Nouvelles syndicales et professionnelles

Perfectionner son processus d’accès adapté

et obtenir des crédits de catégorie B

Élyanthe Nord  |  2023-09-01

Le « Portrait 360 degrés de l’accès adapté », de la Pre Mylaine Breton et de la Pre Isabelle Gaboury, comprend différents outils – dont un tout nouveau – pour analyser et améliorer l’offre de services aux patients.

Pre Mylaine Breton

Vous pratiquez l’accès adapté et voulez optimiser votre fonctionnement ? De nouveaux outils sont maintenant à votre disposition. Une chercheuse de l’Université de Sherbrooke, la Pre Mylaine Breton, propose aux médecins et aux cliniques un « portrait 360 degrés » de leur processus à partir de trois sources d’informations : le médecin lui-même, qui répond à un questionnaire, les patients, auxquels on fait parvenir un sondage, et, nouveauté, six indicateurs tirés des dossiers médicaux électroniques.

« On dit toujours que pour s’améliorer, il faut des données. Nous en fournissons donc aux médecins », explique la Pre Breton, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la gouvernance clinique des services de première ligne.

Six indicateurs

Au début de l’automne, la Pre Breton et son équipe offriront aux cliniques la possibilité d’obtenir six indicateurs d’accès aux soins (encadré 1) tirés des dossiers médicaux électroniques (DME) :

h le temps d’attente pour le troisième rendez-vous offert ;
h le taux de plages horaires libres dans les prochaines 48 heures ;
h la proportion de consultations sans rendez-vous ;
h le taux de rendez-vous ratés par les patients (no-show) ;
h la continuité relationnelle ;
h la prise en charge multidisciplinaire.

 

Encadré 1 ViePro 0923

« Ce sont des indicateurs organisationnels qui permettent au médecin d’obtenir le portrait de l’accès aux soins et de la continuité des services qu’il offre. Il va recevoir un rapport qui lui indiquera ses propres résultats et ceux de la moyenne des médecins participants de sa clinique. Il pourra savoir, par exemple, s’il est moins ou aussi disponible que ses collègues », explique la chercheuse.

Les données extraites des DME permettent également de connaître l’équilibre entre l’offre et la demande de soins. Le rapport compare ainsi le nombre de rendez-vous offerts par le médecin au nombre estimé de consultations pour combler les besoins de ses patients. Les calculs tiennent compte des personnes vulnérables, des enfants de 0 à 5 ans et des femmes enceintes.

Pour obtenir toutes ces informations sur sa pratique, le médecin peut communiquer avec la Pre Breton (acces.adapte@usherbrooke.ca). Toutefois, comme les données sont extraites des DME, les responsables de la clinique doivent donner leur approbation. « Nous avons eu l’accord de la Commission d’accès à l’information du Québec pour nous brancher aux dossiers médicaux électroniques. Nous signons par ailleurs une entente de confidentialité. » La chercheuse a déjà fait l’exercice avec quatre-vingts cliniques.

L’outil ORAA

La deuxième source d’information pour le portrait 360 degrés de l’accès adapté est le médecin lui-même. Il doit remplir le questionnaire en ligne de l’outil réflexif sur l’accès adapté (ORAA), ce qui demande une douzaine de minutes. A-t-il fait une estimation des besoins de ses patients pour l’année à venir ? A-t-il évalué la durée de ses rendez-vous pour qu’elle soit appropriée à chaque type de consultation ? Quelles stratégies utilise-t-il lors des pics de demandes ? Les agentes administratives emploient-elles un algorithme d’aiguillage pour prioriser certains cas et diriger les patients vers le bon professionnel de la santé ?, etc.

Le rapport électronique que le médecin obtient à la fin du questionnaire lui indique les forces et les faiblesses de son fonctionnement et offre différentes recommandations. Le document conseillera par exemple au clinicien de planifier son offre annuelle de service en fonction de la demande estimée. S’il n’emploie pas de stratégies lors des pics de demandes, un hyperlien lui en fournira une liste (ajout de plages de rendez-vous téléphoniques, réduction du nombre de consultations sans rendez-vous, diminution de la durée des visites, etc.) De plus, le rapport peut suggérer l’utilisation d’indicateurs de déséquilibre : le temps d’attente pour un troisième rendez-vous ou un avertissement de la secrétaire lorsque la demande excède l’offre. Le médecin pourra aussi avoir, s’il en a besoin, un lien vers un algorithme d’aiguillage auquel pourra recourir sa secrétaire.

Le participant peut obtenir non seulement un portrait de sa propre pratique, mais aussi un profil collectif si ses collègues de la clinique participent également. Les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) et les autres professionnels peuvent eux aussi remplir le questionnaire, tout comme les agentes administratives. Le portrait obtenu est alors encore plus complet. Jusqu’à présent, plus de 1000 omnipraticiens de 127 cliniques au Québec et de quatre au Nouveau-Brunswick ont répondu aux questions. « Nous pensons qu’il s’agit d’un puissant outil de changement individuel, mais aussi collectif », affirme la Pre Breton.

Sondage auprès de la patientèle

La troisième facette du portrait 360 degrés repose sur les usagers. La chercheuse et son équipe proposent aux cliniques un sondage électronique à envoyer à leur patientèle. Les responsables de ces centres médicaux pourront ainsi savoir comment les patients évaluent le délai entre la prise de rendez-vous et la consultation. Les gens doivent-ils faire plusieurs essais avant d’obtenir un rendez-vous ? Leur a-t-on expliqué que les rendez-vous ne sont plus donnés longtemps à l’avance ? Les membres de l’équipe médicale collaborent-ils bien ?

Jusqu’à présent, plus de 120 000 patients de 105 cliniques médicales ont répondu. L’évaluation globale ? En tout, 66 % de ceux qui ont voulu prendre un rendez-vous ont dû s’y prendre à plusieurs reprises, mais 69 % considèrent qu’ils ont eu en général une bonne expérience. Cinquante-sept pour cent ont reçu un choix d’horaire ou de journées. Par contre, 22 % des répondants ont régulièrement eu de la difficulté à obtenir des soins en raison du manque de disponibilité de leur médecin. En ce qui concerne la collaboration entre les membres de l’équipe de soins, 95 % des participants l’estiment bonne. Toutefois, 11 % ont constaté que des professionnels n’étaient pas au courant des décisions prises par un autre membre de l’équipe.

« Il est très important de sonder l’expérience patient. De 10 % à 15 % des personnes qui ont une adresse courriel répondent au questionnaire, ce qui est un bon taux. La clinique reçoit ensuite un rapport personnalisé de deux pages », indique la professeure.

Accompagnement

Après le diagnostic du portrait 360 degrés, la deuxième phase est un accompagnement personnalisé par des facilitateurs pour améliorer le processus de l’accès adapté. « On propose des plans d’action », explique la Pre Breton. Actuellement, vingt-quatre cliniques bénéficient de ce service. Mais la liste d’attente est longue.

Dans l’ensemble du Québec, où en est maintenant l’accès adapté ? Le modèle a été lancé à grande échelle en 2012. Pour connaître la situation dix ans plus tard, la Pre Breton et ses collaborateurs ont analysé les réponses au questionnaire ORAA de 999 médecins de famille et de 107 IPS travaillant dans plus de cent cliniques1.

Les résultats montrent que la plupart des participants planifient leur rendez-vous sur une période de deux à quatre semaines. Cependant, moins de la moitié réservent des plages pour les consultations urgentes ou semi-urgentes et moins du cinquième planifiaient l’offre et la demande pour l’année à venir. « Davantage de stratégies doivent être mises en place pour réagir aux déséquilibres lorsqu’ils surviennent », recommandent les chercheurs. La plupart des changements, ont-ils par ailleurs constaté, sont effectués individuellement par les médecins plutôt que par les cliniques. //

Deux heures d’évaluation de l’exercice de la profession reconnues

Deux facettes du portrait 360 degrés de l’accès adapté peuvent donner une heure de crédit de formation de catégorie B lié à l’évaluation de l’exercice de la profession :

h le questionnaire ORAA (outil réflexif sur l’accès adapté) ;

h les indicateurs tirés du dossier médical électronique.

Dans chaque cas, le médecin doit remplir un formulaire pour structurer sa réflexion et concevoir un plan d’amélioration de sa pratique.

Pour obtenir un portrait 360 degrés, les médecins intéressés peuvent communiquer avec la Pre Mylaine Breton, de l’Université de Sherbrooke à acces.adapte@usherbrooke.ca. Les données transmises restent anonymes.

1. Breton M, I Gaboury I, Beaulieu C et coll. Ten years later: a portrait of the implementation of the advanced access model in Quebec. Healthc Manage Forum ; 16 juin 2023. DOI : 10.1177/08404704231181676 (publié en ligne).