Éditorial

Risques d’atteinte à notre autonomie et à notre droit à la négociation

Projet de loi no 15

Marc-André Amyot  |  2023-05-01

À l’occasion du dépôt par le gouvernement de l’imposant projet de loi no 15 visant à rendre le réseau de la santé et des services sociaux plus efficace, la FMOQ montre de nouveau de l’ouverture et propose de faire partie de la solution. Nous voyons aussi d’un bon œil l’intention de « dépolitiser » et de « décentraliser » la gestion du réseau. Toutefois, après une lecture approfondie, force est de constater que ce projet de loi comporte des risques graves d’atteinte à l’autonomie professionnelle des médecins de famille, à leur engagement et à leur droit à la négociation. Nous disons donc oui à une décentralisation... qui ne va pas centraliser davantage les prises de décision et les pouvoirs. Nous serons extrêmement vigilants et proactifs pour la suite.

Ne nous méprenons pas, la Fédération veut être partie prenante des changements nécessaires afin de rendre le réseau plus accessible à la population, plus à l’écoute des soignants et plus efficace. D’ailleurs, le leadership des médecins de famille, l’esprit de collaboration et l’ouverture aux nouvelles manières de faire témoignent de notre grande volonté d’améliorer les choses. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : malgré une pénurie de plus de 1000 médecins de famille, nous avons collectivement inscrit au-delà de 600 000 personnes au cours de la dernière année. Ce n’est pas rien !

Des éléments qui ne passent pas !

L’une des clés de la réussite de l’Entente sur l’accessibilité aux soins de première ligne a été le rôle déterminant des DRMG partout au Québec. Mettre à mal cette structure régionale élective — indépendante, crédible, neutre, qui a la confiance des médecins sur le terrain — et la remplacer par des directions territoriales désignées se trouvant sous l’autorité des établissements est l’opposé d’une dépolitisation et d’une volonté de collaborer. Pourquoi chercher à changer un modèle qui a fait ses preuves et à réduire notre participation aux décisions portant sur l’organisation locale des soins ? Ni la FMOQ ni les DRMG n’ont préalablement été consultés à ces sujets ; une manière de faire qui devient malheureusement récurrente et préoccupante.

La volonté d’obliger les médecins qui œuvrent exclusivement en clinique médicale ou en GMF à demander des privilèges en établissement afin de participer au régime public nous inquiète également. Qui plus est, ces privilèges ne seraient plus octroyés par les CMDP, où siègent nos collègues, mais par les nouvelles directions médicales. Le projet de loi lierait aussi les privilèges en établissement à des obligations en première ligne ou en prise en charge. Rappelons que les AMP prévoient déjà ces possibilités. L’octroi de ces nouveaux pouvoirs aux directions territoriales constituerait ainsi une atteinte directe à notre autonomie et, surtout, à notre droit reconnu à la négociation de nos conditions de pratique. Ces propositions nous apparaissent contre-productives et risqueraient de contribuer à une démobilisation du milieu médical.

Des canaux grands ouverts

Malgré tout, nous continuons à privilégier la voie de la communication et de la collaboration. Nous avons récemment fait de grandes avancées, ensemble, tant avec le gouvernement qu’avec les autres partenaires du réseau. Rien ne nous laisse croire pour le moment que nous ne parviendrons pas à faire évoluer la situation positivement, pour le mieux-être de la population.

Nous entendons poursuivre les discussions de bonne foi avec le gouvernement, travailler de concert avec nos partenaires médicaux (FMSQ, FMRQ, FMEQ, DRMG, ACMDPQ) et participer avec rigueur aux travaux parlementaires à venir. Si un besoin de se mobiliser ou d’entreprendre des recours juridiques devait survenir, vous en seriez informés rapidement. Aucune option n’est exclue.

C’est notre autonomie, notre engagement, nos droits et l’avenir de notre profession qui sont potentiellement mis à mal par ce projet de loi, s’il est adopté tel quel. Demeurons plus que jamais unis, vigilants et en action//

 

Le 29 avril 2023

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Le président,
Dr Marc-André Amyot