Dossiers spéciaux

Les secrets du microbiote

de nouvelles avenues en médecine

Emmanuèle Garnier  |  2014-09-22

Les bactéries intestinales sont en train de révolutionner plusieurs domaines de la médecine. On sait maintenant qu’elles agissent non seulement sur notre appareil digestif, mais aussi sur notre système immunitaire, notre métabolisme et même notre cerveau. Elles nous manipulent, mais nous les manipulons aussi.

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Nous ne sommes pas seuls dans notre corps. Ceux avec qui nous le partageons ont ensemble trois fois plus de cellules que nous1. Ils possèdent des gènes probablement 100 fois plus nombreux que les nôtres2. Et ils s’en servent pour fabriquer toutes sortes de molécules qui s’infiltrent dans notre organisme. Ils agissent ainsi sur notre cerveau, notre appareil digestif, notre métabolisme et nos mécanismes de défense. Ces étranges hôtes ce sont les bactéries du microbiote intestinal, autrefois appelé flore intestinale.

Dr Marie Sanchez

Le microbiote fait tellement partie de nous qu’on le considère maintenant comme un organe. Un organe oublié3. Un organe aux multiples fonctions doté de capacités dont les êtres humains sont dépourvus. Il peut ainsi utiliser à notre profit des fibres alimentaires que nous ne digérons pas, produire des vitamines que nous ne fabriquons pas4 et créer des acides gras que nous ne synthétisons pas. Il réduit même notre taux de cholestérol et notre glycémie3.

« Le microbiote régule également les mécanismes de l’inflammation et le système immunitaire et gère l’absorption de certains nutriments. Il peut être considéré comme un organe vital », précise Mme Marina Sanchez, professionnelle de recherche à l’Université Laval faisant un doctorat sur la prévention et le traitement de l’obésité.

Ce nouveau regard sur les bactéries intestinales bouscule les concepts classiques de santé et de maladie. « Avant, on pensait que notre génome était la principale composante qui déterminait les caractéristiques de notre santé, notre prédisposition aux affections et notre réponse à la maladie. On s’est toutefois rendu compte que les gènes de nos bactéries représentent environ 90 % de tous ceux que l’on possède dans notre corps. On dispose donc d’un génome beaucoup plus important que le génome humain », indique le Dr Sacha Sidani, gastro- entérologue du Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Le chercheur fait actuellement une surspécialité à l’Université McMaster, à Hamilton, où il travaille sur le microbiote intestinal.

À l’Université McGill, le Pr Satya Prakash, directeur du Laboratoire de recherche en technologie biomédicale et en thérapie cellulaire, s’intéresse depuis longtemps au microbiote. Il a réalisé de nombreuses études sur ce sujet. « Nous sommes à un point tournant de la médecine, affirme-t-il. Les nouvelles données sur le microbiote vont créer une révolution plus grande que l’arrivée des antibiotiques. Ce qui se prépare est vraiment excitant ! »

Pour l’instant, nous savons les microbes intestinaux influencés entre autres par notre nourriture, certains médicaments et notre stress. « Nous sommes en train de comprendre comment ces facteurs nous permettent d’agir sur le microbiote et comment ce dernier agit sur nous. Cela va dans les deux sens. Nous ignorons encore beaucoup de choses sur les bactéries intestinales. Il s’agit d’une science très jeune », affirme le Pr Prakash. Mais aux quatre coins du monde des chercheurs s’activent. Les études se multiplient. Les nouvelles données foisonnent.

Dr Prakash

Ces bactéries qui agissent sur nous

Nous vivons depuis le début des temps avec les microorganismes intestinaux. « Ce sont des bactéries qui nous protègent. Elles ne sont pas forcément toutes bonnes pour la santé. L’important c’est qu’il y ait un équilibre entre les bonnes et les mauvaises dans le microbiote », dit Mme Sanchez.

C’est d’ailleurs grâce à ces bactéries que notre propre organisme s’est développé normalement. « Chez les animaux de laboratoire sans microbes, le système immunitaire est immature », affirme le Dr Sidani. Leur appareil digestif est également déficient et leur système nerveux, sous-développé.

Le microbiote apporte beaucoup de réponses sur le fonctionnement de notre corps. Entre autres sur les dérèglements que sont le syndrome métabolique et les autres affections associées à l’obésité. « On sentait qu’on avait mis toutes les pièces du casse-tête en place, mais qu’il nous en manquait une pour comprendre le lien de cause à effet entre l’alimentation et l’apparition de ces maladies », explique le Pr André Marette, directeur scientifique de l’Institut de nutrition et des aliments fonctionnels de l’Université Laval.

Il y a quatre ans, le chercheur était sceptique au sujet du microbiote intestinal. Mais peu à peu les preuves scientifiques se sont imposées à lui. Depuis deux ans, cet expert du diabète de type 2 a lui-même plongé dans la recherche sur le microbiote. Il lui semblait de plus en plus clair que les bactéries intestinales jouaient un rôle clé dans la maladie qu’il étudiait.

Nos relations avec les microbes entériques ne sont en fait pas toujours harmonieuses. Ils peuvent nous protéger, mais aussi nuire à notre santé. « Les problèmes surviennent quand on a une altération du microbiote normal qu’on appelle une dysbiose. Il s’agit de modifications au sein de nos espèces bactériennes normales qui se traduisent souvent par une perte de diversité. Quand le nombre d’espèces diminue trop, c’est alors qu’une maladie peut apparaître », précise le Dr Sidani.

Maigrir grâce aux probiotiques ?13

Dans quelle mesure une modification du microbiote intestinal permettait-elle de perdre du poids ? Mme Marina Sanchez, professionnelle de recherche à l’Université Laval, fait son doctorat sur ce sujet. Elle a réalisé, avec la collaboration d’autres chercheurs, un essai clinique à répartition aléatoire, à double insu, qui comprenait 48 hommes et 77 femmes tous obèses13. La moitié du groupe a reçu des capsules contenant un probiotique, Lactobacillus rhamnosus, accompagné de prébiotiques, et l’autre moitié un placebo. Pendant les douze premières semaines, tous les groupes ont été soumis à un régime modéré qui visait une réduction de 500 kcal/j. Pendant les douze semaines suivantes, les participants devaient tenter de maintenir leur poids.

À la fin de l’essai clinique, l’ensemble des sujets qui avaient reçu le probiotique n’avait pas perdu significativement plus de poids que ceux qui avaient pris le placebo. Toutefois, les groupes de femmes réservaient une surprise. Celles qui avaient absorbé les probiotiques avaient perdu en moyenne 1,8 kg de plus que celles du groupe témoin après douze semaines et un total de 2,7 kg de plus après vingt-quatre semaines. Les femmes sous probiotiques ont ainsi non seulement perdu du poids et de la masse adipeuse pendant la phase d’amaigrissement, mais ont aussi continué à en perdre pendant la phase de maintien contrairement à celles du groupe témoin. « Une perte additionnelle de 3 kg en six mois, c’est excellent », indique le Pr André Marette, de l’Université Laval, qui est également l’un des auteurs de l’étude.

Pourquoi les hommes n’ont-ils pas eu le même succès que les femmes ? « On a plusieurs hypothèses, indique Mme Sanchez. Peut-être que la dose de probiotiques n’était pas assez élevée pour eux ou encore que l’étude n’a pas duré assez longtemps pour que l’on puisse voir un effet sur ce groupe. »

On sait, par ailleurs, que les hommes répondent généralement mieux que les femmes aux interventions pour réduire le poids, que ce soit l’exercice ou un régime alimentaire. Les hommes du groupe témoin ont effectivement maigri davantage que les femmes qui prenaient le placebo. Mais cette différence s’est effacée dans les groupes qui ont reçu des probiotiques. « C’est comme si ces bactéries permettaient aux femmes de perdre du poids aussi efficacement que les hommes », précise la chercheuse.

Obésité et inflammation

L’obésité est une de ces affections touchées par un microbiote déséquilibré. Les microbes intestinaux des personnes obèses diffèrent de ceux des gens minces. Ils sont moins diversifiés1 et comportent des espèces différentes.

Ces caractéristiques sont importantes, parce que les bactéries n’agissent pas toutes de la même façon sur l’organisme. Certaines semblent favoriser la prise de poids. Ainsi, plusieurs auraient le pouvoir de modifier la perméabilité de la muqueuse de l’intestin et de la rendre plus poreuse. « Elles permettent alors à toutes sortes de molécules d’entrer dans l’organisme : des lipides, des acides gras, de petites protéines, etc. C’est comme si elles leur ouvraient les portes plus grand », explique le Pr Prakash.

Heureusement, d’autres bactéries jouent le jeu inverse. Elles rendent la perméabilité de l’intestin adéquate. Elles lui permettent de remplir ses fonctions d’absorption sans l’empêcher de jouer son rôle de barrière protectrice.

L’augmentation de la porosité de l’intestin peut avoir une importante conséquence : l’apparition d’une inflammation chronique de faible intensité. Certains microbes, les bactéries Gram négatives, possèdent des lipopolysaccharides, des toxines qui s’infiltrent dans l’organisme lorsque la paroi de l’intestin devient plus perméable5,6. « Ce sont des molécules associées à l’inflammation. Chez une personne normale, elles restent dans l’intestin et sont excrétées. Par contre, chez une personne dont la paroi intestinale a subi un changement, les lipopolysaccharides entrent plus facilement dans le système. À ce moment-là, un état inflammatoire s’installe », affirme Mme Sanchez.

La circulation de ces lipopolysaccharides favorise l’apparition des maladies liées à l’obésité, dont le diabète de type 2. « L’état inflammatoire modifie certains paramètres liés à la glycémie. Les gens qui ont une inflammation vont donc devenir intolérants au glucose et éventuellement avoir le diabète de type 2. L’inflammation est aussi associée à des maladies comme l’hypertension, les dyslipidémies, le syndrome métabolique et les troubles cardiovasculaires », précise la professionnelle de recherche.

Bouleversements en gastro-entérologie

Plusieurs pans de la médecine sont en train d’être revus à travers le prisme du microbiote. La spécialité qui subit le plus de bouleversements est la gastro-entérologie.

« Avant, on voyait l’appareil digestif comme une succession d’organes : l’estomac, l’intestin grêle, le côlon, le pancréas, le foie. On négligeait la partie la plus importante qui est le microbiote intestinal. Ce nouvel élément est très excitant, parce qu’il va probablement changer notre conception de plusieurs maladies intestinales. Cela touche non seulement les troubles inflammatoires comme la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse, mais aussi tous les problèmes digestifs fonctionnels comme le syndrome du côlon irritable. Ce dernier est un problème difficile à traiter, mais pour lequel les recherches sur le microbiote intestinal sont très prometteuses », affirme le Dr Sidani.

Dr Sacha Sidani

Le spécialiste étudie, pour sa part, l’effet du microbiote sur la motilité intestinale. « On regarde comment le microbiote agit pour altérer le transit intestinal. Certaines études nous montrent qu’un bon microbiote permet d’avoir une motilité intestinale normale. On sait aussi que lorsqu’une dysbiose modifie le transit, il peut en résulter soit une diarrhée soit de la constipation. On cherche donc à savoir comment intervenir sur les microbes intestinaux pour traiter ces problèmes. »

Le monde des bactéries pourrait également jouer un rôle dans le cancer colorectal. À l’intérieur des intestins, un microbiote déséquilibré peut receler d’inquiétants microbes : des bactéries qui créeraient des conditions physiologiques et biochimiques augmentant le nombre de lésions précancéreuses dans le côlon7. Certaines fabriquent même carrément des produits cancérigènes.

Notre cerveau manipulé par les bactéries

L’influence du microbiote intestinal s’étend jusqu’au cerveau. Les microbes entériques seraient capables de sécréter des hormones, comme la sérotonine, qui influencent l’humeur et les facultés cognitives2. Plusieurs bactéries produisent également des molécules qui activent les mêmes neurorécepteurs que le diazépam (Valium) et autres benzodiazépines. D’autres fabriquent des substances similaires aux hormones qui régulent la satiété et la faim8.

« Plusieurs études montrent que notre microbiote participe à notre comportement ainsi qu’à la santé de notre cerveau et de notre système nerveux de façon générale. On sait que certains types de microbiote nous entraîne davantage vers l’anxiété et la dépression », mentionne le Dr Sidani.

Cette question présente un intérêt particulier pour les gastro-entérologues : jusqu’à 80 % des patients souffrant du syndrome du côlon irritable ont aussi des symptômes psychiatriques comme un comportement anxieux9. On soupçonne le microbiote de contribuer non seulement à leur maladie intestinale, mais aussi à leurs troubles psychiques.

Cette faculté qu’ont certaines bactéries d’agir sur le cerveau n’est généralement pas inquiétante. « La présence d’un microbiote normal et diversifié va probablement entraîner la production de plusieurs neurotransmetteurs différents dont on a besoin en quantité raisonnable. Toutefois, si l’on a une dysbiose caractérisée par une surproduction de bactéries fabriquant de la sérotonine, on risque d’avoir un excès de ce neurotransmetteur, ce qui va perturber notre système nerveux », précise le gastro-entérologue.

Les bactéries pourraient par ailleurs avoir aussi une influence sur nos facultés cognitives. Il serait possible qu’elles interviennent dans l’apprentissage et la mémoire. Les souris sans microbiote, par exemple, ont une mémoire de travail et une mémoire non spatiale déficiente. Le microbiote pourrait donc être essentiel au développement cognitif normal10.

Certains microorganismes tireraient- ils avantage de leur influence sur notre cerveau ? Eh bien, oui. « On sait que le microbiote influence le comportement alimentaire en nous donnant faim ou en ne nous donnant pas faim. Les bactéries peuvent manipuler l’équilibre énergétique, le temps de digestion de certains aliments et la production de plusieurs enzymes nécessaires à la digestion. Elles essaient de créer un environnement qui leur est favorable », mentionne le Pr Prakash.

Plusieurs microbes recourraient même à des stratégies très poussées pour parvenir à leurs fins. Selon certains chercheurs, ils pourraient provoquer chez leur hôte des rages pour des aliments qu’ils consomment ou pour des produits qui suppriment leurs concurrents. Ils seraient également capables d’engendrer un état de malaise jusqu’à ce que l’on mange la nourriture dont ils ont besoin8.

« Ils nous manipulent. Mais nous aussi les manipulons », ajoute le Pr Prakash, qui a fondé, avec son frère et des étudiants, la firme Micropharma, qui a mis au point des produits permettant de bénéficier des propriétés de certaines bactéries.

Comment manipuler à notre tour les bactéries ?

Nous disposons de toute une panoplie d’outils pour intervenir dans l’univers des microbes entériques : antibiotiques, transfert de selles, alimentation, probiotiques, prébiotiques, etc. Certains de ces moyens sont à la portée de tous.

La nourriture, à elle seule, peut produire en seulement 24 heures des changements parmi les bactéries intestinales1. Un jour, par exemple, vous prenez trop d’aliments riches en gras saturés. Vous perturbez alors votre microbiote. Si vous continuez, la variété de vos microorganismes entériques s’appauvrira3. Les modifications en profondeur du microbiote demandent un certain temps1. Heureusement, les changements que vous avez provoqués ne sont pas irréversibles. « Le fait d’ajouter des fibres et de diminuer les lipides va restaurer le microbiote. Les fibres sont l’alimentation des bonnes bactéries intestinales », affirme Mme Sanchez.

On peut même donner à nos bactéries utiles des aliments qui sont spécialement conçus pour elles : les prébiotiques. Ce deuxième outil consiste en des éléments nutritionnels comme l’inuline, le psyllium ou l’oligofructose qui favorisent leur croissance. On peut acheter ces suppléments dans une pharmacie ou un magasin de produits naturels.

Pr Marette

Un prébiotique particulièrement intéressant pourrait éventuellement être l’extrait de canneberge. Le Pr Marette vient de démontrer qu’il accroît de manière très importante la population d’une bactérie connue sous le nom de Akkermansia mucinipila chez la souris11. « Beaucoup d’études, en plus de la nôtre, ont montré que l’augmentation de la population de cette bactérie était associée à une meilleure santé cardiaque et métabolique », explique le chercheur du centre de recherche de l’Institut universitaire de cardiologie et pneumologie de Québec. Les souris gavées à l’extrait de canneberge avaient effectivement pris moins de poids que les animaux témoins qui avaient la même alimentation riche en calories. Elles présentaient, en plus, un taux de triglycérides plus bas, moins de signes d’inflammation et une meilleure sensibilité à l’insuline.

Le troisième outil pour améliorer le microbiote intestinal réside dans les incontournables probiotiques. Ce sont des microorganismes qui, ingérés en quantité adéquate, sont bénéfiques pour la santé. Les bactéries les plus utilisées sont Bifidobacterium et Lactobacillus12. Elles permettent de rééquilibrer la composition du microbiote et font concurrence aux microbes pathogènes. On leur attribue de nombreux effets bénéfiques sur les intestins, le système immunitaire et peut-être même le fonctionnement du cerveau.

Perdre du poids plus aisément ?

Pourrait-on maigrir plus facilement en changeant notre microbiote ? Peut-être. À l’Université Laval, Mme Sanchez s’est penchée sur cette question. Dans l’étude qu’elle a menée avec d’autres chercheurs, les femmes obèses qui avaient pris des probiotiques avaient perdu en moyenne 1,8 kg de plus que celles du groupe témoin après douze semaines de régime et 2,7 kg de plus après les douze autres semaines de maintien du poids (encadré p. 11)13. Au total, les probiotiques ont permis à ces participantes d’obtenir une perte de poids supplémentaire de presque 3 kg en six mois. Chez les hommes, par contre, les probiotiques sont restés sans effet.

Les probiotiques constitueraient-ils un adjuvant possible à un traitement amaigrissant ? « Il est encore trop tôt pour que l’on prescrive des probiotiques pour la perte de poids ou pour des problèmes métaboliques, avertit Mme Sanchez. D’autres études doivent encore être faites. » Mais en attendant ? « Il peut être intéressant, que l’on souffre d’obésité ou non, d’avoir des probiotiques dans son alimentation quotidienne. Cela est indéniable. La santé intestinale est très importante. »

Réduire son taux de cholestérol

Des bactéries peuvent aussi servir à réduire le taux de cholestérol. Cette fois-ci, le traitement est commercialisé. Le produit s’appelle Cardioviva et est fabriqué par Micropharma. Le Pr Prakash et son équipe ont entre autres montré dans une étude sur 127 sujets que la prise de Lactobacillus reuteri en capsule permettait de diminuer de 11,64 % le taux de cholestérol LDL (P , 0,001) et de 9,14 % la concentration de cholestérol total (P , 0,001) par rapport au placebo14.

Diminuer l’inflammation

Les probiotiques pourraient apporter un remède à une affection pour laquelle il n’existe actuellement aucun traitement : l’inflammation causée par les lipopolysaccharides, ces toxines qui passent à travers les parois intestinales trop perméables. Dans leur laboratoire, le Pr Prakash et son équipe ont montré à la fois in vitro12 et chez l’animal que certains types de Lactobacillus et de Bifidobacterium pouvaient diminuer la concentration de ces molécules et des marqueurs de l’inflammation. La réduction dépasserait les 25 % selon des résultats qui vont bientôt être publiés. On est toutefois encore loin d’un traitement chez les êtres humains.

Prévenir le cancer du côlon

Certains probiotiques pourraient constituer une arme contre le cancer colorectal. Ils produiraient entre autres des composés contre le cancer et renforceraient les défenses immunitaires de l’hôte7. « En ce moment, on ne sait pas encore si ces microorganismes pourraient être utilisés pour prévenir ou pour traiter le cancer colorectal. Ils ont cependant un bon potentiel », juge le Pr Prakash qui a fait des études sur ce sujet et publié plusieurs articles.

Les nouvelles avenues thérapeutiques

Jusqu’à présent, l’efficacité de très peu de produits contenant des probiotiques a été prouvée avec la rigueur que l’on exige pour l’approbation des médicaments. Les essais cliniques d’envergure chez les êtres humains sont encore peu nombreux. « Il n’existe que quelques produits qui sont passés au travers tout le processus. Il y en a pour le traitement de l’infection à Clostridium difficile, de la diarrhée, du syndrome du côlon irritable, de la maladie de Crohn ainsi que pour la réduction du taux de cholestérol », précise le Pr Prakash. Ces produits sont fabriqués par des entreprises comme Bio-K, Micropharma et Danisco.

La recherche sur le microbiote intestinal est très prometteuse. « Il faut cependant regarder encore plus loin. Le microbiote intestinal est le plus étudié, mais il y en a d’autres qui pourraient changer notre conception de certaines maladies. Les bactéries cutanées, par exemple, pourraient être très importantes dans l’apparition d’affections comme le psoriasis ou l’eczéma », mentionne le Dr Sidani. Le microbiote buccal aussi recèlerait des secrets : il pourrait entre autres jouer un rôle dans la maladie d’Alzheimer chez certains patients, selon des chercheurs15.

« Les découvertes sur le microbiote vont changer la pratique de la médecine d’ici 10 ans », prédit le Pr Prakash. Le Pr Marette est du même avis. « Avec la rigueur des recherches que l’on voit depuis deux ou trois ans, je pense que c’est indéniable, du moins pour toutes les maladies qui ont une base inflammatoire. Je crois que dans les cinq prochaines années, on assistera à d’importantes percées. » //

Bibliographie

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