Mémoire de la FMOQ
La FMOQ estime qu’il serait nécessaire d’apporter des changements au projet de loi no 10 sur les prochaines modifications du réseau de la santé dans trois domaines : la taille des futurs centres intégrés de santé et de services sociaux, la composition de leur conseil d’administration ainsi que les pouvoirs qu’aura dorénavant le ministre de la Santé.
Dr Marc-André Amyot, Dr Louis Godin et Me Pierre Belzile à la présentation du mémoire de la FMOQ sur le projet de loi no 10
Crédit photo : FMOQ/Jean-Pierre Dion
Le 21 octobre dernier, le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin, a présenté à Québec les différents changements que la Fédération demande au gouvernement d’apporter à son projet de loi no 10 concernant les modifications de l’organisation et de la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux.
« Je résumerais en trois points les réserves que l’on a : la taille des futurs centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS), la composition du conseil d’administration ainsi que les pouvoirs qui seront désormais dévolus au ministre de la Santé », a expliqué dès le départ le Dr Godin à la Commission de la santé et des services sociaux de l’Assemblée nationale.
Même si le gouvernement n’avait laissé qu’un court laps de temps aux divers organismes pour produire un mémoire, la FMOQ avait réussi à effectuer au cours des deux semaines précédentes une consultation auprès de ses membres et de ses associations affiliées. La position que présentait le Dr Godin reflétait ainsi l’opinion de plusieurs centaines d’omnipraticiens.
La Fédération voit d’un bon œil l’élimination des agences de la santé et des services sociaux que prévoit le projet de loi (encadré). À son avis, la disparition de ce palier intermédiaire entre le ministère de la Santé et les instances locales pourra réduire la bureaucratie et augmenter l’efficacité du système.
La FMOQ a toutefois des réserves concernant certains aspects des nouveaux CISSS que va créer la loi. Au nombre de 28, ils seront issus de la fusion des agences et des établissements de soins d’une même région sociosanitaire. Certains vont couvrir un territoire très large et compteront de nombreux établissements de soins, ce qui pourrait les rendre ingérables.
« Dans ces nouveaux établissements-là, on aura des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) qui pourront compter dans certains endroits, jusqu’à 2000 membres. On aura des départements cliniques qui vont s’étendre sur quinze sites ou quarante-cinq sites potentiels. Comment les CMDP et les départements cliniques pourront vraiment jouer le rôle qui leur est dévolu et répondre aux obligations auxquelles ils ont à faire face ? », a demandé le Dr Godin au cours de son exposé à la Commission.
Le CISSS de la Montérégie, par exemple, aura à gérer une multitude de centres de santé et de services sociaux et un nombre encore plus important d’établissements de soins. « Comment va-t-on être capables de faire valoir, à l’intérieur de cette structure, les besoins, plus particulièrement ceux de la première ligne, lorsqu’ils seront mis dans la balance avec les établissements de taille beaucoup plus importante ? »
La Fédération craint une tendance hospitalocentriste. Les besoins des centres hospitaliers passeraient alors bien avant ceux de la première ligne. Elle se souvient encore de la dernière réforme dans laquelle les anciens CLSC ont été avalés par les hôpitaux.
Le mémoire de la Fédération recommande donc d’éviter « un virage excessif et (de) revoir l’ampleur des fusions afin de maintenir un nombre adéquat d’établissements à l’intérieur des limites territoriales qui favorisent l’efficience dans la prestation des services dont, particulièrement, les services médicaux de proximité. » Elle propose également de décentraliser les CMDP et les départements cliniques pour leur permettre de mieux fonctionner.
À la lecture du projet de loi, bien des médecins de famille ont été stupéfaits de constater qu’un omnipraticien pratiquant à temps plein ou à temps partiel dans un établissement de soins ne pourrait être nommé au conseil d’administration (CA) d’un CISSS (encadré).
« Il est choquant de voir le gouvernement nier la présence et l’apport de milliers de médecins omnipraticiens dans les affaires des établissements. Aucune raison ne justifie une telle mesure. Pour de nombreux médecins qui se sont manifestés auprès de la Fédération, cet aspect du projet de loi confine au mépris », indique le mémoire de la FMOQ.
Le projet de loi priverait d’ailleurs les CISSS d’une importante expertise. « Plus de 80 % des médecins omnipraticiens travaillent en établissement, et cette façon de faire l’empêchera, par exemple, des médecins d’urgence qui, souvent, peuvent être une partie importante du nombre de médecins qui sont à l’intérieur du CMDP de se retrouver comme membres du conseil d’administration. Souvent particulièrement dans les régions plus périphériques, ce sont les médecins de famille qui occupent la très grande majorité des postes à l’intérieur des CMDP. Ces gens-là se verraient alors carrément refuser la possibilité de siéger au conseil d’administration », a indiqué le Dr Godin à la Commission.
Le président de la Fédération a donc demandé la rectification des paragraphes concernant le choix des membres du CA des CISSS pour ne plus exclure les omnipraticiens exerçant dans un établissement de soins.
La Fédération estime, pour finir, que le ministre s’attribue beaucoup de droits dans son projet de loi. Il pourra, par exemple :
« Il est clair qu’il y a une augmentation importante du pouvoir du ministre, particulièrement du pouvoir de nomination, à la fois sur le plan des conseils d’administration, des PDG, des directeurs généraux adjoints. On ne peut pas écarter le risque qu’il y ait une politisation très importante du réseau de la santé », a averti le président de la FMOQ.
À la fin de l’exposé du Dr Godin, le ministre de la Santé et des Services sociaux, le Dr Gaétan Barrette, a tenu à apporter certaines précisions concernant ses futurs pouvoirs. La loi proposée, a-t-il assuré, sera transitionnelle. Et la partie appelée à être changée « ce n’est pas l’essence de la loi, mais bien la partie des pouvoirs du ministre, qui sont des pouvoirs qui sont, d’abord et avant tout, fonctionnels et non politiques, pour faire en sorte que l’on puisse faire rapidement, lorsque ce sera nécessaire, les nominations entre autres des gens qui seront à des conseils d’administration et à des directions. » Lorsque la loi sera réécrite et aura sa forme permanente, les processus de nomination redeviendront à la normale et ne dépendront plus autant du ministre, a indiqué le Dr Barrette.
Dr Gaétan Barrette, © Collection de l’Assemblée nationale du Québec, photographe Valérie Cliche
Le ministre a ensuite expliqué l’exclusion des omnipraticiens pratiquant dans les hôpitaux des CA des CISSS. Le but est de s’assurer qu’il y aura à la fois un médecin de famille et un spécialiste dans ces conseils. « La mécanique qu’on a trouvée n’est peut-être pas idéale, j’en conviens, mais elle fait le travail... Et vous comprendrez évidemment que, pour avoir la garantie d’avoir un médecin spécialiste, c’est difficile d’aller en chercher un à l’extérieur de l’hôpital. »
Le Dr Godin a proposé une voie qui pourrait satisfaire toutes les parties : simplement permettre aux départements régionaux de médecine générale (DRMG) de sélectionner librement les omnipraticiens qui figureront sur la liste de candidats qu’ils soumettront au ministre pour qu’il y choisisse un membre du CA. Les DRMG pourront donc désigner, s’ils le jugent nécessaire, des médecins pratiquant dans un établissement.
Le Dr Barrette a par ailleurs voulu savoir de quelle manière, selon le Dr Godin, un CMDP pourrait fonctionner efficacement dans le cadre du projet de loi.
« Il faut absolument prévoir une décentralisation, une division, une subdivision des CMDP. Il faudra voir comment ça peut se traduire dans les faits pour que les structures médicoadministratives correspondent beaucoup plus à la réalité sur le terrain », a répondu le Dr Godin.
Le surlendemain, le 23 octobre, c’était à l’Association médicale du Québec de présenter son mémoire. La Fédération des médecins spécialistes du Québec et le Collège des médecins du Québec, eux, étaient passés la veille, le 20 octobre.
L’agence de la santé et des services sociaux ainsi que les établissements d’une région seront fusionnés pour ne former qu’un seul établissement régional, le « centre intégré de santé et de services sociaux » (CISSS).
Il n’y aura plus que deux niveaux hiérarchiques : le ministre et les établissements régionaux.
Montréal constituera une exception. La métropole possédera cinq établissements régionaux et quatre établissements dits « suprarégionaux » : le Centre hospitalier de l’Université de Montréal, le Centre universitaire de santé McGill, le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine et l’Institut de Cardiologie de Montréal.
Le CA d’un établissement régional sera composé d’une quinzaine de personnes, toutes nommées par le ministre :
Le CA d’un établissement suprarégional aura la même composition, à l’exception près qu’il n’y aura pas de membre issu du DRMG. Un omnipraticien membre du CMDP pourra donc y siéger.
Le ministre nommera lui-même le président du CA des CISSS.
Les réseaux locaux de services deviendront des « réseaux régionaux de services de santé et de services sociaux » et couvriront tout le territoire de leur région sociosanitaire.
Les DRMG continueront à exister.
Les fonctions d’une agence seront dorénavant exercées par l’établissement régional ou le ministre, selon le partage qu’en fait le projet de loi. Le ministre exercera lui-même les pouvoirs d’une agence en ce qui concerne les plans régionaux d’effectifs médicaux.
Le ministre pourra, par règlement, édicter des règles relatives à la structure organisationnelle de la direction des établissements. Il pourra aussi prescrire à un établissement public des mesures que ce dernier devra respecter afin d’améliorer son organisation et sa gestion.
Le ministre aura, dans la future loi, des fonctions et des pouvoirs particuliers, comme de donner à un établissement des directives portant sur les objectifs, les orientations et les actions de ce dernier dans l’exécution de ses fonctions.
Source : Service juridique de la FMOQ