Droit au but

Les DTMF

les nouveaux DRMG

Anne-Louise Boucher et Pierre Belzile  |  2024-03-01

La Dre Anne-Louise Boucher est directrice de la Planification et du développement organisationnel à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Me Pierre Belzile, avocat, est directeur du Service juridique de la FMOQ.

Le projet de loi no 15 (Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace) qu’a présenté et piloté pendant des mois le ministre de la Santé et des Ser­vices sociaux, monsieur Christian Dubé, a été adopté le 9 décembre 2023 à l’Assemblée nationale du Québec.

Comme on le sait, cette loi n’est pas banale. En effet, elle remplace la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui, depuis 1991, encadrait pour ainsi dire tout le réseau public de santé québécois.

Dans le cadre de la mise en place depuis le début de l’année de cette grande réforme de notre système de santé, nous nous concentrons aujourd’hui sur les nouveaux DRMG, soit les départements territoriaux de médecine familiale ou DTMF.

Comprendre l’importance des DRMG

Les départements régionaux de médecine générale ou DRMG sont apparus dans le paysage du réseau en 1998. Ces départements, fruits d’une idée originale de la FMOQ et intégrés dans le cadre législatif à l’initiative de celle-ci, jouent depuis, dans chaque région, un rôle crucial dans l’organisation des services médicaux que rendent les médecins de famille, dans la juste distribution géographique des effectifs médicaux et dans l’identification des activités prioritaires à combler.

La mise sur pied des DRMG avait pour but, dans une dyna­mique de partenariat avec les autorités ministérielles, d’apporter l’expertise « terrain » des médecins de famille au sein du réseau. Avec le recul, force est de constater que les DRMG auront été, durant toutes ces années, des acteurs clés du développement et de la mise en réseau des services médicaux généraux partout au Québec. Leurs responsabi­lités sont importantes.

S’il fallait désigner un des beaux succès du réseau par la plus-value qu’il apporte, les DRMG seraient assurément considérés.

La clé de leur succès ? Leur structure, leur composition et leur approche professionnelle. Tous les médecins qui fac­turent des services à la RAMQ dans une région où ils pratiquent en font automatiquement partie. Les principaux leaders des comités de direction des DRMG sont élus par les médecins du territoire. Les DRMG ont donc une nature qui leur est propre. Les médecins qui font partie de ces comités ne sont pas des employés du ministère ni des établissements. Ils en sont plutôt les partenaires. Les comités de direction des DRMG ne sont donc pas de simples exécutants. Bien au contraire !

Les nouveaux DTMF : la FMOQ veillait au grain

Comme c’est fréquemment le cas en matière de santé, les gouvernements qui se suivent ont trop souvent le réflexe d’utiliser la voie législative pour resserrer leur emprise sur la pratique des médecins de famille. La version initiale du projet de loi no 15 sur les départements territoriaux de médecine familiale n’a pas fait exception.

Reconduisant donc les DRMG sous un nouveau nom, les DTMF, les concepteurs du projet de loi désiraient en modifier le fonctionnement en établissant ainsi que :

  • tout médecin de famille d’une région ne pourrait être membre du département territorial que s’il avait des privilèges en établissement ;
  • tout médecin qui ne possédait pas de privilèges en établissement ne pourrait tout simplement plus facturer de service à la Régie ;
  • les DTMF ne seraient pas, comme les DRMG auparavant, dirigés par un médecin-chef issu du vote des membres, mais plutôt par un médecin strictement désigné et nommé par le PDG de l’établissement local ;
  • les comités de direction des DTMF exerceraient leurs fonctions sous la coordination et la surveillance des nouveaux directeurs médicaux des établissements, autrefois nommés DSP.

Heureusement, les représentations de la FMOQ auront permis une révision et une modification de ces dispositions législatives. Ainsi, la version définitive adoptée prévoit plutôt que :

  • tout médecin rémunéré par la Régie et pratiquant dans la région pourra être membre du DTMF ;
  • un médecin n’aura pas à obtenir de privilèges en éta­blissement pour faire partie d’un DTMF ;
  • les DTMF seront dirigés par des médecins-chefs issus du vote des médecins de la région et nommés par un comité paritaire composé de trois personnes désignées par Santé Québec et de trois médecins choisis par et parmi les médecins qui font partie du département territorial ;
  • les comités de direction des DTMF exerceront leurs fonctions sous la surveillance de Santé Québec.

Les fonctions du DTMF

Les responsabilités et les fonctions dévolues aux DTMF en vertu de la loi et des ententes négociées par la FMOQ sont nombreuses. Le projet de loi no 15, pour l’essentiel, prévoit que les DTMF auront les mêmes rôles que les DRMG. Souli­gnons notamment les attributions liées :

  • à la préparation des plans d’organisation de services de médecine familiale (PROS) ;
  • à la préparation et au respect des plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM) ;
  • à la détermination des activités médicales particulières (AMP) et à leur gestion.

Des collaborateurs de premier plan, un outil pour les médecins

Comme nous venons de l’évoquer, l’intention du gouver­nement avec la création des nouveaux DTMF était, au mo­ment de la présentation du projet de loi no 15, d’établir une forme d’emprise sur les comités de direction de ces départements et sur les médecins qui en sont les chefs.

Quelques mois plus tard, il ressort de l’exercice législatif que la nature des DTMF s’inscrira plutôt, fort heureusement, dans la continuité de celle qui caractérisait les DRMG.

Les DTMF sont des partenaires et des collaborateurs à part entière du ministère de la Santé et des Services sociaux, de Santé Québec, de la FMOQ et du réseau tout entier. L’objet des DTMF est de mettre de l’avant la cogestion médicale, celle du terrain, région par région. En vertu de la loi, ils peuvent former des comités, des tables sous-territoriales et en établir les modalités de fonctionnement.

Les médecins du territoire gagnent à être en relation étroite avec leur DTMF, à participer activement à ses tables et comités, à l’alimenter de leurs expériences, à l’informer de leur quotidien professionnel et à lui transmettre leurs idées. Il s’agit de leur département. À l’inverse, le département est un outil d’information privilégié de ces derniers pour tout ce qui touche l’organisation des services et la pratique professionnelle.

La participation dynamique des médecins dans la gestion et dans l’organisation des services a assurément des effets avantageux sur l’accès et sur la qualité des soins.