Droit au but

L’importance des contrats régissant l’exploitation d’une clinique médicale

Pierre Belzile  |  2018-09-27

Le médecin responsable du GMF Rivières et Montagnes et les médecins de la clinique de la Plaine-du-Sud ont récemment entamé des discussions afin de voir si cette clinique pouvait adhérer au GMF et, ainsi, devenir un de ses nouveaux emplacements. L’ajout de la clinique médicale de la Plaine-du-Sud au GMF s’inscrirait favorablement dans le plan régional d’organisation de services. Le DRMG voit d’ailleurs d’un très bon œil une telle intégration dans le cadre du déploiement des GMF dans son territoire.

Me Pierre Belzile, avocat, est directeur du Service juridique de la FMOQ.

Les médecins de la clinique médicale de la Plaine-du-Sud et le médecin responsable du GMF Rivières et Montagnes se rencontrent aujourd’hui. Ils enchaînent les sujets de discussion : évaluation du nombre de patients inscrits, pondération, taux d’assiduité, répartition des ressources financières et humaines issues du programme de GMF, couverture des services, accès adapté, contacts avec le DRMG, etc. À la fin de la matinée, ils font un survol des sujets abordés. Personne n’a encore parlé de la question des ententes contractuelles qui viendraient fixer le cadre juridique de l’intégration de la clinique de la Plaine-du-Sud au GMF et de l’exploitation du GMF. Est-ce si important d’y voir ?

Les cliniques médicales : des entreprises privées

Trop souvent, plusieurs médecins oublient que les cliniques médicales où ils travaillent, même celles ayant obtenu une reconnaissance à titre de GMF de la part du ministère, sont des cabinets privés. Le fait d’être un GMF ne fait pas de la clinique une entité gouvernementale. Une clinique médicale reconnue comme GMF, bien qu’elle soit un partenaire du réseau local de services, n’est pas un établissement du réseau public au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Elle reste d’abord et avant tout une entreprise privée.

Les médecins qui y exercent sont tous, d’une manière ou d’une autre, liés par contrat à la clinique ou à ses propriétaires. Différents contrats peuvent venir circonscrire la pratique des médecins, qu’ils exploitent la clinique, en soient de simples locataires, y exercent à temps plein ou à temps partiel ou y effectuent des activités variées. Le cabinet possède également sa propre réalité contractuelle, principalement avec ses fournisseurs et ses partenaires externes. Si ce dernier est de surcroît un GMF, d’autres conventions peuvent alors s’ajouter à celles déjà existantes. De fait, les contrats, ou les conventions, sont des instruments fondamentaux dans l’exploitation d’une clinique médicale. Les médecins qui travaillent dans une clinique, qu’il s’agisse ou non d’un GMF ou qu’il n’en soit qu’un des emplacements, ont tous intérêt à se doter des outils conventionnels qui leur permettront d’exploiter leur entreprise de la meilleure manière et de bien fixer leurs règles de fonctionnement.

Dans un GMF, par exemple, il est certainement opportun de verser par écrit les règles de régie interne applicables à tous les médecins qui y exercent. Voici quelques éléments à coucher par écrit :

h fonctions et remplacement du médecin responsable ;

h obligations des médecins du GMF ;

h modes pour la prise des décisions collectives ;

h utilisation du financement et du soutien professionnel prévus dans le programme ;

h affaires bancaires ;

h admission d’un nouveau médecin et retrait d’un médecin ;

h gestion des divers congés.

Cette liste pourrait être plus longue. Elle donne cependant une bonne idée des nombreux sujets qui devraient faire l’objet d’un encadrement conventionnel. Comment les dépenses sont-elles partagées ? Comment concilier contractuellement tous les emplacements d’un même GMF ? Quel est le degré d’autonomie de chaque emplacement ? Autant de questions qui méritent que l’on s’y arrête avec sérieux.

Le programme de GMF, la forme juridique d’un GMF et les conventions entre médecins

Comme nous l’avons mentionné précédemment, un GMF n’est pas en soi un établissement public ou une installation gouvernementale. Il reste d’abord et avant tout une entreprise médicale privée dont les médecins ont accepté d’adhérer au programme du ministère.

Le programme de GMF exige-t-il que les médecins conviennent d’une certaine forme juridique pour que leur clinique puisse être reconnue à titre de GMF ? Doivent-ils créer une com­pagnie, une association, une société en nom collectif, un simple regroupement ?

Les réponses à ces questions sont négatives. En effet, depuis l’arrivée du nouveau programme de GMF en 2015, le ministère n’exige plus des médecins qu’ils créent obligatoirement une entité juridique autonome attestant de leur regroupement (comme une association ou une société par actions). De fait, le ministère de la Santé a mentionné que la forme juridique du regroupement de médecins ne le concerne plus depuis l’arrivée du nouveau programme de GMF.

Plusieurs se souviendront qu’avant 2015, sous l’ancien cadre de gestion, un GMF devait convenir d’ententes avec l’agence régionale de la santé et avec le CSSS. C’est la raison pour laquelle le ministère exigeait que les GMF soient des entités juridiques. Le ministère ne voulait pas que les agences et les CSSS signent des contrats avec des médecins sans que ceux-ci se soient d’abord dotés d’un véhicule juridique permettant au médecin responsable, au nom de tous les autres médecins, de signer des contrats. L’association au sens du Code civil était alors la formule privilégiée, bien que non exclusive. Le concept de « membre d’un GMF » provient d’ailleurs du fait que la plupart des médecins avaient, à l’époque, choisi de se regrouper en association.

Cette exigence du ministère n’existe plus depuis 2015 avec l’arrivée du nouveau programme de GMF, les agences régionales n’existant d’ailleurs plus dans le cadre de l’application de la loi 10. En amont de l’adhésion au programme, le ministère ne s’intéresse donc plus au montage corporatif du GMF, ni à la façon dont les médecins conviennent de leur regroupement. Dans le nouveau programme de GMF, l’adhésion se fait par un formulaire que signent tous les médecins concernés.

Dans la mesure de ce qui précède, que les médecins ne signent, à l’intérieur d’un GMF, qu’une simple convention de regroupement aux fins d’une pratique en GMF, qu’ils s’incorporent en société par actions, qu’ils créent une société en nom collectif ou une association ou encore qu’ils ne conviennent de rien sur papier, peu importe, le ministère n’en a que faire. Il n’est plus concerné par cet aspect des choses. Tout ça reste désormais du domaine contractuel privé.

L’importance de se doter d’un environnement contractuel adéquat

Comme on vient de le voir, se doter d’un cadre conventionnel adéquat n’est pas une option, c’est une nécessité. Il est étonnant de constater à quel point, même de nos jours, nombre de médecins négligent de bien évaluer leurs besoins contractuels ou de revoir les contrats qu’ils ont pu, à une époque, signer entre eux afin de déterminer s’il n’y aurait pas lieu de les mettre à jour. Plusieurs médecins exerçant en GMF ignorent même que leur groupe de médecine de famille est la plupart du temps régi par une convention interne de fonctionnement.

Les cliniques médicales, qu’elles soient déjà établies, nouvelles, GMF ou non, ne sont plus les cabinets d’antan. Ce sont de véritables entreprises, parfois très imposantes, qui rapportent des centaines de milliers de dollars chaque année. Elles doivent également composer avec d’importants défis en matière de ressources humaines. L’attention accordée à l’environnement contractuel est donc un des éléments importants du succès d’une clinique médicale moderne.

Nous ne saurions trop conseiller aux médecins de s’entourer de conseillers juridiques spécialisés qui sauront bâtir, ou revoir, le cadre conventionnel qui leur convient le mieux dans leur contexte de pratique. Le Service des affaires jurid­i­ques de la FMOQ peut certainement vous donner des infor­ma­tions de base sur ces questions. N’hésitez pas à communiquer avec nous.

Conclusion

Le médecin responsable du GMF Rivières et Montagnes et les médecins de la clinique de la Plaine-du-Sud devraient-ils dès maintenant signer un contrat afin de bien établir le cadre de leur future collaboration ? Bien sûr que oui ! Et avec l’aide de professionnels avisés. //