Nouvelles syndicales et professionnelles

Activité physique intense de moins d’une minute

diminution du risque de cancer

Élyanthe Nord  |  2023-10-01

Il ne serait pas nécessaire de faire 2,5 heures d’exercice intense par semaine pour obtenir des effets bénéfiques sur l’organisme. Des micropériodes d’activités de la vie quotidienne faites vigoureusement pourraient aussi être salutaires.

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Votre patient a peu de chance d’effectuer 150 minutes d’activité physique d’intensité élevée par semaine ? Cependant, peut-être pourrait-il en faire cinq minutes par jour, par tranches... d’une minute ou moins. Monter un escalier, marcher très rapidement quelques dizaines de secondes. Un cumul quotidien de 4,5 minutes d’activités physiques d’intensité vigoureuse serait associé à une réduction de 31 % du risque de cancers liés à la sédentarité.

Cette découverte, publiée dans le JAMA Oncology, vient de l’analyse d’une sous-cohorte de 22 398 sujets de la UK Biobank portant un accéléromètre au poignet1. Seuls ceux qui avaient déclaré être inactifs au début de l’étude ont été inclus. Âgés en moyenne de 62 ans, pour la plupart de race blanche, ils ont été suivis pendant 6,7 ans.

Les chercheurs, M. Emmanuel Stamatakis, d’Australie, et ses collaborateurs, se sont aperçus que parmi les participants, beaucoup effectuaient de courtes périodes d’activité physique intense, généralement d’une minute ou moins. Chez ceux qui en accumulaient 4,5 minutes par jour, l’incidence de l’ensemble des cancers était réduite de 20 % et celle des cancers liés à l’inactivité physique (encadré), de 31 % par rapport aux participants qui n’effectuaient pas de pointes d’activité physique vigoureuse. Par ailleurs, plus le total cumulé d’exercice intense était élevé, plus le risque des sujets était diminué.

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« Les recommandations actuelles, qui reposent sur des durées de 150 minutes d’activité physique d’intensité moyenne ou élevée (ou même de 90 minutes selon les dernières lignes directrices pour les personnes atteintes de cancer2), sont souvent difficiles à atteindre pour la majorité des gens. L’idée de regarder l’effet de petites périodes sporadiques et intenses d’activités physiques dans la journée sur les risques de cancer est donc vraiment intéressante », estime la Pre Isabelle Doré, professeure adjointe à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de l’Université de Montréal.

Les résultats sont impressionnants, affirme par ailleurs la chercheuse, qui travaille également au Centre de recherche du CHUM. « Surtout quand on sait que deux Canadiens sur cinq auront un diagnostic de cancer au cours de leur vie. »

Quel est le minimum d’activité à effectuer par jour ? C’est 3,4 minutes pour réduire le risque de l’ensemble des cancers et 3,7 minutes pour les cancers liés à la sédentarité. « L’activité physique vigoureuse intermittente quotidienne dans la vie de tous les jours peut être une intervention prometteuse pour la prévention du cancer chez les populations non motivées ou incapables de faire de l’exercice pendant leurs loisirs », indiquent les auteurs dans leur article.

De nouvelles perspectives

L’étude de l’équipe de M. Stamatakis a été très bien conçue. « Il faut absolument des accéléromètres pour capter d’aussi courtes périodes d’activités physiques d’intensité élevée dans la journée. Aucun questionnaire ne peut le faire », explique la Pre Doré. Elle connaît d’ailleurs de réputation les auteurs. « Il y a à peu près tous les experts mondiaux dans le domaine : Emmanuel Stamatakis, Christine Friedenreich, Andrew Atkin, etc. »

La cohorte de leur étude, toutefois, était composée de 96 % de sujets blancs. « Les résultats s’appliquent donc vraiment à une population de race blanche. On sait que la pratique de l’activité physique et le risque de cancer varient selon l’origine ethnique », souligne la professeure.

L’étude ouvre néanmoins de nouvelles perspectives en prévention. « De telles données ont un gros effet, estime la Pre Doré. Elles rendent le changement de comportement plus accessible pour certaines personnes moins motivées ou enclines à faire de l’activité physique. Je pense que l’on peut les motiver en leur disant qu’il ne faut pas nécessairement faire de très longues séances d’activités physiques quotidiennement, mais s’assurer d’atteindre une intensité élevée à quelques reprises dans la journée. »

Quelles activités peut-on recommander ? Il y a évidemment la marche. « Pour parvenir à une intensité vigoureuse, il faut toutefois qu’elle soit effectuée à un rythme très rapide. Il doit être difficile de tenir une conversation. Marcher dans la maison n’est donc pas suffisant. Par contre, on peut monter les escaliers chez soi. » Les gens qui font du vélo, eux, peuvent grimper une petite côte, ceux qui nagent peuvent avancer plus vite pendant quelques secondes ou minutes.

Réduction du taux de mortalité

Les bienfaits de périodes d’activités brèves, intenses et sporadiques iraient par ailleurs au-delà de la réduction du risque de cancer. Dans une étude précédente, M. Stamatakis et ses collaborateurs ont montré, chez les personnes qui effectuaient un total de 4,4 minutes d’activité physique vigoureuse intermittente par jour, une diminution du risque de :

h 26 %-30 % de mortalité totale ;
h 26 %-30 % de décès par cancer ;
h 32 %-34 % de mort d’origine cardiovasculaire3.

« Ces résultats indiquent que de petites quantités d’activité physique vigoureuse faite en dehors de la pratique de l’exercice sont associées à une réduction substantielle de la mortalité », mentionnent les auteurs.

Phénomène encore plus étonnant, cette diminution du risque serait de la même ampleur que celle qui est liée aux activités physiques d’intensité élevée chez les personnes actives. Les chercheurs ont effectué une seconde analyse chez 62 344 participants de la UK Biobank faisant de l’exercice. « Les activités physiques vigoureuses intermittentes faites dans la vie de tous les jours par les personnes qui ne font pas d’exercice semblent produire des associations bénéfiques semblables à celles des activités physiques vigoureuses chez les gens qui font de l’exercice », notent M. Stamatakis et ses collègues.

Toutes ces données marquent-elles un tournant dans la conception des bonnes habitudes de vie ? « Je pense que oui, dans la mesure où elles nous permettent de nuancer les recommandations actuelles sur l’activité physique, indique la Pre Doré. On pourrait dire que la cible de 150 minutes par semaine d’activité physique d’intensité modérée ou élevée, ou même de 90 minutes, existe toujours, mais que de brèves périodes d’activités physiques d’intensité vigoureuse procurent aussi beaucoup de bienfaits. » //

Bibliographie

1. Stamatakis E, Ahmadi M, Friedenreich C et coll. Vigorous intermittent lifestyle physical activity and cancer incidence among nonexercising adults: The UK Biobank accelerometry study. JAMA Oncol 2023 ; e231830. DOI : 10.1001/jamaoncol.2023.1830 (publié initialement en ligne).

2. Campbell K, Winters-Stone K, Joachim Wiskemann J et coll. Exercise guidelines for cancer survivors: Consensus statement from International Multidisciplinary Roundtable. Med Sci Sports Exerc 2019 ; 51 (11 ) : 2375–90. DOI :10.1249/MSS.0000000000002116.

3. Stamatakis E, Ahmadi M, Gill J et coll. Association of wearable device-measured vigorous intermittent lifestyle physical activity with mortality. Nat Med. 2022 ; 28 (12) :2521-9. DOI :10.1038/s41591-022-02100-x.