En fin... la facturation

La facturation de services de médecine esthétique – I

Michel Desrosiers  |  2017-07-27

Les médecins qui exercent en médecine esthétique peuvent erronément avoir l’impression que leur pratique a été épargnée par l’abolition des frais accessoires en janvier dernier. En ce qui a trait au médecin participant qui rend des services esthétiques, c’est mal comprendre l’encadrement de ces services. Revoyons le tout dans trois chroniques pour éviter la confusion.

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Le médecin participant qui rend des services de médecine esthétique doit se poser des questions que ne se posent pas ses collègues qui offrent des services courants. C’est parce que certains services qui peuvent sembler de nature « esthétique » sont traités comme des services assurés. Comme si ce n’était pas assez compliqué, le fait que certains services soient assurés ou non peut varier selon les régions du corps sur lesquelles les interventions sont effectuées.

L’encadrement de principe

Énoncer le principe général est simple : la loi prévoit que les services rendus par des médecins et qui sont requis sur le plan médical sont assurés. Un règlement vient préciser certaines situations dans lesquelles les services ne le sont pas, mais tient pour acquis que ce qui l’est est évident. La RAMQ est chargée d’appliquer ces règles advenant une demande de remboursement provenant d’un patient. Lorsqu’elle a de la difficulté à déterminer si un service est nécessaire sur plan médical, elle doit effectuer une analyse en trois étapes : ce que dicte le règlement, l’évaluation médicale du besoin de traiter une maladie et l’évaluation du genre de traitement proposé.

C’est donc dire que le médecin ne peut se fier simplement au fait qu’un service n’est pas inscrit dans le manuel de facturation. L’absence peut signifier que le service n’est pas assuré, mais aussi que l’entente est en retard sur l’évolution de la science médicale et que les parties négociantes doivent fixer un tarif pour le service. De plus, l’existence d’un code dans le manuel ne veut pas dire que le service est toujours assuré. Selon la nature ou l’emplacement du problème, le traitement pourra être assuré ou non.

Ce que prévoit le règlement

L’article du Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie décrit à l’article 22 les divers services qui ne sont pas assurés (encadré)*. Il énonce l’exigence générale de la loi et énumère certains services qui sont considérés comme offerts à des fins purement esthétiques. Comme la liste n’est pas exhaustive, il est possible que d’autres services non énumérés ne soient pas assurés. De plus, la formulation des exclusions demandée au médecin de déduire que certains services non énumérés sont assurés. À titre d’exemple, selon le règlement, la correction d’une cicatrice qui ne provoque pas d’interférence fonctionnelle, autrement qu’au visage ou au cou, n’est pas un service assuré. On doit donc comprendre que la correction des cicatrices au visage et au cou est un service assuré, même lorsque ces cicatrices n’entraînent pas d’interférence fonctionnelle.

Encadré

Le besoin de traiter une maladie

Si le règlement n’exclut pas un service de la couverture du régime et qu’on se questionne toujours, il faut ensuite se demander si le traitement d’un problème est « requis ». La Fédé­ration a demandé à la RAMQ de lui indiquer sa position sur le traitement de certains problèmes, comme les verrues et les lésions bénignes de la peau.

Selon la RAMQ, le traitement des verrues, sans égard à l’endroit où elles se trouvent sur le corps, constitue un traitement médical. Dans la mesure où le traitement employé est reconnu, le service sera donc assuré. Dans le cas des acrochordons, l’analyse doit être double. En principe, comme il s’agit de tumeurs bénignes, aucun traitement n’est requis. Par conséquent, leur exérèse n’est généralement pas assurée. Par contre, ces lésions peuvent donner lieu à du prurit ou s’accrocher à des morceaux de vêtements et peuvent saigner à la suite du grattage et parfois s’infecter. Dans de telles situations, leur exérèse peut être requis sur le plan médical. Le traitement sera alors assuré par le régime.

On arrive par la suite aux états bénins : vi­tiligo, rosacée non compliquée, xanthé­lasma et télangiectasies. Comme il ne s’agit pas de maladies, mais bien d’états bénins, aucun traitement n’est requis. Dans le cas du vitiligo, une biopsie sera parfois nécessaire afin d’établir l’existence d’une cause inflammatoire. La biopsie sera alors assurée, tout comme le traitement de l’état inflammatoire sous-jacent. Mise à part cette exception, les interventions pour « traiter » ces états ne sont pas assurées, quel que soit leur emplacement.

L’acné, une maladie ayant des manifestations cutanées, donne lieu à des lésions inflammatoires. Le traitement de l’inflammation est un service assuré. Toutefois, certains patients conservent des cicatrices permanentes lorsque leur acné a été très inflammatoire, des cicatrices dites en « pic à glace ». Comme il s’agit de séquelles, et non d’états actifs, le traitement vise à modifier l’apparence des cicatrices. Il faut alors appliquer le raisonnement réservé à la correction des cicatrices et conclure que le traitement de ces cicatrices sur le visage et le cou constitue un service assuré, mais ne l’est pas ailleurs sur le corps. Dans les rares cas où ces cicatrices produisent de l’accrochage, s’infectent ou causent un pru­rit qui n’est pas maîtrisé par des moyens conservateurs, le traitement chirurgical ailleurs qu’au visage et au cou pourrait alors être assuré.

Si le règlement n’exclut pas un service de la couverture du régime, il faut ensuite se demander si le traitement d’un problème est « requis », exigence de principe pour qu’un service soit assuré.

La même analyse s’applique au traitement des chéloïdes, soit les cicatrices hypertrophiques cutanées qui se produisent chez certains individus après un traumatisme. Durant le processus de cicatrisation, des injections intralésionnelles de corticostéroïdes visant à réduire l’inflammation seraient assurées. Par contre, une fois formées, les chéloïdes deviennent une séquelle d’une lésion ancienne. Leur correction n’est alors assurée que si elles se trouvent sur le visage et sur le cou. Sauf exception, il s’agirait d’un service non assuré ailleurs sur le corps.

Certains services esthétiques peuvent parfois être assu­rés. Nous en traiterons le mois prochain, puis nous parle­rons des répercussions de la nature du traitement. D’ici là, bonne facturation ! //

*De façon très exceptionnelle, certains services exclus peuvent être assurés. C’est le cas lorsqu’un problème exclu occasionne une atteinte fonctionnelle psychologique. Par exemple, un jugement de la Cour des petites créances a statué que la dermabrasion de tatouages au visage est assurée lorsque le tatouage est associé au passé de toxicomane d’une personne en réadaptation et que leur présence nuit à la réadaptation. En cas de doute, il faut faire une demande d’autorisation préalable à la RAMQ (sujet du mois prochain).