Gestion pratique

Élaguer le délai d’attente

un passage nécessaire vers l’accès adapté

Isabelle Paré  |  2014-08-28

La plupart du temps, un délai d’attente de quelques semaines à quelques mois, voire plus, est chose courante pour un patient qui souhaite voir son médecin. Il est le plus souvent perçu comme normal et inévitable. Pourtant, ce n’est pas le cas !

En fait, les délais d’attente pour un rendez-vous sont la conséquence d’une mauvaise évaluation de la demande et d’une offre de service insuffisante. Plutôt que de prétendre que la de­mande est im­prévisible, tournez-vous vers un mo­dèle efficace qui équilibre l’offre de service à la demande : l’accès adapté.

Mme Isabelle Paré est conseillère en politique de santé et chercheuse à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Elle est titulaire d’un doctorat (Ph. D.) en science politique.

L’accès adapté est une organisation de la pratique médicale qui permet au docteur de « faire le travail d’aujourd’hui, aujourd’hui » et au patient de consulter son médecin au moment opportun. Ce n’est plus une médecine de « rattrapage », mais bien une médecine où le patient est soigné quand il en a besoin, c’est-à-dire lorsqu’il est malade. Les retombées de l’accès adapté sont nombreuses : les consultations sans rendez-vous deviennent choses du passé, les visites à l’urgence hospitalière sont les seules désormais inévitables, les dédoublements des visites et des tests médicaux sont rarissimes, le patient voit « son » médecin, le travail est plus stimulant pour le médecin et les patients sont satisfaits.

La gestion du changement : un enjeu important

Changer son type de pratique n’est pas une décision qui doit être prise à la légère et cela nécessite une planification sérieuse. Une transformation réussie en est une qui aura su créer l’adhésion des principaux intervenants (les adjointes administratives et les collègues), qui aura fait participer les personnes touchées par le processus de changement (les adjointes, essentielles au succès du projet), où un encadrement aura été offert (compréhension du projet et des enjeux, transfert de connaissances) et qui permettra d’évaluer la pratique au fil du temps et d’y apporter les modifications et les améliorations nécessaires.

Une évaluation de votre clinique est également nécessaire en ce qui con­cerne le secrétariat. Quelle adjointe administrative sera responsable de votre horaire ? Devez-vous procéder à une restructuration des tâches ? Le système téléphonique est-il au point ? Une gestion du changement réussie passe par la participation des ad­jointes administratives qui sont sur la ligne de front avec les patients. Intégrez-les ! C’est un gage de succès. Faites en sorte qu’elles maîtrisent les concepts de l’accès adapté. Certains médecins sont sceptiques en ce qui a trait à l’accès adapté ? Les adjointes ad­mi­nis­tratives seront les pivots de la trans­formation de la clinique, et le chan­ge­ment de pratique des au­tres mé­decins viendra souvent de la pression qu’elles exerceront.

Comment commencer ? L’élimination graduelle du délai d’attente

Des rendez-vous sont fixés pour les six prochains mois, soit jusqu’en février 2015 ? Vous cessez dès maintenant la prise de rendez-vous ! Votre judicieux choix de pratique en accès adapté prendra forme en février. D’ici là, votre adjointe ne rajoutera plus de rendez-vous. Évidemment, vous devrez expliquer à vos patients que vous changez votre type de pratique afin qu’ils puissent vous consulter lorsqu’ils en auront besoin. Par conséquent, la patiente qui doit vous revoir dans huit mois ne prendra pas rendez-vous avec votre adjointe au sortir de votre cabinet. Elle téléphonera plutôt à la clinique dans huit mois et votre adjointe lui offrira alors un rendez-vous dans les prochains jours. Elle a un problème dans six mois et souhaite vous consulter ? Elle n’aura qu’à appeler à la clinique et elle pourra venir le jour même ou dans les quelques jours qui suivent. Outre la prise en charge de son problème aigu, vous profiterez de sa présence pour régler ce qui devrait l’être deux mois plus tard, évitant ainsi une autre visite de sa part.

Dans l’exemple actuel, les six prochains mois se­ront exigeants. À votre horaire initial (avec et sans rendez-vous) devra s’ajouter une ou deux demi-journées pour assurer l’offre de service auprès de vos patients.

Le plan de communication

La réussite de l’accès adapté nécessite une excellente préparation. Cette transformation de votre pratique ne doit pas se faire à la légère. Comme tout changement digne de ce nom, une préparation est essentielle. L’un des outils de cette transformation est le plan de communication qui servira à informer les patients. Message vocal, envoi postal, affiche à la clinique, etc., tous les outils sont permis afin que le message soit bien compris. Les patients doivent saisir qu’ils pourront dorénavant vous voir quand ils en ont besoin. Martelez votre message et assurez-vous qu’ils comprennent que, désormais, le service de consultation sans rendez-vous n’est plus pour eux. Certains patients sceptiques devant une telle disponibilité testeront le système afin de vérifier que vous êtes bel et bien disponible ! Rassurez-vous ! Peu de patients abuseront et ceux qui le feront comprendront rapidement qu’une nouvelle ère est arrivée !

L’accès adapté, est-ce pour moi ?

L’accès adapté n’est pas une recette magique et ne réglera pas les problèmes d’organisation liés à une disponibilité insuffisante. Le calcul pour mesurer l’offre et la demande sera détaillé dans le prochain numéro du Médecin du Québec. Sachez toutefois que la disponibilité requise pour le fonctionnement de l’accès adapté est d’une demi-journée pour deux cents patients inscrits. Vous avez huit cents patients ? La règle du pouce veut donc que vous pratiquiez quatre demi-journées en première ligne. Vous étalerez ces quatre demi-journées en travaillant, par exemple, le lundi et le mercredi après-midi et le jeudi toute la journée, histoire d’offrir une accessibilité tout au long de la semaine. D’ici le mois prochain, établissez votre stratégie pour passer à l’action ! //