Entrevues

Entrevue avec le président de l’Association des médecins omnipraticiens de Laurentides-Lanaudière

des actions concrètes pour accroître l’accès à un médecin de famille

Émmanuèle Garnier  |  2015-08-24

Premier vice-président de la FMOQ et président de l’Association des médecins omnipraticiens de Laurentides-Lanaudière, le Dr Marc-André Amyot a conçu un plan d’action pour permettre à ses membres d’améliorer l’accès de la population à la première ligne, comme le prévoit l’entente signée par la FMOQ et le ministère de la Santé.

M.Q. — Que va faire votre association pour offrir à la population un meilleur accès aux médecins de famille ?

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M.-A.A. — Nous avons un plan d’action en trois volets : augmenter le nombre de groupe de médecine de famille-réseau (GMF-R), accroître la disponibilité des médecins de famille et hausser le taux d’inscription des patients dans notre région.

M.Q. — Commençons par les GMF-R. Qu’offrent-ils de plus à la population que les GMF ordinaires ou les cliniques-réseau ?

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M.-A.A. — Ils offrent notamment une plus grande disponibilité et des heures d’ouverture du service de consultation sans rendez-vous un peu plus étendues la fin de semaine. Il nous faudrait sept GMF-R dans Lanaudière et sept autres dans les Laurentides. Notre plan est de déterminer quels GMF pourraient en devenir. Nous avons rencontré les responsables de certains GMF qui ont déjà des heures d’ouverture prolongées pour savoir ce qu’il leur fallait pour transformer leur groupe. Nous voulions savoir comment les aider à combler l’écart. Ce qu’ils nous ont répondu en général, c’est qu’ils avaient besoin de plus de médecins au service de consultation sans rendez-vous.

M.Q. — Qu’allez-vous faire ?

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M.-A.A. — La deuxième étape est d’aller rencontrer les omnipraticiens des urgences et des hôpitaux pour leur demander si, comme groupes, ils pourraient couvrir un certain nombre de plages dans les GMF pour permettre à ces derniers de devenir des GMF-R. Cela se ferait sur une base incitative. Souvent les médecins d’urgence et les médecins qui travaillent en établissement veulent contribuer à l’effort collectif. Ils nous disent : « Moi, je ne peux pas faire de la prise en charge, mais je peux pratiquer dans un service de consultation sans rendez-vous. »

M.Q. — Comment les médecins des GMF réagissent-ils à la perspective de transformer leur milieu de travail
en GMF-R ?

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M.-A.A. — J’ai été agréablement surpris de l’ouverture des médecins de GMF. Je pensais que j’aurais besoin de faire de la sollicitation, mais quand j’ai commencé à organiser des rencontres, j’ai eu des courriels et des appels téléphoniques de médecins qui voulaient me voir pour discuter de ce projet.

M.Q. — Quelle aide sera fournie au médecin qui pratiquera dans le service de consultation sans rendez-vous d’un GMF-R ?

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M.-A.A. — Il pourra compter sur une infirmière au triage, un service de prélèvements sanguins rapide, des corridors de service facilitateurs avec les hôpitaux pour le plateau technique et l’accès à l’accueil clinique de ces établissements de soins. Un budget pour tous les frais afférents est prévu.

M.Q. — Ce seront comme des mini-urgences ?

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M.-A.A. — Oui, tout à fait. Dans les deux cliniques-réseau qui existent ici, les médecins font des points de suture et des attelles plâtrées pour des fractures en attendant la consultation en orthopédie. Il y a également un service de radiologie à proximité.

M.Q. — Quel est le rôle précis
du GMF-R ?

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M.-A.A. — Son rôle est surtout de traiter les problèmes ponctuels des patients des catégories P4 et P5 pour désengorger les urgences. Le GMF-R permettra également aux personnes sans médecin de famille ou dont le médecin de famille est en vacances d’avoir une autre solution que l’urgence. Les urgences auront également des ententes avec les GMF-R pour leur envoyer leurs patients P4 et P5.

Notre plan d’action comporte, par ailleurs, un aspect très intéressant. Je souhaiterais que lorsqu’un patient P4 ou P5 se présente à l’urgence, il soit dirigé non pas vers le GMF-R, mais vers son médecin de famille s’il en a un. On y travaille actuellement. Le Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière a justement mis sur pied un projet pilote à Joliette pour orienter les patients venant à l’urgence vers leur médecin.

M.Q. — Comment est-ce que cela fonctionne ? Si l’infirmière de l’urgence s’aperçoit que le patient P4 ou P5 qui se présente a un médecin de famille, elle appelle ce dernier ?

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M.-A.A. — Oui, elle téléphone à la secrétaire pour lui dire : « J’ai un patient du Dr Untel. Pourrait-il le voir aujourd’hui ou demain ? » Il y a toutefois certains critères à respecter. Par exemple, on n’envoie pas un patient qui va avoir besoin d’une hospitalisation chez son médecin de famille. Le patient est également libre d’accepter ou de refuser. Certaines personnes n’ont pas de transport et préfèrent donc attendre à l’urgence. C’est une option qui leur est offerte.

La première étape dans un projet comme celui de Joliette est de créer des liens avec les cliniques pour leur envoyer les patients P4 et P5 de l’urgence. Cela a été fait.

M.Q. — Quelle est la réaction des médecins de famille qui ont été contactés ?

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M.-A.A. — J’ai été agréablement surpris : 95 % des médecins du nord de Lanaudière ont embarqué quand l’infirmière du projet pilote a communiqué avec eux. Des ententes ont été conclues. C’est très intéressant, car on voit l’ouverture des omnipraticiens qui travaillent en solo ou dans de petits groupes qui ne sont pas nécessairement des GMF ou des cliniques-réseau. On veut exporter ce projet dans la partie sud de Lanaudière. Un projet similaire existerait déjà sur le territoire Charles-LeMoyne dans le CISSS de la Montérégie-Centre, et le taux de réponse des médecins serait également bon. Je pense que cette manière de procéder pourrait être étendue à tout le Québec. Il faut redonner aux patients l’habitude d’appeler leur médecin de famille quand ils ont un problème de santé.

M.Q. — Les médecins participants doivent cependant fonctionner selon une forme d’Accès adapté.

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M.-A.A. — On aborde le deuxième volet du plan d’action : faire en sorte que les médecins de famille puissent voir leurs patients quand ceux-ci en ont besoin. Les omnipraticiens qui le font vont éventuellement faire pression sur leurs collègues qui n’ont pas encore adopté une forme d’Accès adapté. Nous allons communiquer avec ces derniers pour les aider. Mon objectif est de former une équipe tactique d’infirmières, de médecins et de secrétaires qui ira dans les cliniques qui en auront besoin. Ils seront un peu des ambassadeurs. Ils pourront répondre aux questions et proposeront des solutions pratiques. Ils seront en mesure d’épauler les médecins et leur équipe pour mettre en œuvre l’Accès adapté ou simplement pour garder un certain nombre de plages de rendez-vous libres pour les urgences. Les membres de l’équipe ont déjà été choisis. Ils iront dans les cliniques qui en feront la demande.

M.Q. — Le troisième volet de votre plan touche l’inscription. Quel est le taux de patients inscrits dans votre région ?

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M.-A.A. — Il est parmi les plus faibles du Québec : 50 % dans les Laurentides et 58 % dans Lanaudière. La majorité des omnipraticiens veulent offrir un service de qualité, être accessibles, contribuer à l’amélioration de la prise en charge. Il faut cependant qu’ils sachent où ils en sont, combien ils ont de patients inscrits, quel est le taux d’assiduité de ces derniers. Notre association va donc leur transmettre ces données et faire le suivi. On va demander, toujours sur une base volontaire, à ceux qui ont entre 500 et 1500 patients d’en prendre un de plus par semaine, soit 50 par année, et à ceux qui en ont plus de 1500, un toutes les deux semaines, comme le suggère la FMOQ.

M.Q. — Aurez-vous besoin de plus de médecins pour atteindre la cible de 85 % de patients inscrits dans votre région ?

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M.-A.A. — Si on réalise que dans Laurentides-Lanaudière on a encore un bon nombre de patients qui n’ont pas de médecin de famille malgré le fait qu’on ait suivi le plan et que les omnipraticiens aient atteint la cible de patients fixée, mon souhait serait que l’on en tienne compte dans l’attribution des plans régionaux d’effectifs médicaux. Il y aura, au Québec, un ajout net annuel d’environ 200 nouveaux médecins au cours des trois prochaines années.