieux et dépressifs en favorisant entre autres le soutien social et le sentiment d’appartenance.

Ces avantages seraient manifestes même dans des cours, comme ceux de yoga, où chacun pratique seul les exercices. « Les gens ont l’impression de faire partie d’un groupe et ont des occasions d’avoir des interactions sociales. Ils se construisent ainsi un réseau de soutien qui pourra les aider à améliorer leur bien-être et, dans une situation difficile ou stressante, à réduire leurs symptômes anxieux et dépressifs. »

L’activité physique permet ainsi d’améliorer le bien-être sur différents plans. « En faire beaucoup, c’est bien, mais même de petites séances d’intensité légère à modérée sont bénéfiques. Je pense que c’est vraiment la clé pour certains », estime la professeure. //

Bibliographie

1. Canadian Society for Exercise Physiology (CSEP). Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures pour les adultes âgés de 18 à 64 ans. Ottawa : CSEP ; 2021. https://tinyurl.com/2p8j6j8w

2. Pearce M, Garcia L, Abbas A et coll. Association between physical activity and risk of depression: a systematic review and meta-analysis. JAMA Psychiatry 2022 ; 79 (6) : 550-9. DOI : 10.1001/jamapsychiatry.2022.0609.