Éditorial

Pour un discours public sain et constructif

Marc-André Amyot  |  2024-03-21


Deux mois après la sortie du ministre au sujet des « 13 000 patients vulnérables [qui attendraient] entre deux et trois ans avant de trouver un médecin de famille » dans le but de justifier l’adoption d’un règlement coercitif découlant de la loi 11, nous en savons davantage sur ces données. La grande majorité de ces patients ont accès au réseau par l’entremise d’un médecin ou d’une autre ressource, et les patients identifiés « A » ou« B » sont rapidement inscrits. De plus, globalement, près de la moitié des rendez-vous médicaux sont alloués aux patients vulnérables. Ces chiffres montrent que nous faisons preuve au quotidien d’un dévouement certain envers les personnes qui en ont le plus besoin et que nous devons poursuivre nos efforts en ce sens.

D’un autre angle, cette affirmation ambiguë du ministre provoque le contraire de l’objectif souhaité. Elle sème l’inquiétude sur le terrain sans améliorer les services à la population, dévalorise la profession et réduit encore un peu plus l’attractivité de la médecine de famille. Pourtant, la signature d’une entente sur l’accès aux soins qualifiée d’« historique », la création d’une table nationale sur la valorisation de la médecine familiale, les travaux rigoureux portant sur l’organisation optimale des soins et le mieux-être au travail montrent que la FMOQ et ses partenaires, dont le MSSS, travaillent d’arrache-pied à rendre la profession toujours plus attrayante et les services plus accessibles.

Il est d’autant plus désolant de constater à quel point les discours politiques tendancieux nuisent grandement aux efforts colossaux des dernières années. Nous tenons encore une fois à affirmer que le travail de collaboration dans un climat de confiance constitue la clé de la réussite.

Depuis la diffusion du webinaire du 29 février sur ce projet de règlement, de nombreux médecins nous ont fait part de leur volonté d’exprimer leur désaccord aux élus. Dans la section « Affaires syndicales » de notre site Web, vous trouverez comment vous y prendre pour contribuer au débat. La période de consultation sur ce projet s’attaquant à notre droit reconnu à la négociation, à notre autonomie professionnelle et, par ricochet, à l’accès à la première ligne se termine début d’avril.

Jumelage du CaRMS : une hémorragie à freiner

Le manque de valorisation de la médecine familiale au cours de la dernière décennie a laissé des marques importantes, notamment auprès des étudiants. Nous aurons beau augmenter le nombre de places en médecine familiale dans les facultés, encore faut-il que ces derniers la choisissent et aient envie de la pratiquer. Le 19 mars dernier, ils étaient encore trop nombreux à bouder ce choix de résidence lors du jumelage du CaRMS, 91 postes étant demeurés vacants dans les facultés québécoises au premier tour. Chaque poste de formation non pourvu nous prive d’un médecin de famille potentiel pour les trente prochaines années. Avons-nous le luxe d’un tel déficit d’attractivité ? Nous devons tout mettre en œuvre pour freiner cette hémorragie, à commencer par un discours public sain et constructif.

Ensemble pour innover !

Le Congrès des membres de la FMOQ sous le thème « Ensemble pour innover » prochains, à Montréal. On y abordera des enjeux cruciaux, comme le mieux-être, l’innovation, l’avenir de la médecine de famille et de l’action syndicale. Ce congrès risque d’être fort intéressant ! Ne tardez pas à vous y inscrire, le nombre de places en personne étant limité.

Malgré les tempêtes, les messages publics parfois irritants et les enjeux structurels que l’on connaît, j’invite la Fédération et ses membres à poursuivre sur leur lancée. Depuis le printemps 2022, les médecins de famille ont inscrit collectivement près d’un million de patients dits orphelins, y compris de nombreux « patients vulnérables », proposé des idées innovantes comme le GAP et fait un appel fort à la collaboration interprofessionnelle. Continuons donc d’être en action, de nous mobiliser et d’agir de façon constructive !

 

Le 20 mars 2024

Marc-André Amyot

Président de la FMOQ,
Dr Marc-André Amyot