Entrevues

Entrevue avec le président de l’association du Sud-Ouest

COVID-19 : l’engagement des médecins a donné des résultats

Élyanthe Nord  |  2021-04-30

Président de l’Association des médecins omnipraticiens du Sud-Ouest (AMOSO), le Dr Sylvain Dufresne fait le point sur les acquis découlant de la pandémie.

M.Q. — Beaucoup de choses ont changé depuis le début de la pandémie. Lesquelles faudra-t-il conserver ?

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S.D. – L’engagement des médecins. Si on veut pouvoir donner des soins à la population, on doit s’impliquer. On l’a démontré à plusieurs reprises dans notre région pendant la pandémie. C’est nous, les médecins, qui avons demandé une clinique hybride de dépistage et d’évaluation. C’est nous qui avons poussé le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Ouest à nous fournir les moyens de soigner la population. Comme médecin de famille, on ne peut pas rester de côté. On ne peut pas se dire que l’on va attendre les directives du gouvernement.
Quand les médecins se mobilisent, ils peuvent obtenir des résultats assez impressionnants. Je pense que c’est leur engagement qui va rester après cette crise. On ne peut pas rester passifs. Sinon, on va se faire imposer toutes sortes d’obligations et de processus par les différents gouvernements. Par contre, quand on participe, on montre notre intérêt pour la gestion des soins et on est écoutés.

M.Q. — Comment a été créée la clinique hybride dont vous parlez ?

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S.D. – Durant la première vague, toute l’attention et les efforts d’organisation se concentraient sur la deuxième ligne. Nous, en première ligne, on se demandait : « Qu’est-ce qu’on doit faire ? » On envoyait des lettres, et personne ne nous répondait. À Vaudreuil, nous nous sommes dit que nous allions créer un centre hybride, qui servirait à la fois pour le dépistage et pour l’évaluation des patients par un médecin. Comme nous n’avons pas d’hôpital, nous n’avions pas d’endroit pour dépister et évaluer les patients. Avec la collaboration du CISSS de la Montérégie-Ouest, nous avons donc mis sur pied cette clinique en une fin de semaine dans un centre commercial. Ce sont les médecins de Vaudreuil qui y ont ensuite travaillé.

M.Q. — Y a-t-il eu d’autres initiatives ?

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S.D. – Peu de temps après, un médecin de l’association, le Dr Jean-Philippe Chouinard, qui est le chef du GMF-R Le trait d’union, a eu l’idée, pour protéger sa clinique, d’y créer une section consacrée uniquement à l’évaluation du syndrome infectieux. J’ai trouvé ça génial. C’était avant la mise en place des cliniques d’évaluation.

M.Q. — Avez-vous mis sur pied des mesures pour lutter contre les éclosions de COVID-19 ?

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S.D. – Oui. Notre première grande éclosion est apparue dans un CHSLD privé, le Manoir Harwood. Quand on a vu que les cas se multipliaient, on a fait un appel aux médecins de famille de la région et plusieurs se sont portés volontaires, certains la journée même. Ensuite, quand la crise a été terminée, vers la fin avril, on a créé un groupe de médecins qui avaient une expertise dans la propagation des infections. On s’est rencontrés bénévolement plusieurs fois pour tirer des leçons de la crise : Qu’est-ce qu’on aurait pu faire pour éviter l’éclosion ? Que devrons-nous faire la prochaine fois ?
On a commencé à élaborer une stratégie qui reposait sur la création d’une équipe « SWAT ». Comme président de l’AMOSO, j’ai présenté le projet à la FMOQ pour discuter de la question de la rémunération des médecins qui participeraient au projet. Par la suite, la Fédération a elle-même mis de l’avant les équipes médicales d’intervention, qui est un concept similaire.

M.Q. — Donc, toute l’énergie des médecins de votre région a été mobilisée pour lutter contre la pandémie ?

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S.D. – Non. Malgré tout le travail qui a été fait pour lutter contre la COVID-19, d’autres projets ont avancé afin d’améliorer l’accès aux soins. À Vaudreuil-Soulanges, par exemple, des médecins de famille de notre association sont en train de mettre sur pied une équipe de soins intensifs à domicile (SIAD). La pandémie a mis en relief les lacunes dans les soins aux malades qui restent chez eux. Pour permettre la création de cette nouvelle équipe médicale, j’ai demandé au département régional de médecine générale d’autoriser des activités médicales particulières (AMP) uniquement en soins à domicile. Le projet est très avancé. L’organisation et les protocoles sont déjà faits. L’équipe de médecins est prête et pourrait démarrer demain, s’il le fallait. Il manque cependant les ressources infirmières. Donc, malgré la pandémie, on travaille à améliorer l’accès aux soins et on s’occupe des angles morts que l’on a découverts durant la crise. Personne ne nous a demandé de le faire. C’est nous qui avons décidé de nous en occuper. Quand on se met ensemble, on parvient à des résultats.

M.Q. — Vous avez d’autres projets ?

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S.D. – Des membres de notre association travaillent à la mise sur pied d’un GMF-U qui pourrait être inauguré d’ici un ou deux ans. L’Université McGill a donné son accord. Le CLSC de Vaudreuil-Dorion, qui aura cette nouvelle vocation, va même commencer à recevoir des externes cette année. On est une grande région. On va éventuellement avoir, je l’espère, un hôpital de 400 lits. C’est un nombre suffisamment important pour permettre aux étudiants et aux résidents de voir assez de cas. Ce GMF-U est un projet qui tient à cœur à bien des médecins depuis des années. Je pense que c’est une belle occasion de faire connaître notre profession et de transmettre notre passion à de futurs collègues.

M.Q. — Pour finir, quels sont les acquis que l’on doit à la pandémie ?

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S.D. – Il y a bien des gens qui vont songer aux téléconsultations et aux réunions Zoom. On ne pense souvent pas à ce que l’on a acquis comme expérience. Il y a, par exemple, tout ce qu’on a appris dans le domaine de la prévention des infections dans nos cabinets. Ce sont des aspects qui vont demeurer importants, que ce soit pendant la période des Fêtes ou quand d’autres infections vont survenir. On doit conserver le réflexe de se protéger et de protéger notre personnel et nos patients.
Mais il y a encore plus important. Notre charge de travail ne cesse de croître. On nous demande de prendre en charge plus de patients, de nous occuper des maladies chroniques, d’offrir un accès populationnel et, maintenant, de faire le suivi pédiatrique des enfants en bonne santé dont s’occupaient les pédiatres. On en a beaucoup sur les épaules. Pendant la pandémie, j’ai vu que l’on peut faire un travail efficace si on se met tous ensemble. Je pense que le travail collaboratif doit rester. C’est probablement la leçon la plus importante. On doit changer notre façon de penser. On ne devrait pas se dire : « Je vais prendre soin de “mon patient” dans “ma clinique” », mais plutôt : « Je vais soigner “ma population” grâce à “notre travail collectif” ».