En fin... la facturation

Visites à domicile et facturation des services à distance

Michel Desrosiers  |  2023-03-01

Nous recevons encore régulièrement des questions de membres concernant la facturation des services à domicile, que ce soit sur place ou, plus souvent, à distance. C’est vrai que les règles de facturation des services à distance dans ce secteur sont complexes du fait qu’elles varient selon le cadre où exerce le médecin. Traitons-en !

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ.

D’abord un rappel. Nous avons traité de la facturation des services à domicile dans un premier article en 2016, puis dans une série de trois articles en avril, mai et juin 2020. Vous y trouverez les indications sur la facturation des visites à domicile selon que vous les faites dans le cadre de votre pratique en cabinet ou de vos activités courantes en CLSC ou en GMF-U, de façon autonome ou dans un programme de soutien à domicile ou au sein du SIAD dans le cadre de votre pratique en CLSC. À l’époque, nous n’avions pas traité des téléconsultations, car il n’était généralement pas possible de les facturer. La pandémie a changé la donne.

En effet, depuis le 1er janvier 2023, le gouvernement a modifié le Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie pour assurer les services rendus par téléconsultation. De plus, en vertu de changements apportés à la Loi sur les services de santé et les services sociaux en juin dernier, le gouvernement a publié un projet de règlement pour définir les conditions selon lesquelles les médecins peuvent rendre des services à distance. Ce projet n’était toujours pas finalisé ni adopté en janvier 2023. Par ailleurs, les modalités de la lettre d’entente 269 applicables aux téléconsultations ont été, pour la plupart, prolongées jusqu’au 31 décembre 2023. D’ici là, en raison des changements annoncés au règlement, on peut penser que des modalités particulières pourront être négociées. En attendant, revoyons les règles concernant les services à domicile offerts de façon virtuelle, en commençant par les règles générales mises de l’avant par la lettre d’entente 269.

Règles générales

Certaines mesures de la lettre d’entente 269 ont été pro­lon­gées deux fois de suite au-delà du 15 mai 2022 (paragra­phe 4). La plus récente portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2023 est spécifiée dans le paragraphe 4.2. En gros, les modalités visant les téléconsultations sont prolongées. Toutefois, depuis le 1er janvier 2023, la facturation de la visite de prise en charge effectuée à distance n’est plus permise.

C’est au paragraphe 3.13 qu’il faut chercher les règles générales pour les téléconsultations. L’alinéa 2.7 de ce paragraphe prévoit que la visite à domicile auprès du patient en perte importante d’autonomie ne peut pas être faite à distance si un examen physique est nécessaire. Comme le libellé exige un examen à l’occasion de la visite, on peut supposer que ce service est seulement facturable en téléconsultation si le médecin doit effectuer un examen mental et qu’il est en mesure de le faire par téléconsultation.

L’alinéa 2.1 du même paragraphe stipule que la visite ponctuelle complexe ne peut pas être réclamée lorsqu’un examen physique est requis. Comme le libellé prévoit que l’exa­men pertinent est inclus, si la visite effectuée à distance ne demande aucun examen, mais répond aux autres exigences du libellé, il est possible de la réclamer. En ce qui a trait à la visite de suivi, il n’y a aucune restriction, si ce n’est que le médecin doit communiquer avec le patient, et non avec un tiers. Le patient doit par ailleurs être inscrit auprès du médecin, et la visite doit avoir lieu sur rendez-vous ou en accès adapté.

Selon le paragraphe 3.13.1, les téléconsultations doivent se faire par téléphone ou par visioconférence, et ces restrictions demeurent. Les échanges par courriel ou par message texte avec un patient ou le personnel professionnel ne constituent pas des services de téléconsultation. Par ailleurs, le texte précise que le médecin doit se trouver au Québec au moment de donner le service. Le projet de modification du règlement évoqué en début d’article prévoit que médecin et patient doivent se trouver au Canada. Néanmoins, selon le texte actuel, le médecin doit être au Québec. Bien que la lettre d’entente ne l’indique pas expressément, en raison des exigences déontologiques, le médecin qui n’est pas directement accessible doit offrir à son patient le moyen d’obtenir des services sur place (au sein de son GMF, par exemple). On ne parle pas simplement de lui dire d’aller dans un service de consultation sans rendez-vous ou à l’urgence.

Enfin, les paragraphes 3.13.2 et 3.13.3 prévoient que le médecin qui donne des services à distance conserve son mode usuel de rémunération. Il doit donc se demander dans quel lieu ou dans quel secteur il exerce. Dans certains secteurs où les médecins sont rémunérés à honoraires fixes, à tarif horaire ou selon le mode mixte, il doit aussi se demander si l’activité a lieu pendant les heures régulières ou la garde.

Règles spécifiques pour les visites à domicile

En ce qui a trait aux modalités spécifiques aux visites à domicile, il y en a plusieurs.

Le paragraphe 3.13.9 prévoit un traitement particulier en ressource intermédiaire (RI) ou en résidence pour personnes âgées (RPA). Si le médecin échange avec le personnel professionnel du milieu plutôt qu’avec le patient, le code d’échange interprofessionnel peut s’appliquer au service. Normalement, ce code est sujet à un quota trimestriel par médecin selon le nombre de patients inscrits à son nom. Dans ce contexte précis, le quota est levé tant que ce paragraphe est en vigueur. Pour s’en prévaloir, il faut inscrire deux éléments de contexte spécifiques lors de la facturation : un qui indique qu’il s’agit de services dans le cadre de la pandémie et l’autre qui précise le moyen de communication (téléphone ou visioconférence). Dans les autres contextes, depuis le 1er juillet 2022, ce service est de nouveau sujet au quota.

L’autre précision à noter pour cette mesure est qu’on parle de personnel professionnel. Des échanges avec un préposé aux bénéficiaires (en CHSLD ou en RPA) ou avec le personnel non professionnel d’une ressource intermédiaire ne donnent pas droit à cette modalité.

Adaptations spécifiques pour le médecin qui exerce dans le programme de soutien à domicile

Le paragraphe 3.13.10 vise spécifiquement les médecins qui exercent dans un programme de soutien à domicile (SAD). Il est question ici du médecin détenant une nomination en CLSC pour exercer dans le programme de SAD ou au SIAD. Il ne suffit pas que le patient bénéficie des services du SAD si le médecin fait des visites à domicile auprès de sa propre clientèle dans le cadre de sa pratique en cabinet, en GMF-U ou des services courants d’un CLSC. Notez que lorsque le service permis est spécifique au mode mixte du SAD (échanges ou visites de suivi nécessitant un examen d’un patient complexe), le médecin doit être visé par le mode mixte du SAD lorsqu’il rend le service. Cette exigence peut limiter l’accès durant la garde en disponibilité ou lorsque le médecin se consacre à un autre secteur d’activité.

Le paragraphe 3.13.10.1 prévoit une règle pour le médecin qui exerce en mode mixte en SAD. Si ce dernier échange avec un patient du programme, il peut facturer le code d’échange avec d’autres professionnels (15909) même si l’échange ne respecte pas la durée minimale de 15 minutes. Si l’échange dure au moins 25 minutes, le médecin peut réclamer le code d’intervention clinique selon la durée. Notez que l’accès à l’intervention clinique n’est pas limité au médecin du programme de soutien à domicile. En effet, tous les médecins y ont droit en téléconsultation.

Le paragraphe 3.13.10.2 prévoit une règle additionnelle pour le médecin qui facture au mode mixte en SAD. Lorsqu’il répond aux exigences de la visite de suivi (en première ligne), il peut réclamer le code de la visite de suivi nécessitant un examen (non complexe ou complexe) pour une téléconsultation auprès d’un patient.

Enfin, le paragraphe 3.13.10.3 contient une adaptation spécifique pour le médecin du programme de SAD qui est rémunéré à l’acte (en tout temps ou lorsqu’il rend des services durant sa garde en disponibilité). Lorsqu’il satisfait les exigences de la visite de suivi en première ligne pour une téléconsultation dans le cadre du programme de SAD, il peut réclamer le code de la visite à domicile auprès du patient en perte importante d’autonomie, malgré la règle générale interdisant l’accès à ce code lorsque le patient a besoin d’un examen physique.

Autres adaptations auprès du patient à domicile

Les autres adaptations ne visent pas spécifiquement le programme de soutien à domicile, mais peuvent trouver application lors d’une téléconsultation auprès de patients à domicile.

Le paragraphe 3.13.13 prévoit que le médecin qui doit communiquer avec un proche en raison du handicap, de l’inaptitude ou de l’immaturité du patient, malgré l’absence de rémunération pour les échanges avec les proches, est considéré comme ayant communiqué avec le patient. Selon le contexte, ça peut donner ouverture à la facturation de plusieurs codes différents. Par ailleurs, notez qu’il doit s’agir d’un proche du patient. Le personnel d’un CHSLD, d’une RI ou d’une RPA ne constitue pas un proche du patient aux fins de ce paragraphe.

Pour avoir accès aux adaptations spécifiques au mode mixte du SAD, le médecin doit être visé par ce mode lorsqu’il effectue le service, ce qui peut limiter l’accès durant la garde en disponibilité.

Autres adaptations qui ne sont pas spécifiques au domicile

Le paragraphe 3.13.14 donne accès au code de la visite périodique du patient vulnérable (lorsque l’ensemble des exigences sont réunies), même s’il n’est pas possible de faire l’examen. L’examen doit toutefois avoir lieu dans une visite subséquente. Le médecin rémunéré à l’acte qui ne serait pas en mesure de réclamer la visite à domicile auprès du patient en perte importante d’autonomie pourrait avoir recours à ce code de visite.

Le paragraphe 3.13.15 vise les visites sur rendez-vous ou en accès adapté. Dans ce contexte, il est prévu que si un examen est requis pour effectuer la téléconsultation, le médecin ne peut pas réclamer le code de la visite de suivi, mais peut facturer le code de la visite ponctuelle mineure, tant qu’il fait l’évaluation physique dans un délai de moins de 72 heures.

L’accès à des visites spécifiques au domicile lors de téléconsultations est plus libéral pour le médecin qui exerce dans le programme de SAD que pour celui qui fait du suivi en première ligne.

Enfin, le paragraphe 3.13.16 vise les visites à distance nécessitant un examen pendant une plage de consultation sans rendez-vous. Le médecin peut alors réclamer le code de la visite ponctuelle mineure, tant qu’il termine l’évaluation dans un délai de moins de 72 heures.

Conclusions

Ces modalités ne cherchent pas à transformer l’ensemble des téléconsultations en visites à domicile. Dans le cadre du programme de SAD, les patients suivis ne se rendent normalement pas au CLSC pour recevoir des services. C’est plutôt le personnel du programme de SAD qui se déplace jusqu'à chez eux. C’est ce qui explique que les règles sont plus libérales dans le cadre de ce programme qu’elles ne le sont pour le suivi courant.

Certains médecins se rendent systématiquement dans certains milieux (infirmerie de religieuses, RPA, RI) hors du cadre du programme de SAD. Lors des services rendus à distance, ils ne pourront généralement pas se prévaloir du code de la visite auprès du patient en perte importante d’autonomie, car ce code exige que le médecin effectue un examen. Le médecin qui suit certains patients à domicile en suivi courant (cabinet, GMF-U ou services courants en CLSC) pourra rencontrer le même problème. À défaut de se déplacer, il devra alors se tourner vers les visites pour les patients inscrits (suivi, périodique du vulnérable, parfois visite ponctuelle) ou vers l’intervention clinique pour faire rémunérer ses services à distance.

En ce qui a trait à la vaste majorité des patients qui se rendent en cabinet, en GMF-U ou en CLSC pour leurs besoins de santé, ils demeurent visés par la nomenclature pour les visites dans ces différents milieux, et non par les modalités des visites à domicile, principe qui semble bien compris.

Si vous êtes un médecin qui effectue des services dans le cadre d’un programme de SAD, espérons que ces explications vous faciliteront le travail. Bonne facturation !  //