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Le TDAH fluctuant

Une nouvelle variante du TDAH

Élyanthe Nord  |  2023-10-01

De récentes études révèlent que l’évolution du TDAH pourrait, chez certains jeunes patients, être marquée par des périodes de rémission et de rechute.

Dr Shuvo Ghosh

Un nouveau concept est en train d’émerger dans le monde du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) : le TDAH fluctuant. Cette variante, qui pourrait concerner un nombre assez important de cas, ne suivrait pas l’évolution classique de l’affection. Elle serait caractérisée par des phases où le jeune patient répond aux critères du TDAH et d’autres où il ne les remplit plus.

« Un tel diagnostic de TDAH fluctuant chez l’enfant et l’adolescent pourrait indiquer une évolution naturelle s’apparentant davantage à des troubles de l’humeur cycliques ou à une sensibilité marquée à des changements environnementaux qui se produisent au cours du développement », indiquent le Dr Luke Norman et ses collaborateurs, des National Institutes of Health, qui se sont penchés sur le phénomène.

Le TDAH est habituellement considéré comme un trouble neurodéveloppemental apparaissant durant l’enfance et au cours duquel les symptômes décroissent de manière constante jusqu’à l’âge adulte ou restent stables. Cependant, en 2021, Mme Margaret Sibley et son équipe montrent que chez 64 % des 558 jeunes patients de la cohorte Multimodal Treatment Study of Children with ADHD (MTA), le diagnostic fluctue avec l’âge. Les participants connaissent des périodes de rémission partielles ou totales et des rechutes1.

Le Dr Norman et ses collègues se sont demandé si le même phénomène apparaissait dans d’autres cohortes. Ils en ont étudié trois composées de jeunes patients atteints du TDAH : une recrutée sur une base populationnelle, une autre sur une base clinique et une dernière sur une base régionale (encadré). Tous les sujets, dont l’âge allait généralement de 9 à 12 ans, ont passé au moins trois évaluations au cours du suivi2.

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La conclusion : le phénomène du TDAH fluctuant semble bel et bien exister. Mais il ne concernait pas la majorité des participants au sein des trois cohortes. La proportion des sujets touchés variait de 17 % à 29 % (encadré). La présence du TDAH fluctuant restait manifeste même quand les chercheurs tenaient compte de la prise des médicaments et des maladies concomitantes ou utilisaient une définition plus stricte du TDAH. « Le groupe fluctuant n’était pas composé de participants dont l’état alternait entre être juste en dessous et juste au-dessus des seuils de diagnostic », précisent en outre le Dr Norman et ses collaborateurs dans leur article.

Un TDAH fluctuant était par ailleurs plus souvent détecté chez les sujets qui avaient passé un plus grand nombre d’évaluations. Cela pourrait expliquer la différence de pourcentage entre les trois cohortes et celle de l’étude MTA où les participants avaient passé huit évaluations entre l’âge de 8 et de 25 ans.

Un phénomène constaté en clinique

La notion de TDAH fluctuant est nouvelle. Mais en clinique, des médecins avaient déjà remarqué le phénomène. « Nous avons des patients qui pourraient être dans ce groupe, affirme le Dr Shuvo Ghosh, chef du programme de pédiatrie du développement à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Cette étude confirme les observations que nous faisons, nous, les pédiatres du développement, les neuropédiatres et les pédopsychiatres qui travaillons avec les enfants et leur famille. »

Un cas typique que le spécialiste et ses collègues ont vu est celui d’un enfant d’environ 8 ans traité par pharmacothérapie pour un TDAH ayant une forte composante d’hyperactivité. « Après un ou deux ans, le patient a besoin d’une plus faible dose de médicament ou n’en a même plus besoin. On ne peut pas vraiment en expliquer la raison », mentionne le Dr Ghosh. Certains symptômes comme l’hyperactivité peuvent donc disparaître, même si le patient continue à avoir un trouble de l’attention. « Puis, après par exemple deux ans, l’hyperactivité redevient un important problème. Et ce n’est pas à cause de facteurs externes. Certains symptômes arrivent et partent sans que l’on ait d’explications. C’est ce type de TDAH fluctuant que l’on a observé. »

L’évolution de ces enfants est ainsi différente de celle des patients atteints du TDAH classique. « Ces derniers ont souvent besoin d’une plus forte dose de médicaments avec le temps. Le parcours des enfants pouvant avoir un TDAH fluctuant, lui, n’est pas prévisible. »

Un suivi plus serré ?

Malgré les études du Dr Norman et de Mme Sibley, le TDAH fluctuant n’est encore qu’une hypothèse. « Jusqu’à présent, on n’a pas de consensus concernant ce concept, explique le Dr Ghosh. Il n’y a pas de définition acceptée. Peut-être que mon observation du TDAH fluctuant est différente de celle d’un spécialiste en Colombie-Britannique. Les nouvelles données pourraient permettre d’amorcer la discussion sur cette question. »

Le pédiatre montréalais du développement, pour sa part, a noté certaines caractéristiques des patients touchés. « Les enfants qui présentent un trouble très tôt, vers 4 ou 5 ans, et qui ont beaucoup de symptômes risquent probablement davantage d’avoir un TDAH fluctuant. Ils ont plus de temps pour évoluer. Chez un enfant qui a un problème d’inattention qui commence vers 8 ou 9 ans, la neuroatypie est sans doute déjà assez constante. »

Certaines mesures seraient-elles nécessaires pour ces petits patients atteints du nouveau type de TDAH ? « Peut-être qu’une certaine vigilance pourrait être importante parce que ce trouble change plus rapidement que le TDAH classique. Un suivi un peu plus serré sera peut-être recommandé, mais actuellement, on n’a pas de standard. On ne connaît pas vraiment l’évolution naturelle de cette neuroatypie. »

Le Dr Norman et ses collègues, eux, insistent sur l’importance d’un suivi à long terme. « Sur le plan clinique, les “trajectoires fluctuantes” caractérisées par l’étude MTA semblent indiquer que la rémission du TDAH est généralement temporaire et n’équivaut pas à une guérison. La surveillance clinique doit donc se poursuivre au-delà des périodes probablement transitoires de rémission », estiment-ils.

La reconnaissance du phénomène du TDAH fluctuant peut par ailleurs être importante pour les parents. Il est ainsi possible que l’état de leur enfant s’améliore et ensuite s’aggrave. « Ce n’est pas à cause de quelque chose qui a été raté. C’est seulement l’évolution naturelle de ces patients », indique le Dr Ghosh. //

Bibliographie

1. Sibley M, Arnold L, Swanson J et coll. Variable patterns of remission from ADHD in the Multimodal Treatment Study of ADHD. Am J Psychiatry 2022 ; 179 (2) : 142-51. DOI : 10.1176/appi.ajp.2021.21010032.

2. Norman L, Price J, Ahn K et coll. Longitudinal trajectories of childhood and adolescent attention deficit hyperactivity disorder diagnoses in three cohorts. E Clin Med 2023 ; 60. DOI : 10.1016/j.eclinm.2023.102021 (publié en ligne le 6 juin 2023).