Nouvelles syndicales et professionnelles

Nouveau cadre des GMF

plus d’interdisciplinarité et moins de rigidité

Émmanuèle Garnier  |  2015-06-16

Longtemps attendu, le nouveau cadre de gestion des groupes de médecine de famille est enfin prêt. Il contient d’intéressantes mesures qui vont favoriser de manière importante le travail interprofessionnel.

Les groupes de médecine de famille (GMF) vont dorénavant être encadrés par de nouvelles règles. Plus claires, plus justes, plus uniformes. Et de surcroît mieux adaptées à chaque groupe. Elles vont maintenant varier en fonction de l’importance de la population du territoire et du nombre de patients inscrits.

L’entente que la FMOQ et le ministère de la Santé et des Services sociaux ont conclue pourrait s’appliquer dès septembre. « Il s’agit d’un cadre de gestion vraiment bonifié, précise le Dr Serge Dulude, directeur de la Planification et de la Régionalisation à la FMOQ. On le constate entre autres sur le plan de l’interprofessionnalisme. Les GMF disposeront bientôt de plus d’heures de services infirmiers pour le même nombre de patients inscrits. Certains groupes auront même une infirmière bachelière de plus à temps plein ! »

Et à l’équipe médicale se joindront des travailleurs sociaux issus du réseau de la santé. « Les gens du ministère nous ont dit pouvoir libérer ces professionnels-là pour qu’ils aillent travailler en GMF. » En plus, la nouvelle équipe comptera un pharmacien d’officine. « Les médecins vont probablement s’adresser au pharmacien du quartier. Il connaît déjà la population et les patients. Ce sera à l’équipe et au pharmacien de décider des services que ce dernier rendra. » Le GMF disposera d’une enveloppe spéciale pour le rémunérer.

Les GMF auront en outre un budget pour engager d’autres professionnels de la santé : psychologue, nutritionniste, infirmière supplémentaire, etc. S’ils veulent agrandir encore davantage leur équipe, ils pourront même puiser dans le budget réservé aux opérations et à l’administration. « Il s’agit d’une enveloppe globale dont les médecins peuvent décider de l’utilisation. Certains pourront juger, par exemple, qu’ils n’ont pas à dépenser beaucoup pour l’informatique cette année et engager d’autres professionnels de la santé, comme une ou deux infirmières auxiliaires. »

Mais que se passera-t-il si l’un des professionnels s’absente de manière prolongée ? Jusqu’à présent, il n’était toujours pas remplacé. Un problème dont se sont plaints bien des GMF. L’entente conclue avec le MSSS prévoit que les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) auront la responsabilité de pourvoir le poste s’il est vacant plus de quatre semaines. Lorsque le départ est prévisible, le remplaçant devra être en place dès le premier jour de l’absence. Si l’absence est imprévue, le suppléant devra arriver dans le mois qui suit.

Les CISSS auront également une autre responsabilité selon l’entente : « Assurer un accès équitable et raisonnable aux services spécialisés, aux plateaux techniques et aux programmes du CISSS ou du CIUSSS. » Le soutien promis par le MSSS dans l’entente signée avec la FMOQ pour accroître l’accès à la première ligne va ainsi se matérialiser.

Nombre minimal de patients inscrits

D’autres règles changent également. Par exemple, le nombre minimal de patients que doit inscrire un groupe de médecins pour devenir un GMF va être réduit à 6000. Actuellement, les groupes doivent atteindre 9000 inscriptions. Cette modification donnera à certains groupes, jusque-là trop petits, la possibilité de devenir des GMF.

Les exigences concernant les heures d’ouverture des GMF ont aussi été assouplies. Les petits groupes de médecine de famille pourront ainsi plus facilement répondre aux critères. Actuellement, les GMF, peu importe leur taille, doivent être ouverts douze heures par jour la semaine et quatre heures quotidiennement les fins de semaine. Un total de 68 heures. Bientôt, les heures d’ouverture exigées varieront selon le nombre de patients inscrits (tableau 1). Un GMF comptant 6000 patients, par exemple, n’aura à offrir que 52 heures de services médicaux sur place. Toutefois, il devra conclure une entente avec une clinique médicale, un autre GMF, une unité de médecine familiale ou une urgence pour s’assurer que sa clientèle ait accès à un médecin 68 heures par semaine.

Ces exigences peuvent cependant être encore trop difficiles à atteindre dans les tout petits milieux. Par exemple, dans un village de moins de 25 000 habitants. Dans le nouveau cadre, les GMF de petites agglomérations n’auront donc à offrir les services d’un médecin sur place que 44 heures par semaine. Ce qui constitue huit heures d’ouverture de moins. Dans les villes de 25 000 à 50 000 habitants, les GMF pourront retrancher quatre heures à leur nombre d’heures minimal. Tous ces groupes devront cependant conclure une entente de services avec un autre centre pour couvrir les 68 heures exigées et donner accès aux patients à des services sept jours sur sept. « Dans les très petits milieux, tous les médecins du GMF travaillent aussi à l’hôpital du coin. Ce sont donc les mêmes omnipraticiens qui offrent les services médicaux dans les différents endroits », explique le Dr Dulude.

Taux d’assiduité souvent déjà atteint

Un critère va bientôt devenir important pour les GMF : le taux d’assiduité de la clientèle. Une exigence qui sera liée au renouvellement du contrat. « Il s’agit d’un taux de groupe. On prend l’ensemble des consultations accordées par l’un des médecins du GMF aux patients inscrits et on le divise par le total des consultations que ces derniers ont eu en première ligne. Comme les médecins n’ont pas de contrôle sur la décision des patients, le taux fixé n’est pas de 100 % », précise le directeur de la Planification et de la Régionalisation.

L’assiduité exigée de la clientèle va graduellement augmenter. Le taux sera de :

70 % la première année ;

75 % durant la deuxième ;

80 % à partir de la troisième.

« Les médecins de GMF s’inquiètent du taux d’assiduité de leur clientèle, mais ils sous-estiment leur performance », souligne le Dr Dulude. Actuellement, seule une cinquantaine des 264 GMF n’atteint pas le taux de 70 %. « Comme Fédération, on va vérifier s’ils ont une particularité qui explique ces résultats. Toutefois, parmi ces GMF, environ la moitié a un taux entre 65 % et 70 %. Ils répondent presque aux critères. » Par ailleurs, le tiers des groupes a déjà atteint la cible de 80 % fixée pour la troisième année. Il y a même des champions : la clientèle de quatre GMF a un taux d’assiduité de 90 % et plus.

Pondération plus avantageuse

Le nouveau cadre des GMF offre un système de pondération plus avantageux que l’ancien (tableau 2). Ainsi, certains patients aux besoins complexes, ayant une perte d’autonomie et suivis à domicile donneront droit à douze inscriptions. Et parmi la clientèle vulnérable, certaines personnes seront l’équivalent de deux patients inscrits. « Les diagnostics particulièrement lourds ont été ciblés : la toxicomanie, l’alcoolisme, le sida, la dépression majeure et la douleur chronique », précise le Dr Dulude.

Par ailleurs, le suivi d’une femme enceinte équivaudra à trois inscriptions et l’accouchement, s’il est pratiqué par un médecin du GMF, à trois autres supplémentaires.

Un nouveau critère va également apparaître : l’indice de défavorisation matérielle et sociale, soit l’indice de Pampalon. Les patients défavorisés compteront ainsi bientôt pour deux. « L’indice est établi selon le lieu de résidence du patient et fonctionnera avec le code postal. Le critère sera appliqué automatiquement. Le médecin n’aura pas à faire de démarches. »

Un renouvellement plus facile

Le renouvellement de l’accréditation va dorénavant se faire automatiquement tous les ans, si le GMF :

offre les heures d’ouverture demandées ;

atteint le nombre d’inscriptions exigé ;

présente le taux d’assiduité fixé ;

utilise un dossier médical électronique homologué.

« Avant, le renouvellement avait lieu tous les trois ans. C’était lourd. Les médecins devaient faire connaître six mois à l’avance leur intention de continuer et passer par tout un processus de révision. Maintenant, avec les outils informatiques, le MSSS peut facilement connaître l’offre de services et le nombre de patients inscrits. Deux fois par année, il établira un portrait de la situation et, si tout va bien, reconduira l’accréditation. » En cas de problème, différents mécanismes sont prévus.

« Je suis très satisfait de cette nouvelle entente, affirme le Dr Dulude. Elle est l’aboutissement de deux ans de discussions. Cela a été un parcours du combattant pour y parvenir. Finalement, c’est un très beau cadre de gestion pour les GMF. Nous sommes persuadés que les médecins et les équipes vont vraiment l’apprécier. »