Nouvelles syndicales et professionnelles

Activité physique hebdomadaire intense

40 minutes pour réduire le risque de décès lié à l’alzheimer

Élyanthe Nord  |  2024-03-01

JMorais

Il pourrait être possible de réduire le nombre de décès lié à la maladie d’Alzheimer. Comment ? Grâce à l’activité physique d’intensité élevée. La durée optimale serait de 140 minutes par semaine ; la durée minimale, de 40 minutes, révèle une nouvelle étude publiée dans le Lancet Healthy Longevity. Ces périodes d’exercice pourraient potentiellement prévenir respectivement 31 % et 10 % des décès annuels associés à l’alzheimer.

Des solutions concrètes commencent ainsi à se dessiner pour échapper aux problèmes cognitifs. « Selon les estimations, environ 40 % de tous les cas de démence pourraient être évités ou retardés en ciblant les facteurs de risque modifiables, dont l’inactivité physique », affirment les auteurs de l’étude, le Dr Rubén López-Bueno et ses collègues, dans leur article.

Les chercheurs se sont intéressés de manière plus particulière à la relation dose-réponse entre l’activité physique et la mortalité associée à l’alzheimer. Ils ont analysé les données de 91 298 répondants de 68 ans et plus du US National Health Interview Survey (un sondage annuel portant sur différents facteurs dont l’activité physique) et les ont liées aux décès associés à la maladie d’Alzheimer (encadré).

Pour l’exercice léger ou modéré, les chercheurs n’ont pas trouvé d’association dose-réponse significative avec la mortalité due à la maladie d’Alzheimer. Par contre, ils ont découvert une courbe en L pour l’exercice vigoureux, c’est-à-dire une relation qui diminue rapidement et reste ensuite relativement stable. La baisse du risque commence ainsi à être significative à partir de 20 minutes par semaine et atteint son apogée à 140 minutes. La durée pour une efficacité minimale (c’est-à-dire donnant une réduction du risque de 50 % de celle de la durée optimale) est de 40 minutes par semaine.

Un effet à partir de 20 minutes par semaine

« La durée optimale de 140 minutes qu’a déterminée l’étude est très près des recommandations officielles, qui sont de 150 minutes par semaine », note le Dr José Morais, gériatre et responsable du Programme de formation sur les troubles neurocognitifs de l’Université McGill.

Mais est-ce qu’à un âge avancé il est encore possible de faire des activités physiques d’intensité élevée ? Selon l’étude, oui. L’âge moyen pondéré des sujets de l’étude était de 75,8 ans. Toutefois, seulement 20 % faisaient de l’exercice d’intensité élevée. Et uniquement 13 % en faisaient 105 minutes et plus.

« Il faut encourager les gens de 60, 70 et 80 ans à faire de l’exercice intense, mentionne le Dr Morais, également directeur de la Division de gériatrie du Centre universitaire de santé McGill et de l’Université McGill. Certains octogénaires jouent encore au tennis. J’en connais. Mais pour consacrer 140 minutes par semaine à un exercice intense, il faut une certaine organisation. C’est généralement un style de vie que les gens ont adopté des décennies plus tôt. »

Des durées d’exercice vigoureux inférieures à 140 minutes hebdomadairement peuvent quand même être efficaces pour réduire les décès liés à l’alzheimer. Toute combinaison totalisant 40 minutes par semaine est valable, soulignent les chercheurs. Ainsi, l’objectif peut devenir plus atteignable : 10 minutes par jour, quatre jours sur sept.

Et même en deçà des 40 minutes hebdomadaires, la pratique d’une activité physique intense est potentiellement bénéfique, selon le Dr López-Bueno et ses collègues. « Des réductions moins importantes, mais encore significatives du risque pourraient être possibles en faisant seulement 20 minutes d’activité physique vigoureuse par semaine », affirment-ils.

L’activité d’intensité modérée, même si elle n’a pas de répercussions sur la mortalité associée à l’alzheimer, est peut-être plus accessible pour certaines personnes et a quand même ses avantages. « La marche rapide offre 80 % des bienfaits de la course en ce qui concerne le maintien de l’autonomie des personnes âgées. C’est intéressant, parce qu’environ 85 % des personnes âgées peuvent accélérer le pas, même si elles ne peuvent pas courir », souligne le Dr Morais.

Un million de Canadiens atteints en 2030

L’équipe du Dr López-Bueno n’est pas la seule à lier exercice vigoureux et baisse du risque de démence. Des chercheurs, par exemple, ont mesuré avec un accéléromètre le nombre et la rapidité des pas de plus de 78 000 adultes britanniques de 40 à 79 ans pendant environ sept ans. Ils ont constaté que le nombre de pas optimal pour réduire le taux de démence, mortelle ou non, était de 9800 par jour et qu’un rythme de 112 pas par minute pendant 30 minutes diminuait encore davantage le risque2.

La pratique d’un exercice vigoureux serait par ailleurs associée à une plus grande longévité, ont remarqué le Dr López-Bueno et ses collaborateurs. Par rapport aux participants qui ne faisaient pas d’exercice vigoureux, ceux qui en effectuaient 140 minutes par semaine avaient une espérance de vie de 2,3 ans de plus et ceux qui en faisaient 40 minutes, de 1,6 année.

Les chercheurs ont calculé qu’aux États-Unis, la pratique de 140 minutes par semaine d’exercice intense préviendrait 37 710 décès liés à la maladie d’Alzheimer par année et celle de 40 minutes, 12 238, par rapport à aucune d’activité physique vigoureuse. Cela représente une diminution respective de 31 % et de 10 % du risque annuel.

Au Canada aussi des solutions sont nécessaires. Selon la Société Alzheimer du Canada, le nombre de personnes atteintes d’un trouble neurocognitif devrait augmenter de 187 % d’ici à 2050. Et près d’un million de personnes en souffriront d’ici à 2030.

« Bien des études semblent montrer que l’on peut changer la courbe d’incidence de la maladie d’Alzheimer. Les divers facteurs de risque ont cependant une importance différente. On sait que la relation avec l’obésité est faible tandis que celle avec l’hypertension et le tabagisme est beaucoup plus forte. Quel est le rôle protecteur de l’activité physique comparativement aux autres facteurs ? C’est à déterminer », mentionne le Dr Morais.

Bibliographie

1. López-Bueno R, Yang L, Stamatakis E et coll. Moderate and vigorous leisure time physical activity in older adults and Alzheimer’s disease-related mortality in the USA: a dose-response, population-based study. Lancet Healthy Longev 2023 ; 4 (12) : e703-e710. DOI : 10.1016/S2666-7568(23)00212-X.

2. Del Pozo Cruz B, Ahmadi M, Naismith S et coll. Association of daily step count and intensity with incident dementia in 78 430 adults living in the UK. JAMA Neurol 2022 ; 79 (10) : 1059-63.
DOI : 10.1001/jamaneurol.2022.2672.