Au cours des années, l’Association canadienne de protection médicale (ACPM) a adapté ses services pour répondre aux changements de pratique de ses membres. Son aide est discrétionnaire. En tant que mutuelle de défense, elle peut choisir d’assister ou non un membre en cas de difficulté médicolégale liée à ses activités médicales professionnelles.
Nous avons déjà abordé, dans les numéros précédents, les principes généraux d’assistance aux cliniques1, l’assistance pour des actes administratifs2, le travail en collaboration avec les infirmières3 ainsi que le travail concerté avec les IPS et les candidates IPS4. Dans ce dernier article sur l’étendue de l’assistance de l’ACPM aux cliniques, nous vous proposons un cas fictif pour illustrer les principes de l’assistance aux membres et aux cliniques lorsque le médecin offre des services en collaboration avec d’autres professionnels de la santé.
La Dre Lorraine LeGrand Westfall, chirurgienne, est directrice des Affaires régionales à l’ACPM. Me Daniel Boivin, avocat, travaille chez Gowlings, à Ottawa, et est membre du contentieux de l’Association canadienne de protection médicale (ACPM). |
Dans cet exemple, le médecin est le seul propriétaire d’une clinique où exercent des omnipraticiens et deux physiothérapeutes. Ces derniers aident certains patients à récupérer de problèmes physiques variables. Ils pratiquent de temps à autre de façon indépendante, c’est-à-dire sans qu’un médecin de la clinique ne leur ait envoyé les patients ou ne soit engagé dans les soins. C’est pour cette raison que le propriétaire de la clinique, connaissant bien les principes d’assistance de l’ACPM, a obtenu une protection supplémentaire auprès d’une compagnie d’assurances pour les activités cliniques indépendantes de ces autres professionnels.
Les installations de physiothérapie comprennent un grand bassin permettant au patient de relaxer avant ou pendant ses traitements. Lors d’une séance, un patient a glissé sur une surface mouillée près du bassin et s’est brisé deux côtes. N’étant plus en mesure de faire son travail d’entraîneur sportif pendant plusieurs mois, il intente une action en justice contre le médecin, la clinique et le physiothérapeute, en alléguant que ce dernier a fait des manipulations qui l’ont déstabilisé et ont provoqué sa chute.
L’assistance de l’ACPM à ses membres est discrétionnaire et doit toujours faire l’objet d’une analyse selon les circonstances. Toutefois, un médecin y aura droit généralement s’il est nommé dans un recours juridique mettant en cause sa responsabilité professionnelle, même s’il n’a jamais rencontré ni évalué le patient. Qu’il collabore aux soins offerts à un patient par un autre professionnel de la santé ou que ce dernier traite le patient de façon indépendante, le médecin y reste admissible.
Dans le cas présenté plus tôt, l’ACPM aiderait donc vraisemblablement le médecin. Si ce dernier n’a jamais rencontré le patient et qu’il n’a participé ni de près ni de loin aux soins prodigués par le physiothérapeute, un jugement contre lui serait très peu probable. Néanmoins, l’ACPM accompagnerait le médecin jusqu’à l’aboutissement de la procédure judiciaire.
Si le médecin a participé aux soins, par exemple en orientant le patient en consultation vers le physiothérapeute, le demandeur doit démontrer qu’il a commis une faute, en apportant notamment une preuve prépondérante d’expert selon laquelle un médecin agissant de façon prudente et raisonnable ne l’aurait pas dirigé en physiothérapie. Une note claire et précise au moment de la rencontre avec ce patient et l’indication d’orientation seront utiles à la défense du médecin.
La détermination de l’assistance à une clinique pour une action découlant des gestes d’un employé dépend des circonstances.
Dans notre exemple, la première étape consiste à préciser la cause de la chute et à déterminer si cette dernière est attribuable à un acte fautif du physiothérapeute. Si le patient s’est blessé en glissant sur une surface mouillée non entretenue, la responsabilité de la clinique est engagée, mais n’est pas liée à un geste médical. C’est alors l’assureur de la clinique pour les biens et la responsabilité civile non professionnelle (chutes et autres méfaits) qui assurera la défense de la clinique, l’ACPM n’offrant pas une telle protection.
Par contre, s’il est démontré que la chute était en partie ou en totalité liée à une mauvaise communication ou manipulation du physiothérapeute et que ce dernier offrait un service à un client sans orientation médicale ni participation du médecin, c’est la compagnie d’assurances couvrant les services professionnels des physiothérapeutes qui représentera la clinique et qui versera une compensation au patient si une faute du physiothérapeute était reconnue.
Enfin, si le physiothérapeute a prodigué des soins dans le cadre d’une consultation avec le médecin, conformément à une entente avec la clinique et si cette dernière répond autrement aux principes d’admissibilité à l’assistance aux cliniques, l’ACPM assistera vraisemblablement la clinique, le médecin et le physiothérapeute lors du litige.
Cet exemple illustre bien le besoin, pour une clinique qui compte des employés pouvant travailler de façon indépendante, de souscrire une assurance responsabilité professionnelle pour les gestes des autres professionnels de la santé. Bien entendu, toute clinique, qu’elle emploie d’autres professionnels de la santé ou non, devrait détenir une assurance pour les biens et la responsabilité civile non professionnelle, puisque l’ACPM ne porte jamais assistance pour de telles réclamations.
Un professionnel employé par la clinique qui donne des soins en collaboration avec le médecin ou sous sa direction pourra, si la clinique répond autrement aux critères d’assistance aux cliniques de l’ACPM, avoir recours aux services de l’ACPM. S’il pratique de façon indépendante, il n’y sera pas admissible.
Les champs d’exercice de certains professionnels de la santé ont récemment fait l’objet de changements législatifs. D’autres modifications du même genre sont à prévoir. Ces professionnels, dont font partie les physiothérapeutes, partagent certains domaines d’activité avec les médecins, mais ont aussi les compétences pour exercer leur profession sans supervision médicale. Comme les cliniques deviendront possiblement de plus en plus multiprofessionnelles, il est important que l’équipe de soins comprenne bien l’expertise de chacun des membres. En outre, les communications doivent être claires et précises et le rôle de chacun bien établi, notamment par la création de protocoles encadrant les communications et les activités des professionnels. Enfin, il est impératif que les cliniques qui comptent d’autres professionnels donnant des soins de façon indépendante obtiennent une protection à l’égard de la responsabilité professionnelle de leurs employés.
L’aide de l’ACPM n’est offerte que si les soins prodigués sont de nature médicale. Par son expérience pancanadienne, l’ACPM constate que les cliniques prennent désormais plusieurs formes. Certaines offrent ainsi maintenant des services qui s’éloignent de ceux qui existaient traditionnellement dans les cliniques médicales. On peut penser, par exemple, aux cliniques de médecine cosmétique qui donnent des soins non médicaux. Bien entendu, l’assistance de l’ACPM ne serait pas disponible si une réclamation contre une clinique découlait de tels soins. //