Entrevues

Entrevue avec le président de l’association du Sud-Ouest

le secret d’un haut taux de soins palliatifs à domicile et d’un GMF-U attractif

Élyanthe Nord  |  2023-03-31

Le Dr Sylvain Dufresne, président de l’Association des médecins omnipraticiens du Sud-Ouest, aime les bonnes nouvelles. Et il en a plusieurs concernant sa région : des soins palliatifs à domicile performants et un GMF-U qui plaît aux jeunes médecins.

M.Q. — Quelles bonnes nouvelles pouvez-vous nous annoncer concernant votre région ?

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S.D. – Ma première bonne nouvelle touche les soins palliatifs. Dans la Montérégie Ouest, en 2021–2022, 49 % des patients qui recevaient des soins palliatifs étaient traités à la maison alors que la cible provinciale est de 30 %. Ce service a commencé par être offert dans une de nos quatre sous-régions, le Haut-Saint-Laurent, qui est parvenu à garder à domicile 57 % des patients en fin de vie. Cette façon de faire s’est ensuite propagée à Vaudreuil-Soulanges qui a atteint le même taux. Nos deux autres sous-régions, Jardins-Roussillon et le Suroît réussissent, de leur côté, à offrir ce service à plus de 40 % des patients qui en ont besoin.
Ces soins sont prodigués par les médecins de CLSC, mais il leur serait impossible de parvenir à de tels résultats sans la collaboration des autres omnipraticiens de la région. Les cliniciens des hôpitaux, par exemple, communiquent rapidement avec eux lorsqu’ils ont un cas. Dans les cliniques, avec leur soutien, les médecins de famille commencent les premières étapes des soins palliatifs à la maison. Grâce à cette grande coopération, nous avons un taux de soins de fin de vie à domicile assez impressionnant, même si nous manquons de médecins et que le CISSS de la Montérégie ne nous fournit que peu de ressources.

M.Q. — Comment cela se passe-t-il sur le terrain ?

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S.D. – J’ai moi-même eu des patients qui désiraient avoir des soins palliatifs à la maison. Le temps que l’équipe du CLSC les prenne en charge, je m’en suis occupé en collaboration avec une infirmière. Cette dernière allait voir le patient à domicile et me téléphonait. J’appelais ensuite un des médecins du CLSC qui m’épaulait. Sans cette aide, je n’aurais peut-être pas pu accompagner mes patients dans les premières étapes de leurs soins palliatifs.

M.Q. — Quelle est l’autre bonne nouvelle au sujet de votre région ?

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S.D. – Un autre élément qui fonctionne bien sur notre territoire est le GMF–U Jardins-Roussillon. Il est très populaire auprès des jeunes médecins. L’équipe en place, en collaboration avec le département régional de médecine générale (DRMG), réussit à les attirer et à les garder. Quand un nouveau médecin arrive, il a droit, par exemple, à une tournée de toutes les ressources sociales de la région. Un responsable du DRMG lui fait visiter les services municipaux, paramunicipaux et gouvernementaux de même que les organismes communautaires. Les jeunes médecins ont donc un contact direct avec les gens qui s’occupent de ces services. Ils sortent ainsi du GMF-U et voient tout l’environnement sociocommunautaire de la région. Ils apprennent à travailler avec des ressources extérieures et tissent des liens avec la collectivité.

M.Q. — C’est une formule intéressante.

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S.D. – On voudrait reproduire ce modèle dans le nouveau GMF-U qui devrait ouvrir à Vaudreuil l’année prochaine. Des médecins du CLSC et de notre association travaillent ensemble à le mettre sur pied depuis plus de deux ans. Il sera rattaché au futur hôpital qui sera normalement inauguré en 2026. Ce GMF-U sera d’autant plus crucial que le nouveau centre hospitalier demandera des ressources alors qu’il y a une pénurie de médecins dans notre région. On espère qu’en suivant le modèle du GMF-U Jardins-Roussillon, nous parviendrons à amener et à retenir des résidents qui contribueront au développement de l’hôpital. Ce GMF sera important pour notre attractivité.
La pénurie de médecins dans nos quatre sous-régions peut passer inaperçue parce que notre guichet d’accès à un médecin de famille n’est pas plein. Il ne reflète pas vraiment le manque de main-d’œuvre médicale. Cependant, quand on regarde les ratios médecin/patients, ils sont épouvantables pour une région si près de Montréal.

M.Q. — Vous avez sonné l’alarme avant les élections.

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S.D. – Oui. Quand j’ai fait ma tournée des politiciens l’automne dernier, pendant la campagne électorale, je leur ai montré, chiffres à l’appui, qu’il serait excessivement difficile de mettre sur pied un hôpital à Vaudreuil avec les ressources que nous avions. Si on ouvre un centre hospitalier dans cette ville, on risque d’avoir à fermer le secteur des hospitalisations dans celui de Valleyfield. J’ai expliqué aux candidats les enjeux avec de vraies données.
Si on veut être sarcastique, on peut dire qu’il y a un hôpital qui fonctionne très bien dans notre région : celui d’Hawkesbury, en Ontario. On y envoie d’ailleurs nos patients pour y passer des tests, voir des spécialistes et consulter à l’urgence. Du côté québécois, les urgences de nos trois hôpitaux débordent, parce qu’on manque de lits. On manque aussi de médecins et d’infirmières. On manque de tout. Pour ce qui est des consultations avec les spécialistes, à cause des règles du Centre de répartition des demandes de service, les résidents de la Montérégie ne peuvent pas aller à Montréal, sauf s’il s’agit de surspécialistes. Mais grâce au ciel, on a un hôpital en Ontario qui arrive à nous fournir ce que le Québec ne parvient pas à nous donner ! Et en plus, nous recevons rapidement les rapports de consultation qui, en outre, sont lisibles.

M.Q. — L’entente des omnipraticiens doit être renégociée avec le gouvernement. Quelles sont les demandes de vos membres ?

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S.D. – Nous avons effectué un sondage l’année dernière. De plus, plusieurs médecins nous ont parlé directement. Au conseil d’administration, nous avons aussi invité des membres pratiquant dans divers secteurs à nous expliquer leurs besoins. Nous avons ensuite fait une synthèse des demandes.
Si on commence par les médecins d’urgence, ce qu’ils réclament, c’est « à travail égal et à compétence égale, salaire égal avec les spécialistes ». Pour les médecins qui exercent dans les unités de soins hospitalières, il est important que leur secteur reste attrayant pour les médecins de famille. Il faut donc que la rémunération de la pratique dans les différents domaines, que ce soit à l’urgence, en soins à domicile ou à l’hôpital, soit équitable pour éviter un déséquilibre.

M.Q. — Et dans les cabinets ?

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S.D. – C’est là où il y a le plus de demandes. Les médecins m’ont beaucoup parlé de l’autonomie des GMF et de l’imputabilité des CIUSSS vis-à-vis des GMF. Ils veulent pouvoir gérer le budget de leur GMF et engager leur personnel sans avoir à passer par les CISSS. S’ils doivent faire affaire avec les CISSS et que ces derniers ne fournissent pas le personnel dont ils ont besoin, ils désirent recevoir les sommes qui y sont rattachées. Les nouvelles mesures de rehaussement des ressources professionnelles dans les GMF et les GMF-R viennent cependant de répondre à cette demande.
Le deuxième point concerne les tâches médico-administratives. Beaucoup de médecins se plaignent d’avoir à remplir de plus en plus de formulaires : des formulaires gouvernementaux, des formulaires de demande de médicaments d’exception, etc. Et ce travail n’est pas rétribué. La demande qui revenait le plus était d’éliminer le plus de tâches médico-administratives possible et de rémunérer adéquatement celles qui restent.
Parmi nos autres grandes priorités, il y a également l’obtention d’une rémunération plus adéquate pour les médecins des soins à domicile, des soins palliatifs à domicile et surtout des CHSLD. Il s’agit de secteurs essentiels pour la société. La pandémie en a révélé l’importance. Nos consultations nous ont donc permis de faire le tour des besoins des médecins de famille de notre région.