En fin... la facturation

Nouvelle nomenclature et collaboration interprofessionnelle

Michel Desrosiers  |  2016-09-26

Plusieurs médecins se sont initialement débattus pour comprendre la nouvelle nomenclature en cabinet, à domicile, en CLSC et en UMF. D’autres y ont vu un moyen de faciliter la pratique interprofessionnelle. Discutons-en !

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Vous avez maintenant apprivoisé les situations qui donnent accès à la tarification réservée au médecin traitant et aux visites prénatales. Peut-être avez-vous passé rapidement sur les exigences propres à chaque visite. Revoyez-les dans les encadrés 1 et 2 qui traitent des visites les plus courantes dans le cadre d’un suivi longitudinal.

Encadré 1

Collaboration interprofessionnelle et pratique autonome

Les différents professionnels avec lesquels un médecin peut être appelé à exercer sont autonomes, du moins à l’intérieur d’un cadre réglementaire ou légal. Le rôle et la participation du médecin peuvent varier selon le type de professionnels avec qui il exerce et selon la situation de chaque patient. Son droit à rémunération pour son appui à un autre professionnel ou pour sa participation au suivi d’un patient dépend de ce rôle. Revoyons donc le cadre d’exercice des professionnels avec lesquels les médecins travaillent le plus fréquemment.

Infirmière auxiliaire

L’infirmière auxiliaire peut principalement poser des gestes techniques, conformément à une ordonnance individuelle ou à un plan de soins infirmiers. Elle peut contribuer à l’évaluation de l’état de santé d’une personne, mais ne peut le faire de façon autonome. Elle ne pourrait pas, par exemple, évaluer le degré de maîtrise du diabète d’un patient et fixer une fréquence de suivi subséquent sans consulter un médecin. Elle pourrait changer le pansement d’une plaie conformément à une ordonnance, sans que le médecin ne soit tenu de revoir systématiquement le patient. Toutefois, en présence d’infection, un médecin devrait juger si le traitement peut demeurer le même ou si un nouveau est nécessaire.

Dans le cadre du suivi d’un enfant ou d’une femme enceinte, une infirmière auxiliaire peut mesurer différents paramètres objectifs (pression artérielle, poids, hauteur de l’utérus, protéines dans les urines), mais ne peut pas en tirer de conclusions de façon autonome ni donner congé au patient sans une évaluation, selon le cas, par un médecin ou une infirmière.

Infirmière licenciée, clinicienne ou bachelière

L’infirmière licenciée a une plus grande autonomie que l’infirmière auxiliaire. Elle peut notamment effectuer une évaluation de l’état de santé physique ou mentale d’une personne. Toutefois, son degré d’autonomie et de compétence peut varier, tout comme pour les médecins. De plus, elle peut exécuter certaines activités seulement dans le cadre d’une ordonnance individuelle ou collective. Dans certains cas, l’infirmière doit avoir reçu une formation pour exercer des activités spécifiques, comme décider de la forme de pansement approprié pour une plaie ou appliquer certains médicaments topiques. Elle pourrait alors faire appel au médecin seulement lorsqu’une modification importante au traitement lui semblerait nécessaire.

Une infirmière licenciée peut contribuer au suivi clinique du développement d’un enfant ou de l’évolution d’une grossesse. Dans le cadre d’un protocole de suivi conjoint, elle pourrait donc conclure qu’un enfant ou une patiente enceinte n’a pas besoin d’intervention médicale et lui permettre de partir sans être vu par le médecin.

Encadré 2

Infirmière praticienne spécialisée en soins de première ligne

L’infirmière praticienne spécialisée en soins de première ligne (IPS-SPL) a un plus grand degré d’autonomie que l’infirmière licenciée. Grâce à sa formation spécialisée, elle peut évaluer différents problèmes de santé courants ou diverses maladies chroniques stables dans le cadre d’un plan de traitement établi par un médecin. Elle peut alors décider du traitement, sans devoir se conformer à une ordonnance collective. Le médecin n’a donc pas à revoir les patients. Toutefois, lorsque la situation dépasse ses limites, elle doit faire appel à un médecin, qui évaluera le patient et décidera du traitement ou des examens requis. Dans le cadre d’un suivi de grossesse, l’ACPM recommande que la patiente soit vue en alternance par le médecin partenaire.

Vous aurez compris que le médecin qui travaille en collaboration avec une infirmière auxiliaire doit évaluer chaque patient avant ou après cette dernière (à moins que l’évaluation ne soit faite par une infirmière licenciée ou une IPS-SPL). La décision relative aux examens paracliniques et au traitement appropriés reviendra toujours au médecin. Que l’infirmière auxiliaire ait participé à différents aspects du service et les ait notés au dossier n’enlève rien au fait que c’est le médecin qui effectue l’évaluation ou l’examen du patient, qui pose le diagnostic et qui décide de la suite.

De façon inverse, le médecin ne sera généralement pas appelé à voir les patients après l’IPS-SPL. C’est à la demande de cette dernière ou en raison de préoccupations parti­culières liées aux problèmes de ces patients qu’il devra les évaluer. C’est seulement dans ces situations qu’il pourra facturer une visite. En l’absence d’un tel besoin, le médecin ne respecterait pas les exigences des différentes visites.

C’est donc lors des activités d’une infirmière licenciée que le droit du médecin à la rémunération pour les différentes visites se pose. Le médecin peut se demander si le simple « contact » avec un patient pour le saluer, par exemple, à la fin de la consultation avec l’infirmière suffit pour réclamer une visite de suivi. Bien que ce geste puisse répondre à l’exigence minimale de cette visite, il ne faut pas oublier que la Loi sur l’assurance maladie définit les services assurés comme ceux qui sont « rendus par les médecins et requis sur le plan médical ». Il est donc peu probable qu’un tel contact sans « utilité médicale » réponde à cette exigence. Si la RAMQ devait contester la facturation d’un médecin dans un tel contexte, un comité de révision devrait établir si une telle pratique est « requise sur le plan médical ».

Il ne faut pas oublier qu’en plus des exigences du libellé d’une visite, la Loi sur l’assurance maladie exige qu’un service soit « requis sur le plan médical » pour être rémunéré par la RAMQ.

Toutefois, dans la mesure où l’intervention du médecin contribue à préciser des éléments de l’évaluation, à poser le diagnostic, à raffiner le plan d’évaluation ou à décider du traitement, on peut supposer qu’elle est requise sur le plan médical. C’est une fois que « l’utilité » de son intervention est établie que le médecin doit se demander si elle répond aux exigences de la visite spécifique en cause.

Espérons que vous comprendrez maintenant mieux les formes de pratique interprofessionnelle qui peuvent donner droit à la rémunération pour des services dans le cadre de la nouvelle nomenclature. Le mois prochain, nous traiterons de l’aide médicale à mourir. D’ici là, bonne facturation ! //