En fin... la facturation

Évaluation médicale en vue d’une tutelle ou d’une curatelle

Michel Desrosiers  |  2017-10-30

À en juger par la fréquence des questions que vous nous posez, vous semblez souvent appelés à effectuer des évaluations en vue de l’ouverture d’un régime de protection. Nous avons déjà écrit sur ce sujet, mais certains changements apportés en 2016 à la rémunération des évaluations médicales en vue de l’ouverture d’un tel régime semblent être passés inaperçus. Traitons-en !

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

La situation auparavant

Les médecins connaissent bien les différents formulaires destinés aux compagnies d’assurances et à d’autres tiers, mais moins les rapports d’évaluation à remplir en vue de l’ouverture d’un régime de protection (tutelle ou curatelle). Il y a essentiellement deux contextes pouvant entraîner de telles demandes : lorsque le personnel d’un établissement constate le besoin d’un de ses patients ou lorsque des membres de la famille ou des proches d’une personne ont un tel besoin. Le Curateur public ne demande pratiquement pas d’évaluation.

Quand nous avons traité de ce sujet dans la présente chronique entre décem­bre 2015 et février 2016, les honoraires du médecin qui effectuait l’évaluation étaient acquittés par différentes personnes selon les circonstances. Lorsque la demande était faite par le Curateur public, l’évaluation et la production du rapport étaient rémunérées par la RAMQ. Lorsque la demande venait de l’établissement, c’est ce dernier qui en acquittait le coût. Enfin, lorsque la demande était présentée par des membres de la famille ou des proches d’un patient, c’était eux qui devaient payer les honoraires.

Cette situation venait du fait que de telles évaluations ne sont pas requises sur le plan médical et ne constituent donc pas des services assurés ou rémunérés par la RAMQ, à moins d’une exception au principe général. Or, à la suite de la publication de nos articles, la responsabilité du paiement de l’ensemble de ces évaluations a été confiée à la RAMQ par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Les textes de l’Entente ont été modifiés en conséquence.

Depuis le 15 mai 2016, le code 98009 s’applique à l’évaluation médicale relative à une mesure de protection, notamment lorsque la demande émane d’un établissement ou encore de la famille ou des proches d’une personne.

La situation actuelle

Une précision a été apportée à la lettre d’entente no 223 pour que certains des services non assurés visés soient rémunérés en vertu d’un programme confié à la RAMQ. Élément plus important du point de vue des médecins, la description des services a aussi été modifiée. Ainsi, depuis le 15 mai 2016, le code 98009 correspond au service qui se nomme : Évaluation médicale relative à une mesure de protection (tutelle ou curatelle). Cette évaluation a pour but de déterminer si une personne est apte à prendre soin d’elle-même ou à adminis­trer ses biens, dans le but d’instaurer ou de modifier une mesure de protection. C’est dire que de telles évaluations, qu’elles soient demandées par un établissement ou une famille (ou le Curateur), sont main­tenant payées par la RAMQ.

La production du rapport est comprise dans le service. Il n’est donc pas possible de cumuler la facturation de ce service avec celle des rapports visés par les codes 09825 ou 09826.

Comme la lettre d’entente no 223 couvre dorénavant l’évaluation, elle inclut également le témoignage du médecin en Cour. Le médecin peut donc se prévaloir de la rétribution prévue non seulement pour la durée de son témoignage, mais aussi pour tout son temps de présence à la Cour (attente pour témoigner).

Vous noterez que comme on parle « d’évaluation médicale », et non d’évaluation psychiatrique, l’évaluation peut viser des problèmes autant de nature médicale que psychique. Si vous estimez ne pas avoir la compétence pour effectuer l’évaluation ou pour produire le rapport, n’hésitez pas à orien­ter le patient vers un médecin qui est en mesure de le faire. Mieux vaut procéder ainsi que de remettre un rapport qui ne pourra servir aux fins demandées.

Services qui demeurent non rémunérés

Certains lecteurs peuvent avoir l’impression que tous les services qui découlent de l’évaluation de la compétence d’une personne en vue de l’ouverture d’un régime de protection seront dorénavant payés par la RAMQ. Ce n’est pas le cas. Certains volets liés à ces évaluations ne sont toujours pas rémunérés par la RAMQ :

h le temps de discussion entre le médecin et l’avocat au dossier pour préparer son témoignage ou pour discuter de son rapport (à moins que la discussion n’ait lieu dans le cadre de l’évaluation ou pendant la présence à la Cour) ;

h la perte de revenus du médecin si la comparution en Cour devait être annulée avec un préavis très court ou sans préavis et que le médecin n’était pas en mesure de modifier son horaire.

De plus, l’évaluation de la capacité de­mandée dans un autre contexte, par exemple par un notaire qui doit faire le testament d’une personne dont la compétence pourrait être remise en doute, ne constitue pas un service rémunéré par la RAMQ. Il en va de même de la présence à la Cour lié à une évaluation non rémunérée par la RAMQ et de l’annulation d’une telle présence sans que le médecin puisse modi­fier son horaire.

Dans ces trois dernières situations (évaluation, témoignage, annulation d’un té­­moi­­gnage), le médecin a donc intérêt à convenir d’une rémunération avec le notaire ou la personne qui lui demande de faire l’évaluation.

En ce qui a trait à l’annulation de la présence du médecin à la Cour pour une évaluation dans le cadre de la lettre d’entente no 223, il est aussi prudent de convenir d’une rémunération au moment de la demande d’évaluation initiale. Cette entente doit être conclue entre le médecin et l’établissement qui lui fait la demande ou la famille ou les proches de la personne. Dans de très rares cas, ce pourra être avec le Curateur public même. Il en va de même pour les discussions avec l’avocat du demandeur, en dehors du cadre de l’évaluation ou de la présence à la Cour.

Qualité des rapports

Un dernier élément est digne de mention, soit la qualité des rapports produits. Le Curateur public a révélé aux parties négociantes qu’il était souvent dans l’impossibilité d’utiliser les rapports aux fins visés, car ils ne sont pas basés sur un examen spécifique (examen ancien ou rapport d’évaluation du travailleur social) ou que les réponses manquent de précision (atteinte de la mémoire sans en indiquer la nature, par exemple). Le formulaire a été modifié l’été dernier en partie pour cette raison. Les attentes ont été précisées dans le guide qui l’accompagne. En cas de doute, vous pouvez communiquer avec un médecin de la Direction médicale et de consentement aux soins du Curateur public. Le Collège des médecins doit aussi pro­duire un guide sur l’évaluation des capacités des patients.

Il est prudent de convenir avec le demandeur d’une rémunération ou d’une compensation pour le temps de discussion avec l’avocat au dossier pour préparer votre témoignage, pour discuter de votre rapport en dehors de votre présence à la Cour et en cas d’annulation de votre présence sans que vous soyez en mesure de modifier votre horaire.

Il semble que certains rapports soient inutilisables. Si l’auteur doit ajouter de l’information manquante au rapport initial, il ne s’agira pas d’un nouveau service facturable.

Comme auteur d’une évaluation ou d’un rapport, vous pouvez être appelés à ajou­ter des éléments manquants à votre rapport initial de façon à ce qu’il réponde au besoin, voire à refaire certains volets de votre évaluation initiale. Comme ces reprises sont nécessaires parce qu’il manquait des éléments dans votre évaluation ou votre rapport initial, vous ne pouvez exiger un nouveau paiement. Toutefois, si vous devez faire une nouvelle évaluation ou un nouveau rapport parce que l’état du patient s’est modifié de façon considérable entre la date du rapport initial et le moment de cette nouvelle évaluation, il s’agit d’un nouveau service. Vous êtes alors en droit de demander une rémunération.

Si l’auteur initial d’un rapport inadéquat refuse de le corriger ou de le remplir et que l’établissement ou la famille doit faire appel à un nouveau médecin, la RAMQ pourrait remettre en cause la facturation du premier médecin. Elle devra alors déterminer de quelle situation il s’agit parmi les deux décrites ci-dessus : un service qui n’a pas été effectué ou une nouvelle évaluation du fait de l’évolution de la situation du patient.

Espérons que ces quelques informations vous permettront de vous y retrouver si on vous demandait d’effectuer de telles évaluations. Le mois prochain, nous traiterons de la facturation de la visite de prise en charge d’une grossesse. D’ici là, bonne facturation ! //