Nouvelles syndicales et professionnelles

Psychothérapie assistée par la psilocybine

La préparation, l’expérience et l’intégration

Élyanthe Nord  |  2023-11-01

Andrew Bui-Nguyen

Comment se déroule une thérapie assistée par la psilocybine ? « Que ce soit avec la psilocybine, la MDMA (agent actif de l'ecstasy) et même parfois la kétamine, il y a un protocole comprenant trois phases : la préparation, la prise du médicament et l’intégration de l’expérience », explique le Dr Andrew Bui-Nguyen, qui a été à deux reprises cothérapeute dans un traitement par la psilocybine.

Médecin de famille à la clinique Quorum, à Montréal, il a participé à la psychothérapie assistée par la psilocybine d’un de ses patients souffrant d’une dépression réfractaire. Il a également coassisté une patiente en fin de vie pour Therapsil, un organisme canadien qui aide les personnes ressentant une détresse liée à la mort à avoir accès aux traitements par la psilocybine. Plusieurs études se sont d’ailleurs intéressées à cette utilisation du psychédélique.

Préparation

« La préparation sert à créer un lien thérapeutique, à répon­dre aux questions et aux inquiétudes du patient et à explorer ses attentes », indique le Dr Bui-Nguyen, également directeur médical de la clinique montréalaise du réseau Numinus qui offre notamment des thérapies psychédéliques par la kétamine.

À la clinique de psilocybine de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM), la phase de préparation consiste en au moins deux séances d’une à deux heures chacune. « On veut entre autres montrer au patient des techniques pour gérer son anxiété à partir de la respiration, de la relaxation ou de la pleine conscience, au cas où il en aurait besoin pendant l’expérience psychédélique. On va aussi lui brosser un portrait réaliste de la thérapie, qui n’est pas un traitement miracle, mais plutôt un catalyseur de changement », indique le Dr André Do, psychiatre.

Expérience psychédélique

Le jour venu, le patient avale le comprimé de psilocybine devant deux facilitateurs qui resteront à ses côtés tout au long de l’intervention. « On veut vraiment que ce soit une expérience intérieure. Si le patient veut interagir avec les thérapeutes, il le peut. Sinon, on le laisse explorer son vécu interne et vivre ses émotions pendant ces six à huit heures », mentionne le Dr Do.

Le patient peut ressentir une altération du temps. « Il peut aussi avoir des hallucinations visuelles, des expériences mystiques, se sentir en contact avec des figures spirituelles. Il y a un phénomène qui s’appelle la dissolution de l’ego où le patient se sent uni avec son environnement. Il n’y a plus de frontière entre lui et ce qui l’entoure », explique le psychiatre.

La dimension spirituelle pourrait être un élément important. « Des chercheurs de l’Université Johns Hopkins ont constaté que les personnes qui vivent une expérience spirituelle plus intense avaient tendance à connaître par la suite une plus longue diminution de leurs symptômes dépressifs », affirme le Dr Bui-Nguyen.

Le patient peut aussi éprouver des difficultés émotives pendant son expérience. « Le laisser sans accompagnement serait donc risqué », estime l’omnipraticien. Au cours d’une séance, ce dernier prend par ailleurs les signes vitaux et s’assure que le patient tolère bien le médicament.

Intégration

Les séances d’intégration, qui suivent l’expérience psychédélique, sont centrales sur le plan thérapeutique, indique le Dr Bui-Nguyen. La psilocybine active des circuits que l’on n’emprunte pas d’habitude, explique-t-il. « La molécule va créer une espèce d’ouverture ou une fenêtre permettant à la personne d’explorer des voies à l’extérieur de ses circuits dépressifs circulaires. Ce phénomène va stimuler des souvenirs d’expériences qu’il faudra enraciner dans un processus thérapeutique d’intégration. »

La période post-psilocybine est très riche, précise le médecin de famille. Bien des éléments font surface. « Dans le jargon psychédélique, on parle des champignons magiques comme étant des professeurs, des molécules qui nous enseignent des choses. L’intégration, c’est un peu réapprendre à vivre avec ces nouveaux apprentissages. »

La clinique de psilocybine de l’IUSMM, pour sa part, offre aux patients au moins deux séances d’intégration, dont une le lendemain de la prise de l’alcaloïde et une autre une semaine plus tard. « Le but est de revenir sur l’expérience psychédélique du patient : Qu’a-t-il vécu ? Qu’a-t-il appris ? On discute de ce dont il a ensuite pris conscience, des effets positifs et négatifs de l’expérience et des émotions qui ont pu surgir après. On voit avec le patient comment il pourrait intégrer ces éléments pour amener des changements positifs dans son existence et avoir une meilleure qualité de vie », résume le Dr Do. //