Droit au but

Le travail d’équipe – VI

établir des rôles clairs et consensuels

Christiane Larouche  |  2017-11-28

Bien que les études continuent d’émerger, il est désormais admis que le travail en équipe constitue le modèle de soins le plus susceptible de répondre aux besoins actuels et futurs de la population, notamment quant aux soins curatifs, préventifs ou ceux qui sont liés aux maladies chroniques.

Me Christiane Larouche, avocate, travaille au Service juridique de la FMOQ.

C’est ainsi que les équipes de première ligne comptent d’au­tres professionnels que les médecins. Accueillir de nouvelles personnes dans son équipe est une chose, les intégrer véritablement pour former un groupe efficient et animé par la volonté de répondre aux besoins des patients en est une autre. La clarté du rôle et des responsabilités des membres de l’équipe figure au nombre des ingrédients. Nous y consacrons notre 6e article sur le travail en équipe.

Acquérir de nouvelles connaissances

Le travail en équipe en soins de première ligne a pour but de permettre une redistribution stratégique du travail afin de mieux satisfaire les besoins des patients1. Médecins de famille et infirmières y sont les piliers d’une nouvelle offre de soins intégrés et coordonnés. Travailleurs sociaux, pharmaciens, diététistes, kinésiologues, etc. se joignent à eux pour répondre aux besoins plus particuliers de la patientèle, tant sur les plans préventif que curatif. Les professionnels soignants sont soutenus par le personnel administratif. Ce dernier est essentiel au bon fonctionnement de l’équipe dont il fait partie intégrante.

Qu’il fasse partie de l’équipe soignante ou administrative, chaque membre possède un bagage de connaissances, d’habiletés et d’habitudes de travail influencé par la culture et les normes organisationnelles des milieux où il a préalablement travaillé. La mise en commun de ces diverses expériences et compétences ne va pas de soi.

Pour ces raisons, l’attribution des rôles et des responsabilités au sein de l’équipe exige l’acquisition de nouvelles connaissances par tous, notamment sur les champs d’exercice pro­fes­sionnel. Le but ultime est de parvenir à déterminer qui peut faire quoi et de maximiser l’apport de chacun1. Le succès de cette démarche requiert de l’ouverture et une adhésion aux valeurs à la base du travail en équipe.

Figure

Revoir les processus en cours

Comme on l’a vu dans nos articles précédents, pour devenir efficients et éprouver de la satisfaction à travailler ensemble, les membres d’une équipe doivent d’abord posséder une vision claire de ce qu’ils souhaitent accomplir2. Ils doivent avoir établi des objectifs précis pour mieux répondre aux besoins de la patientèle afin d’accroître l’offre de services en prévention, de réduire les délais d’accès, d’augmenter le nombre de patients inscrits, d’améliorer l’atteinte de certains indicateurs de santé pour des groupes ciblés, d’accroître la satisfaction des patients, etc.3.

Le choix des stratégies pour parvenir aux objectifs ciblés nécessite une analyse rigoureuse des processus de répartition du travail en cours afin d’établir les intervenants concernés, les actions effectuées et les délais. Cette analyse révélera les zones d’amélioration possibles en ce qui a trait à la répartition des tâches ainsi qu’à la coordination des soins et des communications entre les membres et avec les patients.

De façon générale, on considère que le travail d’une équipe de première ligne se divise en trois périodes distinctes : avant, pendant et entre les visites1,4,5 (figure1).

L’évaluation des trois périodes d’activités comprend tout autant celle du personnel clinique que du personnel administratif, dont les actions sont souvent interreliées.

Avant les visites

L’analyse des tâches effectuées avant les visites permettra notamment d’apprécier l’efficience des processus liés à la prise des rendez-vous, aux rappels, à l’obtention des documents ou des rapports préalablement demandés, etc. La planification des visites s’avère particulièrement importante pour les personnes qui présentent un problème de santé complexe ou une maladie chronique4. Dans ce cas, la disponibilité des résultats de laboratoire ou d’autres tests et la planification des services requis lors de la visite s’avèrent éminemment pertinentes. Une préparation adéquate favorisera un modèle de soins proactif plutôt que réactif permettant aux membres de l’équipe d’anticiper, de coordonner et d’adapter les soins au moment requis4.

Tableau I

Pendant les visites

L’analyse des processus liés aux tâches accomplies pendant les visites mettra en évidence la trajectoire des patients lors d’une visite et la capacité des membres de l’équipe de répondre de façon intégrée et cohérente à leurs besoins. On souhaitera rendre chaque déplacement le plus efficace possible pour le patient. La participation des autres professionnels à la visite médicale sera adaptée aux circonstances. Une infirmière auxiliaire pourrait être utile pour accueillir les patients, prendre leurs signes vitaux et autres données de base et faciliter l’évaluation de leur état.

Dans le cas des patients ayant un problème de santé complexe ou une maladie chronique, une infirmière technicienne ou clinicienne pourrait contribuer à l’efficacité des visites, avant ou après la consultation avec le médecin, en rencontrant les patients pour procéder à des évaluations générales ou ciblées, pour discuter du plan de traitement et de son évolution, réaliser des entrevues motivationnelles, fournir de l’éducation, préparer la prochaine visite et répondre aux questions. Des visites conjointes avec le médecin peuvent également s’avérer pertinentes, notamment lors de la mise en œuvre ou de l’ajustement d’un plan de suivi collaboratif, permettant ainsi au patient et aux professionnels d’en établir un. Dans un tel cas, l’infirmière technicienne ou clinicienne pourrait assumer seule une partie du suivi en dirigeant le patient vers le médecin selon le plan convenu. De façon générale, l’apport des infirmières devrait améliorer la capacité du médecin de4 :

h concilier la liste des médicaments ;

h mettre à jour les antécédents médicaux, familiaux et sociaux ;

h fournir les services de vaccination et autres soins ;

h prendre les mesures de dépistage recommandées pour certains problèmes ;

h aider les patients à préparer leur visite et les inciter à participer activement à leur suivi ;

h offrir les services préventifs, au besoin ;

h transmettre toutes les informations pertinentes au médecin.

Entre les visites

L’analyse des activités effectuées entre les visites des patients révélera pour sa part l’étendue des tâches accomplies par les membres de l’équipe pour assurer la continuité du suivi et maintenir l’engagement des patients. Le tableau I1 fournit une liste d’exemples de diverses tâches appartenant à chaque période.

Éléments à considérer

Qu’ils fassent partie des professionnels de la santé ou du personnel de soutien, tous les membres de l’équipe devraient participer au processus visant à définir les rôles et les responsabilités de chacun. Un consensus devrait émaner de l’exercice. Chacun devrait savoir précisément ce qui est attendu de lui et connaître ce que chaque autre membre de l’équipe fera. Pour mener à bien cette démarche, différents éléments devraient être envisagés (tableau II1).

Tableau II

L’ensemble des éléments à considérer décrit dans le tableau II modulera le partage des tâches et des responsabilités d’une équipe à l’autre. Il n’y a donc pas de recette unique. Par exemple, un nombre insuffisant d’infirmières rendra difficile le choix de leurs activités professionnelles au sein de l’équipe pour répondre aux besoins des patients.

Le partage des tâches exige une bonne connaissance des champs d’exercice professionnel et des activités réservées aux professionnels par les lois et règlements du Québec. Dans plusieurs cas, les activités réservées peuvent être accomplies en toute autonomie par les professionnels. Cependant, elles sont parfois assorties de conditions d’exercice, telles que l’obtention d’une ordonnance ou l’existence d’un protocole. Bien qu’un professionnel puisse être autorisé par une loi à exercer une activité qui lui est réservée, il y a également lieu de s’assurer qu’il possède les compétences et les qualifications requises à cette fin. À titre d’exemple, une infirmière pourrait n’avoir jamais pratiqué auprès d’une clientèle présentant des problèmes chroniques de santé mentale. Il faudrait donc en tenir compte au moment de la répartition des tâches.

Outre la révision du cadre légal entourant l’exercice des professionnels intégrés dans l’équipe, divers outils peuvent être consultés pour orienter la démarche de l’équipe. Les fiches d’intégration des professionnels en GMF publiées par le ministère de la Santé et des Services sociaux en sont un exemple6. En ce qui concerne les infirmières, la formation en ligne de la FMOQ intitulée « Engager une infirmière » fournit plusieurs outils pratiques permettant de bien distinguer les champs d’exercice et les différentes activités que peuvent accomplir les infirmières auxiliaires, techniciennes, cliniciennes ou praticiennes spécialisées en soins de première ligne au sein d’une équipe de première ligne.

Avec des rôles et des responsabilités bien définies, les mem­bres de l’équipe seront en mesure d’adopter des politiques, des protocoles et des ordonnances nécessaires pour modéliser l’organisation optimale de leur travail. Cela dit, il est important que l’équipe demeure flexible pour apporter les ajustements requis à son fonctionnement au fil du temps. De plus, il est essentiel de former plus d’une personne pour assumer le même rôle afin d’être en mesure de répondre aux besoins des patients en tout temps5. Cette flexibilité permettra notamment aux partenaires de se rendre compte que leur interdépendance est nécessaire pour assurer la cohérence et l’efficacité des processus cliniques. L’ensemble de ces processus contribuera au développement de nouveaux schèmes mentaux et à une responsabilisation de chacun des membres de l’équipe7. //

Bibliographie

1. Stout S, Klucznik C, Chevalier A et coll. Cambridge health alliance model of team-based care. Implementation guide and toolkit. Cambridge : Cambridge Health Alliance ; 2013. Site Internet : www.safetynetmedicalhome.org/sites/default/files/CHA-Teams-Guide.pdf (Date de consultation : août 2017).

2. Larouche C. Le travail d’équipe. Avez-vous une vision claire et des objectifs précis ? – III. Le Médecin du Québec 2017 ; 52 (4) : 53-6.

3. Larouche C, Paré I. Le travail d’équipe. Former une équipe sur mesure – IV. Le Médecin du Québec 2017 ; 52 (8) : 61-4.

4. Sinsky C, Rajcevich R. Steps Forward : Implementing team-based care to increase practice efficiency. Chicago : American Medical Association ; 2017. Site Internet : www.stepsforward.org/modules/team-based-care (Date de consultation : août 2017).

5. Schottenfeld L, Petersen D, Peikes D et coll. Creating patient-centered team-based primary care. Rockville : Agency for healthcare research and quality ; 2016. Site Internet : https://pcmh.ahrq.gov/page/creating-patient-centered-team-based-primary-care.

6. Ministère de la Santé et des Services sociaux. Guides d’intégration des professionnels en GMF. Québec : le Ministère ; 2017.

7. Association canadienne de protection médicale. Le renforcement de la commu­nication interprofessionnelle. Ottawa : l’Association ; 2011.