En fin... la facturation

La facturation de services de médecine esthétique– II

Michel Desrosiers  |  2017-08-29

Nous avons vu, le mois dernier, que nos intuitions personnelles en ce qui a trait à la couverture des services esthétiques peuvent diverger de ce que prévoit la loi. Reste à traiter d’autres services esthétiques qui sont parfois assurés, avant d’aborder un troisième critère d’analyse, soit de savoir s’il s’agit d’un traitement reconnu.

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Services assurés sur autorisation de la RAMQ

Nous avons vu que certains services de nature esthétique peuvent être assurés, par exemple lorsqu’ils sont effectués sur le visage. Or, certains services peuvent être requis ou non, non pas en fonction de leur emplacement, mais bien selon le contexte. C’est une application concrète de certaines des règles du règlement dont nous avons discuté le mois dernier. Il s’agit de services qui sont le plus souvent esthétiques, mais qui peuvent être requis pour des raisons médicales. Ces services sont énumérés dans le tableau. La RAMQ indique ces situations dans un avis qui informe le médecin qu’une autorisation préalable de la RAMQ est requise. L’avis est parfois inscrit immédiatement sous le service dans le Manuel de facturation, mais d’autres fois, il se trouve au début de l’onglet ou de la section pertinente. Un as­té­risque ou un double astérisque attire aussi l’attention du médecin sur un avis administratif indiquant qu’il doit fournir le numéro d’autorisation préalablement accordé par la RAMQ.

Pour être assuré, le type de traitement proposé doit être reconnu comme moyen de traiter le problème. Autrement, il ne sera pas assuré par la RAMQ.

À titre d’exemple, la microgreffe capillaire de cheveux est ma­ni­festement une solution à un problème lié à l’apparence et semble donc de nature esthétique. Toutefois, lorsque la calvitie résulte d’une radiothérapie ou de brûlures importantes et que les moyens médicaux ne peuvent corriger la situation, cette intervention est alors assurée. Afin de faire la distinction entre les deux situations, la RAMQ exige que le médecin lui soumette la documentation pertinente et obtienne son approbation avant de rendre le service et de le réclamer à la RAMQ.

Vous devez alors utiliser le formulaire 4248 et y joindre les documents pertinents (pou­vant comprendre des photos) pour permettre à la RAMQ d’évaluer si elle doit ou non prendre en charge le service. Aucune rémunération n’est prévue pour remplir le formulaire. Le mé­decin qui ne remplirait pas le formulaire et déciderait sim­ple­­ment de facturer le service au patient s’expose à ce que ce dernier s’adresse à la RAMQ qui pourrait déterminer qu’il s’agit d’un service assuré, puis rembourser au patient les frais payés et les récupérer du médecin les ayant perçus.

Tableau

Exigence que le traitement soit reconnu

Le fait qu’un service soit couvert et que le traitement en cause soit requis sur le plan médical ne suffit pas. Il faut aussi que le type de traitement proposé soit reconnu. Si ce n’est pas le cas, le traitement ne sera pas assuré par la RAMQ.

L’évaluation de la forme proposée de traitement

C’est vers la littérature médicale qu’il faut se tourner pour savoir si un traitement est reconnu pour une indication particulière. S’il s’agit d’un traitement expérimental qui fait encore l’objet d’études ou de recherche et dont les résultats ne sont pas clairement prouvés par de telles études, même lorsque le traitement en cause est un service assuré, aucune rémunération ne peut être réclamée à la RAMQ.

Dans certaines situations, les médecins pourraient contester l’évaluation que fait la RAMQ d’un traitement spécifique. Cependant, dans le cas des services esthétiques, qui ne sont pas a priori nécessaires et ne relèvent que du choix personnel du patient, la réduction des risques et des complications devrait être des préoccupations importantes du médecin qui de­vrait donc s’en tenir à des traitements reconnus, à moins d’exer­cer dans le cadre d’un protocole de recherche.

Recourir à des moyens de traitement non re­connus n’est donc pas une façon de transformer en service non assuré des interventions qui seraient autrement assurées par la RAMQ.

Si le médecin se demande si un traitement est reconnu comme un service assuré, il peut s’adresser à la RAMQ. Cependant, il devra attendre la réponse avant d’offrir le service au patient.

Le médecin pourrait avoir avantage à procéder de la même façon si aucune rémunération n’est prévue au Manuel de facturation pour un service et que peu de médecins offrent le type de traitement en question, surtout s’il doit se doter d’équipements coûteux à cette fin.

Les examens d’évaluation dans ce contexte

Vous aurez compris que le médecin doit souvent déterminer au cas par cas si un service est assuré ou non, en fonction du diagnostic ou du problème de santé. Cela donne lieu à une autre difficulté, soit de déterminer si l’examen d’évaluation est couvert. Un médecin qui exerce en esthétique évaluera souvent des patients sur demande, et non dans le cadre général du suivi de sa clientèle. Ni le médecin ni le patient qui le consulte ne sauront donc d’avance si le service recherché est assuré ou non.

Il faut alors respecter les exigences de la loi et aussi les exigences déontologiques. En ce qui a trait à la loi, si l’évaluation est faite dans le cadre d’un suivi courant, le volet esthétique ne fera généralement pas l’objet de la visite, mais constituera bien un élément accessoire. Dans un tel cas, le médecin pourra réclamer le coût de la visite au régime sans se poser de questions.

Le médecin qui exerce spécifiquement en mé­decine esthétique devra tenir compte du contexte. Si le patient consulte spécifiquement pour un service esthétique, comme la microgreffe fol­li­culaire dans le cas d’une alopécie héré­ditaire, l’examen d’évaluation sera aux frais du patient. Si l’évaluation exige d’établir la cause du problème avant de poser le diagnostic, l’examen d’évaluation devrait alors être un service assuré, tout comme la biopsie cutanée, même s’il s’avère subséquemment qu’il s’agit d’une alopécie héréditaire.

Sur le plan déontologique, si le médecin est susceptible de faire payer le coût de la consultation initiale au patient, il est important que le patient sache avant de se présenter qu’il devra assumer ces frais et qu’il ait une idée de leur importance.

Nous avons fait le tour de la façon de savoir si un service de médecine esthétique est assuré ou non. Toutefois, d’autres obligations légales et déontologiques entrent aussi en jeu dans le cadre de cette pratique. Elles seront le sujet de la prochaine chronique. D’ici là, bonne facturation ! //