Gestion pratique

Le programme GMF et le travail interprofessionnel

Marianne Casavant  |  2016-03-29

En novembre 2015, après plusieurs mois d’analyse et de réflexions, le ministre de la Santé et des Services sociaux présentait son nouveau programme de financement et de soutien professionnel destiné aux groupes de médecine de famille (GMF). Bien que l’assise principale demeure toujours l’inscription des clientèles, la nouvelle formule met un accent particulier sur l’encadrement du patient par l’ajout de professionnels.

Mme Marianne Casavant est conseillère en politique de santé à la direction de la Planification et de la Régionalisation de la FMOQ.

De plus en plus intégrée aux pratiques, l’approche interprofessionnelle vient renforcer le suivi des patients. Par ailleurs, l’intégration des nouvelles ressources au sein de l’équipe médicale nécessite une adaptation bien planifiée dans l’organisation du travail. Cette adaptation suppose très tôt, dans le processus de recrutement, que chacune des parties partage une compréhension commune de leurs rôles et de leurs responsabilités.

Mise en œuvre du nouveau programme

La migration des GMF vers le nouveau programme s’effectuera en trois vagues établies en fonction de la date d’échéance de leur convention. Les GMF dont la convention est échue ou vient à échéance avant le 31 mars 2016 représentent 87 % des GMF accrédités. Pour maintenir leur statut, ces derniers doivent déposer une demande d’adhésion au plus tard le 15 mars 2016 en vue d’une reconnaissance officielle au 1er avril. À partir de cette date, les médecins adhérant au programme devront certes honorer leurs engagements, mais les CISSS-CIUSSS devront, eux aussi, de leur côté, être disposés à répondre positivement à leurs obligations.

Collaboration interprofessionnelle

Le nouveau programme met l’accent sur la collaboration interprofessionnelle. Il prévoit une équipe médicale main­tenant composée non seulement d’infirmières cliniciennes, mais aussi d’autres professionnels parmi les suivants : travailleurs sociaux, pharmaciens, nutritionnistes, kinésiologues, physiothérapeutes, ergothérapeutes, inhalothérapeutes ou psychologues. Le modèle revu vise une pratique conjointe entre les médecins et les professionnels par la mise en com­mun des compétences de chacun et une communication convenue fondée sur l’atteinte d’un même objectif : le bien-être des patients. Cette collaboration représente une importante valeur ajoutée aux services que rendent les médecins de famille.

Le médecin : chef de l’équipe interprofessionnelle

Bien que l’équipe de soins s’agrandisse, il convient de souligner que le GMF demeure, à la base, un groupe de médecine de famille. Les GMF sont dirigés par des médecins. Le nouveau programme et l’intégration de nouvelles ressources n’enlèvent rien au fait que l’omnipraticien, en raison de sa polyvalence, doit être le chef de l’équipe des soins de première ligne. Il reste l’expert de l’approche globale, des soins continus et de l’intégration des problèmes de santé de ses patients. Le médecin est le personnage central vers qui conver­gent les autres membres de l’équipe, qui le tiennent informé des divers plans de traitement.

On comprend donc, dans un tel contexte, que la participa­tion des médecins dans la composition de l’équipe est importante. En tant que responsables du suivi des patients, les mé­de­cins doivent être en mesure de bien circonscrire les be­soins de leur clientèle. C’est à partir de cet exercice que les tâches des différents professionnels avec lesquels ils travailleront seront définies. C’est pourquoi, il est nécessaire, au moment du lancement du nouveau programme GMF, de bien établir les rôles et responsabilités du GMF et du CISSS-CIUSSS, que ce soit par rapport au processus d’embauche des professionnels ou à la gestion quotidienne du GMF.

Sélection et choix des professionnels : les rôles respectifs des GMF et des CISSS-CIUSSS

À l’exception du pharmacien avec qui le GMF peut convenir directement d’une entente de service, tous les autres professionnels de la santé que prévoit le programme doivent être sélectionnés parmi les personnes à l’emploi du CISSS-CIUSSS. Ces liens d’emploi sont une condition sine qua non au soutien professionnel en GMF. Ainsi, attendons-nous au cours des prochains mois à ce que les relations entre un GMF et son CISSS-CIUSSS s’intensifient.

Des modalités de dotation et d’intégration du personnel sont précisées dans les fiches accessibles sur le site Internet du MSSS. Elles sont cependant peu explicites à l’égard des rôles et des responsabilités que partagent les médecins du GMF et les professionnels de la santé. Une bonification est souhaitable.

Le transfert des ressources des CISSS-CIUSSS vers les GMF s’inscrit dans une logique de prêt de services. Les établissements maintiennent donc sur les professionnels de la santé une autorité de nature administrative, de même que sur l’évaluation des actes cliniques. Suivant le processus de sélection auquel auront participé les médecins du GMF, ce sont les CISSS-CIUSSS qui affecteront le personnel aux GMF. L’autorité fonctionnelle, c’est-à-dire sur la nature du travail à effectuer à l’intérieur du champ de pratique respectif des professionnels, relève quant à elle des médecins du GMF. Ainsi, le financement et l’encadrement pour assurer la qualité des actes des professionnels est du ressort du CISSS-CIUSSS, mais tout ce qui concerne le fonctionnement dans le groupe, dans les limites du champ d’exercice respectif de chacun, les tâches à accomplir, les horaires et les congés relèvent des médecins du GMF.

L’importance de la participation des médecins dans le processus de sélection

Dès la confirmation de l’adhésion au programme GMF, le CISSS-CIUSSS dispose d’un délai de trois mois pour allouer le personnel infirmier, les travailleurs sociaux et, le cas échéant, les autres professionnels au GMF. Les établissements ont le devoir d’octroyer les ressources aux GMF dans les temps impartis, mais ils ont aussi la responsabilité d’orienter et d’accompagner les médecins dès le début du processus d’embauche et d’intégration des professionnels du GMF.

Quant aux médecins, ils doivent être en mesure de bien exprimer leurs besoins. De plus, ils devraient participer à chacune des étapes du processus de sélection des candidats.

Malheureusement, bien des médecins ont tendance à né­gli­ger leur rôle dans le recrutement. Dès le début du pro­cessus d’adhésion au programme GMF, les médecins doivent connaître leur clientèle et en avoir un recensement exhaustif. Ce portrait devrait guider les choix que feront les médecins pour dresser la liste des activités cliniques des professionnels qui viendront les soutenir dans leur pratique.

Par ailleurs, la connaissance des modalités de recrutement du programme GMF façonnera la dynamique entre le CISSS-CIUSSS et le GMF. Fréquemment mal comprise par les par­ties, l’adoption parfois non concertée d’un processus de sélection entraîne des insatisfactions de part et d’autre.

Depuis les dernières années, il est frappant de constater à quel point les médecins remettent peu ou pas en question les façons de faire du CISSS-CIUSSS. Plusieurs acceptent trop souvent d’être mis à l’écart des démarches de recrutement. Les établissements ne sont généralement pas de mauvaise foi, mais craignent plutôt de transgresser les règles des conventions collectives qui ne sont pas toujours claires à leurs yeux. Les médecins ont alors l’impression que leur participation au processus est incompatible avec les règles en vigueur dans le réseau public. C’est ainsi qu’ils abandonnent leurs responsabilités en matière de recrutement du personnel du GMF pour se soumettre aux modalités indiquées par l’établissement.

Pourtant, malgré les conventions collectives en vigueur qui encadrent les professionnels du réseau de la santé, les mé­decins disposent d’une importante marge de manœuvre pour sélectionner leurs candidats. Le principal levier réside dans la collaboration qu’entretiendront les médecins avec leur CISSS-CIUSSS pour procéder à la description et à la définition des tâches attendues pour pourvoir les postes affichés. De même, la grille d’entrevue devrait être construite conjointement par les parties.

Conclusion

Par rapport à l’ancien cadre de gestion, le nouveau programme GMF vient bonifier les ressources professionnelles allouées pour soutenir les médecins dans leur pratique. Bien sûr, ces changements exigent des adaptations dans les façons de travailler. L’accent est davantage mis sur la collaboration interprofessionnelle. Il devient ainsi de plus en plus évident que pour atteindre les objectifs de suivi des clientèles, l’équipe doit partager une même vision, un même but.

La complémentarité des compétences doit permettre d’assurer la cohésion du groupe. C’est pourquoi le processus d’embauche est une étape importante. Une démarche conjointe entre le GMF et le CISSS-CIUSSS est non seulement essentielle, mais incontournable. Le 1er avril 2016, la vaste majorité des GMF auront adhéré au nouveau programme. Retenons que plus les médecins participeront au processus de dotation, plus l’expérience sera positive. //