la difficile réalité des PREM
La nouvelle, publiée dans L’Écho abitibien du 15 août dernier, a provoqué une commotion dans le nord-ouest du Québec : « Québec refuse que sept médecins s’installent en Abitibi-Témiscamingue ». De manière exceptionnelle, cette année, dix-sept résidents en médecine familiale avaient présenté leur candidature pour travailler dans la région. Le territoire, toutefois, n’avait droit qu’à dix postes.
Le 6 septembre dernier, au moment de l’assemblée générale de l’Association des médecins omnipraticiens du nord-ouest du Québec (AMONOQ), les cliniciens étaient encore ébranlés par cette révélation. Ils avaient l'impression qu’on leur avait enlevé la possibilité inespérée de mettre fin à la pénurie de médecins qui sévit sur le territoire.
Deux autres postes ont cependant été ajoutés par la suite au plan régional d’effectifs médicaux (PREM) de l’Abitibi-Témiscamingue. Deux omnipraticiens ont obtenu une dérogation pour pratiquer à Ville-Marie. Le nouveau PREM comportera donc probablement douze places en novembre prochain.
Néanmoins, le manque de médecins est très douloureux. La région aurait besoin de l’équivalent de 212 médecins travaillant à temps plein (ETP), mais n’en a que 184. « Nous utilisons de plus en plus de dépanneurs. Plusieurs médecins ont démissionné des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens des hôpitaux après plus de vingt ans de travail ou ont quitté la région. La raison invoquée était la surcharge de travail et aucune amélioration de la pénurie de main-d’œuvre médicale en vue », a expliqué le Dr Jean-Yves Boutet, président de l’AMONOQ, aux trente-sept médecins qui assistaient à l’assemblée générale à Ville-Marie.
Heureusement, le nombre de jeunes omnipraticiens qui arrivent sur le marché du travail augmente chaque année au Québec. La relève ne cesse de croître. D’ailleurs, cette année, 424 étudiants ont choisi de faire leur résidence en médecine familiale. Dans deux ans, ils seront prêts à pratiquer.
Le Dr Boutet craint toutefois de ne pouvoir retenir très longtemps plusieurs de ses membres. « Il y a certains médecins chez nous ayant cinq ou six ans de pratique qui voient le travail à faire. Cela va être décourageant pour eux de savoir qu’il n’y aura que douze nouveaux médecins pour toute la région alors qu’il en faudrait au moins vingt. »
La pénurie de main-d’œuvre rend le travail très lourd. Toutes les deux ou trois semaines, les omnipraticiens doivent faire la tournée des patients dans les unités de soins à l’hôpital. Leurs activités médicales particulières peuvent leur prendre vingt ou même trente heures par semaine. Les sept urgences de l’Abitibi, à elles seules, exigent au moins vingt-et-un médecins par période de vingt-quatre heures.
La pratique dans la région du Nord-Ouest peut paraître contraignante par rapport à celle dans d’autres territoires. « Nos jeunes collègues parlent à des omnipraticiens exerçant ailleurs. Dans certaines régions, ces derniers peuvent n’avoir comme activité médicale particulière que la prise en charge d’une clientèle. On a beau recruter des cliniciens en Abitibi-Témiscamingue, si on n’amène pas d’oxygène au système, on va avoir une rupture de services », a prédit le président de l’Association.
Le Dr Boutet a été très actif au cours de l’année pour essayer d’obtenir davantage de postes de médecins dans sa région. À titre de chef du Département régional de médecine générale et de président de l’AMONOQ, il a rencontré des représentants de la FMOQ et du ministère de la Santé et des Services sociaux ainsi que le sous-ministre adjoint. Il a même fait parvenir à ce dernier une lettre demandant plusieurs modifications dans le calcul des PREM des régions éloignées.
Dans sa missive, le Dr Boutet proposait qu’un médecin en région éloignée ne puisse être considéré comme valant plus de 1,0 ETP, même s’il fait le travail de 1,6 médecin. Le président voulait également que les territoires éloignés puissent bénéficier d’un plan triennal. Ces régions pourraient accueillir tous les nouveaux omnipraticiens qui désirent s’y établir l’année où il y a un afflux, quitte à n’avoir droit à aucun médecin de famille pendant les deux ans suivants. Le sous-ministre a toutefois répondu qu’il devait refuser ces demandes par équité pour les autres régions.
L
e calcul des PREM tient quand même compte de la situation particulière de territoires comme l’Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord, a précisé le Dr Serge Dulude, directeur de la Planification et de la Régionalisation à la FMOQ, qui était présent à l’assemblée générale. « Dans une région comme la vôtre où il y a des omnipraticiens qui travaillent très fort, si un médecin représente l’équivalent de 1,5 ETP, on sous-pondère. Il ne constitue peut-être alors que 1,1 ETP dans le calcul des PREM. On sous-évalue son travail pour ne pas donner l’impression que les effectifs médicaux sont plus nombreux qu’ils ne le sont en réalité. » Le calcul des PREM tient aussi compte de facteurs comme l’étalement de la population, l’éloignement des hôpitaux et les départs de jeunes médecins.
Le nouveau PREM de l’Abitibi-Témiscamingue comportera probablement 12 places en novembre prochain. |
Interrogé par les médecins présents, le Dr Louis Godin, président de la FMOQ, a, pour sa part, déclaré que la Fédération était prête à regarder si des modifications doivent être apportées aux PREM pour tenir compte de la nouvelle réalité des régions et des commentaires notamment des omnipraticiens des territoires éloignés. //