Éditorial

L’iniquité institutionnalisée

2018-05-31

Il serait indécent de demeurer silencieux et de ne pas témoigner notre indignation au sujet des nou­velles règles de rémunération des directeurs de services professionnels (DSP) en poste dans les établissements de santé et de services sociaux de la province. Si nous ne sommes malheu­reu­sement pas vraiment surpris du peu d’égards envers les médecins de famille que laisse transparaître cette nouvelle politique de rémunération, que semble avoir décrétée le ministre Barrette sans autre consultation, nous n’en sommes pas moins choqués.

Les nouvelles règles prévoient que la rémunération des médecins spécialistes sera supérieure de 43 % à celles des médecins omnipraticiens occupant les mêmes fonctions. Ces règles sont assurément, inéquitables et indéfendables. Absolu­ment rien ne peut justifier un tel écart de rémunération pour un travail et une description de tâches identi­ques. S’il est vrai qu’un écart de rémunération raisonnable en faveur des spécialistes pour des tâ­ches cliniques est acceptable, en raison notamment des années de formation supplémentaires, ce n’est nullement le cas pour un travail de gestion qui requiert les mêmes compétences.

De plus, bien que nous souscrivions à la nécessité de rendre ces postes plus attrayants et de pallier leur problème d’attractivité, la solution du ministre, qui consiste à discriminer la majorité des médecins qui relèvent le défi d’être DSP, soit des médecins omnipraticiens, nous semble extrêmement poreuse ! En ce sens, l’envoi d’un message clair et limpide de dévalorisation à la majorité des DSP actuellement en poste par la mise en place de nouvelles règles nous semble fort peu avisé, voire contreproductif pour la suite des choses et pour le recrutement futur.

Enfin, la position que semble défendre le ministre voulant que les médecins spécialistes doivent toujours gagner davantage, même pour des tâches ad­mi­nis­tratives n’ayant pas de lien direct avec des compétences médicales, a ses limites. Si on suit cette logique, un médecin spécialiste devenu premier ministre devrait gagner davantage que ses deux prédécesseurs avocat et travailleuse sociale de formation, non ? Ou un médecin spécialiste devenu ministre devrait, uniquement en raison de sa formation, gagner davantage que pratiquement tous ses collègues du Conseil des ministres ? Ou encore un dirigeant d’établissement de santé et de services sociaux ayant une formation de médecin spécialiste devrait automatiquement gagner davantage que les dirigeants d’autres établissements tout aussi compé­tents ? Heureusement, ce n’est pas le cas, et la même logique devrait simplement s’appliquer à la rémunération des DSP.

Dans ce contexte, il est urgent que les personnes en autorité au gouvernement revoient la nouvelle politique de rémunération des DSP. Il est pressant de corriger les injustices ainsi créées. Nous sommes convaincus que tous les observateurs louangeraient le bon jugement de ceux qui feraient le choix de l’équité et du renoncement à discriminer les médecins omnipraticiens sur le plan de la rémunération pour un travail identique. Après tout, il y a des limites à encourager la propagation d’une iniquité de plus en plus institutionnalisée.

Le 18 mai 2018

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Le président, Dr Louis Godin