un partenaire d’affaires
Faire l’acquisition d’une solution DME pour votre milieu de travail s’avérera une décision non négligeable. En effet, bien des choses changeront une fois votre milieu devenu « sans papier ». Afin de réussir cette transition en douceur, il importe de bien vous entendre avec votre fournisseur sur les tenants et aboutissants de cette aventure. La référence, le phare qui guidera les parties sera votre contrat.
Le contrat avec un fournisseur de solution DME est d’une importance capitale et doit être le plus limpide et le plus complet possible. Nous ne sommes pas en présence d’un contrat d’adhésion où vous n’avez mot à dire, comme en matière de location d’un photocopieur ou d’un cellulaire. Ainsi, vous devez bien comprendre toutes les clauses, même celles en tous petits caractères.
Voici donc quelques conseils qui pourraient vous guider dans votre négociation, car c’est vraiment de ce qu’il s’agit. N’oubliez pas qu’une négociation réussie en est une où les deux parties en sortiront gagnantes, chaque partie y trouvant son avantage.
Le Dr Serge Dulude, omnipraticien, est directeur de la Planification et de la Régionalisation à la FMOQ.
Si vous exercez en établissement GMF-CLSC ou GMF-UMF, n’oubliez pas que le choix, l’acquisition et l’implantation d’un dossier médical électronique (DME) résultent d’une démarche effectuée en collaboration avec votre établissement.
Dites-vous, dès le départ, que vous êtes maître d’œuvre de cette négociation et que tout se négocie, y compris les coûts, les modalités de paiement, les limitations de responsabilité et les garanties.
Prenez le temps de rencontrer plusieurs fournisseurs de DME homologué. Évitez la précipitation. En informant dès le départ un fournisseur que vous avez retenu sa seule solution, vous risquez d’affaiblir votre pouvoir de négociation. Pourquoi ne pas retenir plutôt vos deux solutions préférées, et mener deux négociations pour finalement choisir la solution la plus avantageuse ? N’est-ce pas ce que vous faites lorsque vient le temps, par exemple, d’acquérir un véhicule ?
Évaluez vos besoins et faites-les bien connaître à votre futur fournisseur. Regroupez-les en diverses catégories : fonctionnalités, coûts, enjeux technologiques, enjeux ju- ridiques, installation et implantation, garanties, service après-vente, etc. Assurez-vous que votre fournisseur vous a bien compris. Au cours des discussions, prenez bonne note de ses réponses à vos questions et assurez-vous que celles-ci se retrouvent au contrat. Les paroles s’envolent, mais les écrits restent.
Avant d’être trop avancé dans la négociation, il est fortement recommandé d’assister à une démonstration en temps réel de l’utilisation de la solution DME envisagée. Servez-vous des outils mis à votre disposition sur le site Internet de la FMOQ. Allez visiter une clinique médicale qui utilise cette solution depuis un bout de temps. À ce moment, soyez accompagné de votre secrétaire qui saura poser de judicieuses questions au personnel de la clinique. La vie médicale d’une clinique est une chose dont vous êtes l’expert, mais les processus administratifs relèvent souvent bien plus de vos secrétaires. Par la suite, élaborez un scénario que vous pourrez tester auprès des fournisseurs rencontrés.
Sachez vous entourer d’experts en technologies de l’information et d’experts juridiques tout au long de la négociation. Qui plus est, il est fortement conseillé de leur faire relire le contrat avant d’y apposer votre signature.
Ne vous laissez pas déstabiliser par des remarques du genre : « Je suis surpris de votre demande, il n’y a jamais personne à ce jour qui s’est opposé à cet aspect du contrat ».
Méfiez-vous des changements proposés à la dernière minute et des petites phrases telles que : « C’est encore mieux que ce que je vous ai montré et je ne vous facture pas de suppléments ». Le fournisseur est probablement de bonne foi, mais est-ce que ce changement vous convient vraiment ?
Il est d’ailleurs fortement recommandé que vous ayez une version électronique du contrat. Il est plus facile d’y apporter des commentaires, suggestions ou annotations et de s’y retrouver en tout temps.
La négociation et le contrat qui en résultera devront préciser les engagements des parties sur les sujets suivants :
description de l’objet du contrat ;
gestion et propriété des données (le médecin demeure le gardien des données) ;
respect de la confidentialité des données par le médecin et le fournisseur ;
mesures de protection des données et de l’accès aux données ;
exactitude et qualité des données ;
respect des exigences en matière de tenue de dossier (le DME doit permettre au médecin de respecter ses obligations) ;
étendue et fonctionnalités des services du fournisseur ;
description des services (ex. : hébergement de données, implantation, gestion de changement, etc.) ;
niveaux de services ;
licences ;
mises à jour ;
copies de sauvegarde ;
reprise après sinistre ;
perte d’homologation ;
sécurité ;
services d’aide à l’implantation ;
assurance responsabilité civile détenue par les parties ;
résiliation et effets (ex. : remise des données au médecin et modalités) ;
indemnisation ;
déclarations et garanties du fournisseur ;
modalités en cas de différends ;
régime juridique applicable (lois du Québec).
Le contrat devra faire état de l’équipement et du maté-riel requis pour faire fonctionner adéquatement la solution DME.
Le contrat devra reconnaître que vous demeurez le gardien des données de vos patients. Le fournisseur doit y avoir accès uniquement pour vous permettre d’utiliser son système de DME. Pour la continuité du suivi de vos patients, les données devraient vous être remises rapidement à la fin du contrat.
Déterminez le nombre et le type de licences dont vous aurez besoin. Les prix vont généralement varier selon le type d’usagers : médecin, infirmière, personnel administratif. Établissez si les infirmières et les médecins à temps partiel peuvent bénéficier de prix réduits. Clarifiez les modalités d’accès pour les cliniques multisites et dans les autres cas d’accès à distance par les utilisateurs.
Le fournisseur doit indiquer ce qui arriverait s’il devait ne plus être homologué par le MSSS, s’il faisait faillite, s’il cessait ses activités ou si d’autres raisons l’empêchaient de rendre les services prévus au contrat. En toute circonstance, vous devrez continuer d’avoir accès aux données de vos patients.
Veillez à ce que toutes les spécifications de la solution soient bien détaillées au contrat et que cette solution soit bien celle qui est homologuée par le MSSS au moment de la signature.
Assurez-vous de recevoir toute la documentation détaillée de ce que vous allez acquérir et que vos médecins la lisent.
L’implantation initiale pourrait, dans certains cas, nécessiter le transfert et la conversion des données existantes. Il est important de s’entendre sur le rôle de chacun à cet égard et sur les coûts associés.
Fixez des échéanciers précis quant au plan d’implantation et de transition. D’ailleurs, vous pourriez intégrer ce plan au contrat.
Il est important de vous enquérir auprès de votre fournisseur de la possibilité d’être relié à votre centre hospitalier afin de pouvoir, par exemple, recevoir les résultats de laboratoire de vos patients.
Il serait sage de valider cette option avec votre centre hospitalier également.
Assurez-vous d’être informé des coûts afférents et des délais de branchement, le cas échéant.
Assurez-vous que le fournisseur s’engage à respecter tous les règlements et toutes les lois en vigueur au Québec (Canada) concernant notamment la protection des données, la confidentialité, les règles de consentement implicite et explicite des patients et l’hébergement des données, etc.
Des modalités sont aussi à prévoir advenant un incident du genre : problème technique lié à la solution, violation de la confidentialité, intrusion dans les dossiers, panne majeure, accès du patient à son dossier, accès d’une tierce partie au dossier, clauses catastrophes (incendies, inondations, etc.) autant à la clinique que chez le fournisseur et site d’hébergement des données.
Les coûts d’acquisition sont évidemment importants, mais faites attention de ne pas les mettre trop à l’avant-plan au départ. Le moindre coût ne signifie pas nécessairement le meilleur marché.
Plusieurs volets sont à explorer : coût d’acquisition des équipements, modalités de paiement en lien avec les performances attendues et testées, progression annuelle des coûts, prix assurés et fixes, coût des licences et services inclus, nombre d’utilisateurs (personnel administratif, médecins consultants, résidents, externes).
Il est suggéré de convenir d’une retenue sur les frais d’installation pour s’assurer que tout fonctionne bien comme prévu au contrat. On peut voir dans certains contrats de ce genre une retenue de 10 % ou plus pour une période d’environ 60 jours.
Déterminez quelles sont les garanties offertes par le fournisseur quant à ses services et au fonctionnement du DME. Qu’arrivera-t-il si le DME est défaillant ? Le fournisseur limite-t-il sa responsabilité ? Si oui, de quelle façon ? Le fournisseur possède-t-il des assurances lui permettant de faire face aux risques ?
Vous projetez de faire l’acquisition d’un DME pour de nombreuses années, mais qu’en est-il de l’avenir de votre clinique ? Le contrat sera-t-il adapté à vos futurs besoins ? Votre contrat sera évolutif puisque votre clinique et vos besoins évolueront. Il est donc suggéré de revoir votre contrat régulièrement et d’y ajouter des annexes, au besoin.
Ces quelques conseils ne se veulent que cela, des conseils. De plus, cette liste est perfectible. Certains éléments pourraient y être ajoutés ou retirés ou encore être adaptés selon votre réalité. Voyez cette liste comme une base de discussion dont vous pourriez vous servir, c’est-à-dire une feuille de route. Soyez maître d’œuvre de la négociation de votre solution DME. //